Live News

[Blog] Baie-du-Jacotet : Implications régulatoires

Trilock Dwarka

L’histoire des techniciens indiens se trouvant entre les quatre murs de la « landing station » de Baie-Du-Jacotet me fait souvent penser au concept du « Schrödinger cat », car ce n’était pas clair pour le grand public, compte tenu des dénégations officielles, s’il y avait eu une intervention physique sur le câble ou pas.

Publicité

Vous connaissez l’expérience de Schrödinger, qui consiste à fermer un chat dans une boite avec un mécanisme pouvant le tuer et de se poser la question s’il sera toujours vivant ou mort au moment où l’on ouvrira la boite. Eh bien ! Le CTO de MT a ouvert cette boite et le chat est bien vivant ! Il a sauté hors de la boite et pourrait bien faire des dégâts. Il est maintenant établi qu’il y a bien eu tampering avec le câble SAFE et les serveurs de MT, lecture et analyse des données, peut-être même analyse de Big Data et identification des mots clés – des milliers – et corrélation.

Que s’est-il passé exactement ? Les experts indiens auront apposé des outils d’interception pouvant capter la lumière envoyée à travers le câble et en faire une copie tout en transformant ces signaux en des données sans perturber le flux du trafic d’Internet. Je reste sceptique quant à la possibilité du NOC en Afrique du Sud de détecter cette intrusion. Attendons voir.

Il faut savoir qu’il existe dans le monde des systèmes permettant une interception vocale sur les câbles sous-marins, surtout avec le système du Gateway unique, soutenu par les technologies dernier cri, qui permettent même d’intégrer un module d’intelligence militaire à ce genre de systèmes. Les câbles sous-marins représentent une priorité au niveau de la sécurité nationale. Les régulateurs, américains et européens en tête, tentent actuellement de renforcer la régulation autour de cette infrastructure par laquelle transite au moins 97 % du trafic internet et qui est restée dans une zone grise pendant trop longtemps. 

L’ICTA devrait ajuster son cadre régulatoire et organiser, sous l’égide de l’UIT ou de la CRASA, un colloque sur ce sujet.

Nous sommes arrivés à un point aujourd’hui où il faut se demander si Sherry Singh lèvera le voile, plus tôt que tard nous l’espérons, soit sur une transcription écrite de sa conversation avec Pravind Jugnauth, soit sur un enregistrement de cette conversation pour étayer ses dires. Un nouveau chat de Schrödinger nous attend donc ! Au cas contraire, nous serons conviés à un nouvel épisode de « Kot monn fauté ? », avec le Premier ministre niant qu’il avait exigé le recueil des données à l’intérieur du câble sous-marin et Sherry Singh maintenant qu’il s’agissait d’une interception programmée à l’avance en haut lieu.

Un dernier point : l’opposition, aussi bien que nos vaillants journalistes d’enquête, devraient se mettre en route pour mettre la main sur le rapport des techniciens indiens. Une copie doit exister et doit avoir été livrée au Premier ministre, commanditaire de l’opération à Baie-Du-Jacotet. Ou alors le travail de décryptage des données recueillies pourrait toujours être en cours….

Il faut admettre qu’il existe une crise de confiance envers le gouvernement au niveau du public, qui se dit qu’il a maintenant des preuves qu’il y a bien eu tapping des câbles sous-marins et des serveurs. Il a pris note de l’affirmation de Me Radhakisoon, quant au caractère illégal de l’intervention à Baie-du-Jacotet. D’ailleurs, l’avocat Nawaz Dookhee, avec qui j’avais eu des échanges, avait souligné dès le 16 juillet 2022 dans un article dans Le Mauricien, que toute demande d’un survey à Baie-du-Jacotet aurait dû être canalisée vers l’ICTA, l’instance de régulation des Tics et que MT se mettait en infraction avec la loi régissant l’ICT Act en déléguant un personnel technique pour les besoins du survey sans cette autorisation. Le PM avait-il le locus pour chercher une telle autorisation à son niveau ? Et de quelle sorte de survey pouvait-il s’agir, quand cette équipe devait rester sur place pendant six heures ? Le peuple mauricien constate un délit majeur et accuse le Premier ministre, désigné depuis le 1er juillet comme étant le coupable par l’ex-CEO de MT.

Pravind Jugnauth doit se trouver aujourd’hui dans un dilemme : retenir la confiance des Indiens sollicités pour un exercice illégal ou celle des Mauriciens avec les révélations de Sherry Singh. Il pourrait être tenté de satisfaire tout le monde en essayant de diaboliser Sherry Singh, héros aujourd’hui, peut-être martyr demain. Le PM devra chercher l’appui non pas des socio-culturels, mais d’arguments vraiment solides pour continuer à réclamer la confiance des Mauriciens, car comme le dirait Carl Sagan : Extraordinary claim requires extraordinary evidence.

Trilock Dwarka
Président de l’Icta de 2006 à 2014

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !