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[Billet] Les arrestations à l’ère numérique

Les images des opérations musclées menées par des policiers en civil, le mardi 27 août 2024 à Côte d’Or, font le tour de la planète. Bien sûr, des vidéos de l’intervention ont été partagées parmi un très grand nombre de nos citoyens au pays même. 

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La grande différence entre les arrestations de 1969 à 1971 et celles de mardi est que nous vivons maintenant à l’ère numérique. Ainsi, l’épisode Kanaksabee-Narsinghen, très spectaculaire en août 2024, n’a rien de comparable au matraquage ainsi qu’à l’arrestation de Paul Bérenger et de Jimmy Gobin devant le garage de la compagnie United Bus Service à Cassis en 1971. 

Ceux qui ont pris la décision de sévir contre les meneurs du mouvement « Rann nou later » mardi ont sans doute bien mesuré les conséquences positives mais aussi les risques négatifs de leur action. 

Ce qu’il y avait de nouveau dans le geste de la bande de Kanaksabee, c’est qu’une manifestation était organisée avec une présence physique à un endroit précis où le Premier ministre allait participer à une cérémonie. On sait pertinemment que les cérémonies officielles, avec une large couverture de la MBC, constituent l’élément central du marketing politique de Pravind Kumar Jugnauth. 

À ces cérémonies, le chef du gouvernement fait des discours, rencontre des Mauriciens, récolte des guirlandes, collectionne des châles et annonce des décisions, surtout des augmentations de salaires et de bénéfices. Et il en profite pour répondre de façon musclée à ses détracteurs. 

Que se passerait-il si, après le coup de Kanaksabee, d’autres mouvements, grands et petits, des groupuscules, des « vested interests », des amoureux de bigorneaux, des défenseurs de chauve-souris, tentaient eux aussi de jouer les trouble-fête lors des cérémonies « Jugnauth » ? Surtout que de nombreuses cérémonies sont sans doute programmées jusqu’à l’ouverture des centres de vote pour les prochaines élections générales.
 
En haut lieu, il a été décidé qu’il fallait stopper net ce penchant à gâcher les événements officiels. Il est vrai que Devarajen Kanabsabee et Rajen Narsinghen – tous deux des Mauriciens hautement cultivés – ne se seraient nullement comportés comme de violents voyous à Côte d’Or et on ne croit pas qu’ils auraient été en mesure de perturber la cérémonie officielle. Mais un message fort devait tout de même être envoyé. 

Mais à quel prix ? Une simple analyse coût bénéfice aurait prouvé qu’il valait mieux assurer le grand « succès » – MBC aidant – des sorties publiques futures du Premier ministre, qui est aussi le leader du MSM, que de se soucier de l’effet néfaste de l’arrestation de quelques manifestants. Inévitablement, les images de ces arrestations seront reprises sur les plateformes numériques, suscitant une pluie de commentaires négatifs. 

À la proclamation des résultats après le prochain scrutin, on saura si cette analyse coût bénéfice aura échoué en négligeant des facteurs « socioculturels » qui pourraient peser vraiment lourd dans la balance électorale.

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