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Blanchiment d’argent : le rôle des présumés prête-noms de la galaxie Franklin décortiqué 

Depuis l’arrestation de Jean Hubert Celerine et de ses acolytes, l’Independent Commission against Corruption (Icac) s’est lancée dans un véritable travail de fourmi pour remonter toute la filière. Des têtes tombent pratiquement tous les jours. En l’occurrence celles des prête-noms du réseau Franklin. Comment opèrent-ils ? Quel est le rôle joué par chacun ? 

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Cela fait plus de six semaines que le démantèlement du réseau Franklin a commencé et des têtes continuent de tomber. En l’occurrence celles des présumés prête-noms. Depuis l’arrestation de Jean Hubert Celerine et de ses acolytes, l’Independent Commission against Corruption (Icac) s’est lancée dans un véritable travail de fourmi pour remonter toute la filière. 

Si elle oriente ses investigations sur le blanchiment d’argent sale, elle souhaite surtout établir d’où viennent ces richesses. Car aucune trace de stupéfiants n’a été découverte jusqu’à présent. Les enquêteurs creusent toujours pour prouver que les biens concernés ont été acquis à travers des activités illicites. 

Au fur et à mesure que l’enquête de l’Icac progresse, un coin du voile se lève sur le modus operandi du réseau. Les propos qu’avait tenus Jean Hubert Celerine face à la presse le 14 janvier ont aujourd’hui plus de sens pour les enquêteurs. Dans une déclaration, celui surnommé Franklin avait dit : « Mo pa konn ekrir. Mo pa konn lir. Selma mo konpran mesaz. »

C’est sur la base d’informations disant que l’homme est le patron d’un réseau qui compte plusieurs prête-noms, dont le rôle est de dissimuler ses biens, que l’Icac l’a épinglé. La commission s’est appuyée sur un jugement prononcé par le tribunal correctionnel de Saint-Denis à l’île de la Réunion. 

Le 2 juillet 2021, Jean Hubert Celerine a été condamné par contumace, c’est-à-dire en son absence, à une peine de sept ans de prison pour trafic de zamal en 2017-18 sur l’axe Réunion-Maurice. Un mandat d’arrêt a même été émis contre lui. 

Face aux médias, Franklin a avancé qu’il ignorait s’il avait été condamné par la justice réunionnaise. « Zame monn met lipie dan la Réunion », a-t-il dit. Mais il a fini par faire volte-face quelques jours plus tard. Il a même réclamé un ordre de la Cour suprême pour empêcher son éventuelle extradition vers l’île sœur. Mais sa demande a été rejetée. 

La justice réunionnaise avait qualifié Franklin de chef du trafic de zamal sur l’axe Réunion-Maurice. S’appuyant sur le jugement, l’Icac l’a finalement arrêté. Elle a investi Rivière-Noire, considéré comme le bastion de Franklin, avant de décortiquer son train de vie. 

Richesses inexpliquées 

Entre une luxueuse villa en construction et une maison en duplex ornée de pierres taillées, en passant par ses business de location de voiture et son fast-food, les richesses de Franklin sautent aux yeux sur le littoral du Sud-Ouest, plus particulièrement à Rivière-Noire, à La Gaulette et aux Salines Pilot. Aucune trace de drogue n’a été décelée sur lui. Mais son train de vie bling-bling, ses voyages en classe Affaires, ses SUV Ford Ranger ou ses « supercars » Mustang n’ont pas laissé les autorités insensibles. 

L’enfant de Rivière-Noire, propulsé dans l’univers des riches, s’est aussi signalé dans le monde de l’événementiel. Il avait sponsorisé la visite du Tiktokeur d’origine ivoirienne se faisant appeler Nico le Mimi. Franklin s’est aussi fait remarquer après la saisie d’un yacht de Rs 2,5 millions saisi par l’Icac. Les lieux que ses proches acolytes et lui fréquentent ont aussi attiré l’attention. 

L’Icac s’est également intéressée à un séjour qu’il a passé dans un hôtel de l’Ouest, en compagnie du trafiquant de drogue réunionnais Laurent Mariaye et de quelques proches de ce dernier. Lors d’une descente dans cet établissement, les enquêteurs ont obtenu la confirmation que c’est Jean Hubert Celerine qui a réglé la note du séjour. Qui est Laurent Mariaye ? Cet homme fiché aux services de police a déjà été condamné par la justice réunionnaise pour trafic de drogue entre les deux îles. 

Pourquoi le volet du blanchiment d’argent semble-t-il avoir pris le dessus sur le trafic de drogue dans l’enquête ? Un cadre de l’Icac explique que les biens et les richesses obtenus à travers des activités illicites, tels que le trafic de drogue, sont plus facilement retraçables par les autorités que les colis de drogue eux-mêmes. « Kan blansi kas, met kas dan dibien. Ou pa kapav kasiet batiman. Li vizib sa », explique ce cadre. 

Or, il ajoute que dans le cas des colis de drogue, ils sont souvent dissimulés dans des caches, sauf au moment des transactions. « Zame trafikan gard ladrog kot zot. Zot pa trap zafer ar zot lamin. Ena dimounn ki fer travay la, me zot zot finanse. » 

Davantage concentrés sur l’appât du gain, les barons de drogue 2.0 délèguent souvent la tâche du trafic de produits à leurs « lieutenants ». « Akoz sa aster pa tro gagn bann baron. » Le trafic se fait de manière très structurée, selon des sources au Réduit Triangle. 

Tout en haut, on retrouve les financiers ou les investisseurs. « Sa bann-la zis poz valiz kas apre zot rekiper profi », explique une source. Sous eux figurent leurs exécutants, leurs hommes de confiance et des trafiquants qu’ils financent. Dans ce milieu, c’est souvent l’omerta qui règne. Pas question pour ces trafiquants de briser le silence et de dénoncer leurs complices ou encore leur boss. 


Les protagonistes

Sanydeo Soomer 

Sanydeo SoomerSanydeo Soomer, alias Sunny Deol, avait été pris par l’Icac le 10 février. Ses déplacements vers Madagascar, La Réunion et l’Afrique du Sud ont attiré l’attention de la Commission anticorruption. De la drogue, destinée au marché mauricien, proviendrait principalement de ces trois pays. L’Icac est aussi au courant que des intermédiaires se rendent souvent dans ces pays pour faire les paiements. Sanydeo Soomer est soupçonné d’avoir agi comme prête-nom pour Jean Hubert Celerine. Il a été libéré sous caution.


Rikesh Sumbhoo

Rikesh sumbhooSans emploi, Rikesh Sumbhoo est propriétaire d’une luxueuse maison à La Gaulette. Une résidence estimée à plus de Rs 25 M. Le château de Franklin est officiellement au nom de cet habitant de ce village. Il n’a pu fournir une explication plausible quant à la provenance des fonds pour la construction de cette maison. Il est le directeur de la compagnie de location de voitures : West is Best. Selon l’Icac, sa société a été incorporée en 2008. Durant le confinement de mars 2020, en raison de soucis financier, Rikesh Sumbhoo avait été approché par Franklin pour une aide financière. En retour, il aurait été appelé à opérer comme prête-nom.


Hassenjee Caramuth ( John Rider), propriétaire de la Ford Mustang

john_riderCet homme d’affaires est le propriétaire de la Ford Mustang valant Rs 18 M. L’Icac soupçonne que la voiture a été acquise par Franklin et qu’Hassenjee Caramuth aurait agi  comme prête-nom. Cependant, le suspect a nié ces allégations. L’Icac compte aussi obtenir des explications de John Rider sur l’acquisition d’un Range Rover, d’un Ford Ranger Raptor, de deux pelleteuses, de deux excavateurs, d’un appartement de trois étages dans les Plaines-Wilhems et de deux bungalows à Baie-du-Tombeau. Il est aussi propriétaire d’un catamaran et d’un speed-boat, équipés de puissants moteurs permettant la traversée en haute mer.


Jean Désire Décidé, alias Nono

Nono a l'IcacUn des hommes de confiance de Franklin. Mais un différend entre les deux hommes aurait fait que Nono a quitté le quartier du ‘Big Boss’. Il assurait le lien entre l’île sœur et Maurice pour le compte de Franklin. Ce skipper avait été condamné par la justice réunionnaise pour trafic de drogue, aux côtés de Franklin. Comme son boss, il n’a jamais purgé sa peine dans les geôles réunionnaises. Un Ford Ranger Raptor lui appartenant a été saisi par l’Icac à Floréal le mardi 28 février. Le véhicule avait été partiellement démonté.


Chandra Banee, le facilitateur 

Chandra BaneeDirecteur d’une compagnie opérant dans le secteur automobile, Chandra Banee faisait office de « courtier » automobile. Connu sous le pseudo Robert, il aurait facilité l’acquisition de plusieurs berlines allemandes ou autres bolides pour les membres du réseau Franklin. Accusé de blanchiment, il a été libéré sous caution, le 15 mars 2023.


Mike Gregory Pattee

MIke Gregory PatteeDénoncé par Bruneau Laurette comme étant le bras droit de Franklin, Mike Gregory Pattee avait été épinglé pour séjour illégal à La Réunion. Les autorités réunionnaises le soupçonnent d’être mêlé au trafic de stupéfiants. Après son arrestation en 2021, à La Réunion, Mike Gregory Pattee avait été extradé vers Maurice. L’Icac l’accuse d’avoir facilité l’acquisition d’un bateau, pour le réseau Franklin. Il avait aussi été arrêté après un accident de la route à Camp-de-Masques en 2022. Du cannabis et du papier à rouler avaient été découvert dans sa voiture.


Bryan Bowanee, alias Gato :

Brian BowaneeCet habitant de Quatre-Bornes, connu sous le sobriquet ‘Gato’ est fiché à l’Adsu de Rose-Hill pour délit de drogue. En liberté conditionnelle pour trafic de drogue, il est suspecté d’être un prête-nom au sein du réseau Franklin. Un Ford Ranger Raptor, immatriculé en 2018, une BMW et une Kawasaki Ninja 1000 cc, lui appartenant, ont été saisis. Il aurait acquis ces véhicules pour le réseau de Franklin dans le processus de blanchiment d’argent.


Ashley Rose et sa forteresse de pierre taillée 

ashley roseAu cœur de Batterie Cassée, région défavorisée de Roche-Bois, une luxueuse maison bâtie avec des pierres taillées contraste avec la triste réalité de ce faubourg port-louisienne. Le maître des lieux, Ashley Rose, a été arrêté. L’Icac a aussi mis sous scellés deux moteurs de bateau. Ce suspect se retrouve face à un dilemme de taille. Prouver et convaincre les enquêteurs de Réduit Triangle comment il a acquis et amassé toute cette fortune pour construire et embellir cette luxueuse demeure. Il est soupçonné d’être un prête-nom pour le compte de Franklin. Dans le passé, en 2019, avec ses complices, il avait déjà été visé par une enquête de l’Icac portant sur des soupçons de blanchiment d’argent.


Shanawaz Caunhye : L’Icac enquête pour savoir s’il utilise son business à des fins de blanchiment

Déjà connu des autorités pour des cas de blanchiment d’argent allégué, Shanawaz Caunhye, homme d'affaires responsable d’une compagnie de meuble de luxe, s’est retrouvé mêlé dans l’affaire Franklin. Depuis une semaine, il est derrière les barreaux. La commission anti-corruption soupçonne fortement Shanawaz Caunhye de gonfler ses chiffres de vente en vue de blanchir de l’argent sale et aussi d’avoir facilité l’acquisition de voitures financées grâce à des revenus illicites.

Le 24 octobre 2020, ce passionné de véhicules modifiés avait été coffré par l’Adsu de Rose-Hill pour blanchiment d’argent après la découverte de deux grosses sommes d’argent chiffrées à Rs 750 000 et Rs 348 250. La police et la commission anti-corruption soupçonnaient fortement que ce montant de plus de Rs 1 M serait destiné à des fins de blanchiment. Connu de l'Icac, il a déjà été interrogé dans le sillage de l’enquête sur le présumé trafiquant de drogue Ricardo Agathe.


L’Icac tente d’établir une liste de prête-noms opérant pour Khalil Ramoly 

  • Un couple interrogé par rapport à une maison soupçonnée d’appartenir au suspect

Khalil RamolyL’Independent Commission against Corruption (Icac) tente d’établir une liste de prête-noms opérant pour Khalil Ramoly. Cet homme d’affaires a été arrêté durant la semaine écoulée pour blanchiment d’argent lié au réseau Franklin. Soupçonné d’être le « boss » de la capitale, Khalil Ramoly ne détiendrait aucun bien à son nom. C’est ce qu’a découvert l’Icac lors de ses investigations. 

Cependant, la Commission anticorruption soupçonne fortement que ce suspect a eu recours à plusieurs prête-noms pour ses nombreuses voitures et maisons, notamment une luxueuse résidence à Le Cornu, Sainte-Croix. C’est dans cette optique que les enquêteurs du Réduit Triangle vont procéder à une évaluation de tous ces biens qu’ils pensent appartenir à Khalil Ramoly. Ce dernier sera appelé à expliquer la source de financement pour ces propriétés et autres avoirs.

Le vendredi 24 mars 2023, Khalil Ramoly a été interrogé par rapport à une BMW M8 que l’Icac soupçonne lui appartenir. Ce véhicule, estimé à Rs 15 M, a été saisi par la Commission anticorruption le vendredi 17 mars. Aux enquêteurs, Khalil Ramoly a déclaré ne pas savoir à qui appartient la berline immatriculée KL 35. Il a nié en être le propriétaire. Les recherches de l’Icac pour trouver des biens au nom du suspect n’ont rien donné. 

Par ailleurs, l’homme d’affaires est soupçonné d’avoir été lui-même un prête-nom opérant pour le compte du réseau Franklin. Vendredi, la Commission anticorruption a perquisitionné le domicile de Khalil Ramoly à Le Cornu, son garage à Sainte-Croix, le domicile de sa concubine et son magasin de pièces de rechange. Des documents ont été saisis pour les besoins de l’enquête. 

Toujours vendredi, une « amie proche » de Khalil Ramoly a été interpellée par l’Icac. Cette habitante de la capitale a été appelée à fournir des précisions sur ses biens, notamment la maison qu’elle occupe, et sur son train de vie. Ses liens avec le suspect sont passés au crible. Après son audition, en présence de son avocate, elle a été autorisée à rentrer chez elle. 

Le « château » de Le Cornu

L’Icac a également interpellé un couple, soupçonné d’être proche de Khalil Ramoly. Ils ont dû fournir des précisions sur une maison qualifiée de « château » à Le Cornu, Sainte-Croix. L’Icac veut en savoir plus sur cette maison que les enquêteurs pensent appartenir à  Khalil Ramoly. Lors d’une visite des lieux en présence du suspect et de ses hommes de loi, aucune photo n’a pu être prise à la demande d’un avocat.
 

 

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