Head of Research chez AXYS Stockbroking Limited, firme de courtage basée à Port -Louis, Bhavik Desai décortique l’activité boursière de cette année. Notre interlocuteur estime que la performance pour la prochaine année est très difficile à prédire parce qu’il y a beaucoup de facteurs complexes en jeu.
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Où se situe la plateforme boursière mauricienne dans le classement international des marchés ?
Maurice est dans la catégorie de marchés frontières qui se situent entre les marchés sous-développés et les pays en développement. Donc, nous sommes à l’orée d’un marché émergent. Maurice n’est pas au même niveau que des pays émergents tels que l’Afrique du Sud ou l’Inde. Mais nous ne sommes pas loin si l’on tient compte des indicateurs macroéconomiques tels que le PIB par tête d’habitant. Du moment qu’on s’élève au-dessus du statut de « middle income» et que la Bourse continue son expansion, on devrait se rapprocher davantage des marchés émergents.
À deux semaines de la fin de 2018, comment s’est porté le marché mauricien ?
La performance a été mi-figue, mi-raisin. Elle aurait pu être pire si l’on tient compte de la très mauvaise performance des marchés émergents (-16 %). À Maurice, le SEM-ASI – indicateur regroupant les valeurs cotées en roupies, dollars et les compagnies opérant dans l’offshore - a perdu 9 % depuis le début de l’année. D’un point de vue plus traditionnel, compte tenu de l’indice SEMDEX, on est en territoire positif, même si c’est par 1%. En comparaison, l’indice développé par AXYS regroupant les 20 compagnies les plus liquides a chuté légèrement de 0,4 % depuis janvier. Donc, la performance du marché dépend de la façon dont on voudrait la comparer en 2018.
Dans l’ensemble, qu’est-ce qui explique cette performance ? Le contexte économique local ? L’influence des marchés internationaux ?
Ne pas régresser est meilleur que dégringoler de 10 % à 20 %, une situation dans laquelle se trouvent des marchés émergents et développés. Il y a plusieurs facteurs qui ont influencé la performance de la Bourse : les fonds internationaux se sont retirés des marchés émergents et frontières en 2018, ce qui exerce une pression à la baisse sur certaines compagnies. Le faible prix du sucre a aussi eu une influence baissière tandis que des « corporate actions » ont eu un impact positif.
Quelles ont été les principales valeurs boursières ayant contribué à une performance neutre ?
Quand on repasse sur la performance du SEMDEX, la performance de l’indicateur a été boostée par des « corporate actions ». Par exemple, la fusion de cinq entités du groupe ENL en une unique enseigne. ENL Land a progressé de 36 % après l’annonce de l’amalgamation. Le MCB Group Limited est presque inchangé. LUX* Island Resorts est en hausse après que son actionnaire principal qu’est IBL Limited ait fait une offre d’achat et a même atteint son niveau le plus haut en dix ans suite à l’annonce de la séparation de la management company, The LUX Collective, du groupe. En ce qui concerne le SEM-ASI, c’est une compagnie à large capitalisation cotée sur deux plateformes boursières qui a eu une mauvaise année.
A quel point la baisse dans l’action SBM Holdings a contribué à cette neutralité?
La SBM Holdings a chuté de 20 % depuis le début de l’année. C’est l’un des titres qui a poussé les indicateurs vers le bas. Les informations répercutées dans la presse sur des transactions jugées à risque, la perte proche d’un milliard de roupies liée à une facilité bancaire à l’étranger et une fraude électronique en Inde sont tous des facteurs qui ont influencé sa performance. Lors de sa rencontre trimestrielle avec les analystes et investisseurs, le management a rassuré sur les nouveaux mécanismes en place pour que de telles situations ne se reproduisent plus. Il y a une révision dans le niveau de risques à prendre par rapport aux prêts, les juridictions et les types de prêts dans ces juridictions. Seul le temps nous dira si cette nouvelle approche aura été efficace.
2019 sera une année très compliquée avec des événements complexes qui se profilent à l’horizon»
À l’opposé, la MCB Group Limited a annoncé des bénéfices de Rs 7,2 milliards. Pourtant, l’action n’a connu aucune hausse. Pourquoi ?
