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[Blog] Coup de gueule : Dans l’ombre de l’humiliation

📷 Marjoreland Pothiah

Dans l’antre du pouvoir politique, où chaque mouvement est scruté à la loupe, l’éviction subite de Vikram Hurdoyal de son poste ministériel a suscité un véritable séisme. Cette décision, exécutée dans l’obscurité d’une nuit dominicale, révèle les complexités et les intrigues qui sous-tendent les rouages du pouvoir. L’analyse du timing de cette révocation soulève des questions.

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Pourquoi le Premier ministre, Pravind Jugnauth, a-t-il choisi de destituer son ministre de l’Agro-industrie alors qu’il était en déplacement privé en Europe ? Pourquoi n’a-t-il pas attendu son retour pour lui exposer en face les motifs de sa révocation ? Pourquoi cette décision a été annoncée aux environs de 20 heures, presque au moment où Vikram Hurdoyal prenait place dans l’avion pour retourner au pays ? Selon les dires de celui-ci, ce n’est qu’à sa descente d’avion, lundi matin, qu’il apprend qu’il n’est plus membre du Cabinet. 

L’ironie veut que Vikram Hurdoyal avait quitté l’aéroport Sir Seewoosagur Ramgoolam comme VIP pour y retourner comme un citoyen lambda. Jouant un peu dans le spectacle, Vikram Hurdoyal a préféré rentrer chez lui à bord d’un taxi. 

Certes, la manière dont il a été révoqué est une forme d’humiliation qui prend une autre dimension lorsqu’il dit ne pas savoir les motifs. Le planteur de l’Est n’arrive pas à dissimuler l’amertume qui ronge ses entrailles. « Mo enn ti pe afekte. Mo leker extremman fermal », confie-t-il à la presse. 

On se demande quelle peut bien être cette faute pour qu’il mérite ce traitement humiliant. L’absence de communication officielle du gouvernement concernant les motifs de cette révocation a laissé la population dans l’expectative, alimentant ainsi diverses spéculations. 

Certains avancent l’hypothèse d’une relation entre Vikram Hurdoyal et Navin Ramgoolam, leader du Parti travailliste. Cette « proximité » non avérée jusqu’ici aurait été favorisée par la frustration de Vikram Hurdoyal depuis la révocation de son « protégé » en tant que président du Conseil de district de Flacq. 

Cependant, que ce soit Vikram Hurdoyal ou Navin Ramgoolam, ils rejettent en bloc tout contact secret. Malgré ces démentis, des zones d’ombre subsistent, renforcées par les propos énigmatiques du ministre Soodesh Callichurn. Ce dernier ajoute une dimension supplémentaire au mystère entourant cette révocation : « Bann news ki pe sirkile kom kwa li finn zwen Navin Ramgoolam, le leader du Parti travailliste. Si sa li vre alor pou mwa se enn traizon, nou pa dakor avek sa o parti ». 

Doit-on déduire que le Premier ministre a voulu s’immuniser de la pire des humiliations pour un chef de gouvernement que représente la démission d’un ministre en infligeant une révocation nocturne sans sommation à Vikram Hurdoyal ? 

Au-delà des conjectures, une réalité implacable émerge : cette décision nocturne aura des répercussions profondes sur le paysage politique. Elle s’inscrit dans un contexte déjà marqué par une série de controverses et de scandales, mettant en lumière les fragilités d’un gouvernement en fin de mandat. La semaine précédente avait été marquée par une plainte d’agression à l’encontre du ministre Ramdhany, ajoutant ainsi une strate supplémentaire de controverses au tableau politique. Bien que la prétendue victime se soit rétractée, il ne fait pas l’ombre d’un doute que l’opposition ne lâchera pas prise. 

Ces événements s’ajoutent à la démission antérieure du PPS Dhaliah sous le poids d’allégations de trafic d’influence et de pots-de-vin dans l’affaire Eco Deer Park et aux insinuations persistantes entourant l’Attorney General, Maneesh Gobin. Si la décision du Premier ministre de révoquer son ministre de l’Agro-industrie s’avère être une maladresse, il risque en réalité de s’être tiré une balle dans le pied, déclenchant une série d’événements aux conséquences insoupçonnées. Cela pourrait ébranler les fondations de son pouvoir tout en compromettant sérieusement ses chances de victoire électorale, donnant ainsi un nouvel élan à l’alliance de l’opposition qui jusqu’ici navigue timidement dans les eaux rurales. 

Déjà, l’opposition s’active à aiguillonner Vikram Hurdoyal de démissionner comme député pour provoquer une élection partielle ou idéalement pour elle les élections législatives. Ces développements imprévus, survenant à quelques encablures de la fin du mandat de Pravind Jugnauth et à l’approche des élections législatives, suggèrent un climat politique précaire, propice à l’instabilité et à la spéculation. Comme le soulignait le politologue renommé John King dans une récente analyse : « Les transitions de pouvoir sont souvent des moments de fragilité pour les gouvernements en place. Les acteurs politiques sont soumis à des pressions multiples et doivent naviguer avec prudence pour éviter les écueils ». Cette maxime semble particulièrement pertinente dans le contexte actuel, où les défis s’accumulent pour le gouvernement en fin de mandat. 

La question fondamentale qui émerge de ces développements politiques est de savoir s’ils constituent les symptômes d’une usure du pouvoir. Face à ces circonstances épineuses, Pravind Jugnauth se voit contraint de déployer des stratégies d’atténuation afin de neutraliser les répercussions néfastes. Comme le rappelle l’ancien conseiller politique et éditorialiste influent, Mark Spencer : « Les moments de crise offrent également des opportunités de rédemption pour les gouvernements en difficulté. La manière dont ils réagissent face à l’adversité peut redéfinir leur image et leur légitimité aux yeux du public ». 

Ainsi, Pravind Jugnauth et son équipe doivent galvaniser leurs troupes et surtout convaincre la masse silencieuse qu’ils ont la situation bien en main. Et que l’épisode Hurdoyal n’est qu’une parenthèse. 

Néanmoins, pour restaurer la confiance du public, le gouvernement doit s’abstenir de commettre d’autres erreurs et surtout doit communiquer. En définitive, le cas Hurdoyal révèle les dessous du pouvoir politique, où les décisions sont prises dans l’ombre et sans état d’âme. Il rappelle également que dans l’arène politique, la ligne entre la stratégie calculée et l’erreur fatale est mince, et que les conséquences peuvent être dévastatrices pour ceux qui la franchissent car le leader se montrera impitoyable.

 

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