La croissance dans le volume de prêts pour un certain temps a été « anémique» comme mentionné dans un de nos précédents rapports. La situation a changé au cours des récents trimestres. Il y a eu une accélération dans les prêts en Afrique, qui a boosté les récents résultats. En sus, depuis le début de l’année, le taux sur les bons du trésor est remonté, ce qui a aussi en un impact positif sur la profitabilité du groupe. Ceci étant dit, le cours de l’action n’a pas changé par rapport à fin décembre 2017. Entre-temps, le groupe a payé à ses actionnaires des dividendes, un montant déduit du cours boursier. Il y aussi l’impact du désinvestissement étranger.
La Bourse de Maurice est l’une des principales plateformes d’échanges en Afrique. De grandes enseignes, telle que PSG Konsult de l’Afrique du Sud, y ont fait leur entrée. Nous approchons quand même d’un désinvestissement étranger proche de Rs 2 milliards.
Sommes-nous, en fin de compte, une juridiction boursière attrayante ?
Nous devons éviter de tirer des conclusions hâtives. Aujourd’hui, les investisseurs institutionnels étrangers (basés à New-York ou dans une grande place financière européenne) se concentrent majoritairement sur le MCB Group. La vente nette d’actions MCB s’explique par le fait que le gestionnaire de fonds agit sur les recommandations de son 'risk manager' par rapport aux concentrations sur les marchés émergents et de frontière. En 2018, ils se sont retirés. Les ventes nettes sur le titre MCB Group Limited sont de l’ordre Rs 700 millions, Rs 300 millions sur SBM Holdings et Rs 250 millions sur Cim Financial Services Limited. Ensuite, nous notons que les fonds étrangers ont été des vendeurs nets à hauteur de Rs 300 millions sur LUX* Island Resorts, parce qu’ils ont répondu favorablement à l’offre d’IBL Limited, tout comme ce fut le cas en 2017 par rapport à New Mauritius Hotels.
Investir à la Bourse équivaut à cerner des termes techniques. Prenons l’exemple du Price Earning Ratio. Que représente ce chiffre et pourquoi est-il important ?
C’est une mesure sur la cherté d’une action à la Bourse. Prenons les valeurs bancaires comme référence pour expliquer ce terme. L’action MCB est à Rs 274. Le titre SBM Holdings est à Rs 6. ABC Banking est à Rs 26. Quel titre est le moins cher?
Automatiquement, on dit c’est celui à Rs 6. Ce n’est pas le cas. La question à se poser : en combien d’années je récupère mon argent à travers les profits par action que la compagnie génère ? C’est ça le Price Earnings Ratio. Donc, si le Price Earnings Ratio est à 30, cela signifie que l’investisseur récupère le montant de son investissement initial dans 30 ans. Passé un cap, cet indicateur n’a plus autant de poids.
Est-ce que la Bourse a des compagnies listées avec un Price Earning Ratio de 100, par exemple, signifiant que l’investisseur devrait attendre un siècle ?
Oui. Nous en avons.
Qu’est-ce que cela représente ? Est-ce que ces compagnies ont leur raison d’être en tant qu’entité cotée ?
Cela signifie que ces entreprises ont été peu profitables. Et c’est pourquoi l’on ne juge pas un titre uniquement par son PER, mais aussi d’autres ratios tel que le EV/EBITDA, Dividend Yield ou encore Le Price-to-NAV (aussi connu comme le Price-to-Book) ratio.
Comment se présente l’année 2019 ?
C’est encore tôt pour affirmer quelles sont les valeurs à suivre ou pas, car notre équipe travaille en ce moment pour nos recommandations pour 2019. Ce sera une année très compliquée avec des événements complexes qui se profilent à l’horizon, tels que le Brexit et son impact sur la livre sterling qui a des répercussions sur la profitabilité des compagnies qui perçoivent des revenus en GBP. Ensuite, nous avons le président américain Donald Trump et ses soubresauts économiques. Les valeurs opérant au cœur de l’industrie sucrière ont été les moins performantes en 2018 tournant autour de 20 %. Leurs performances seront encore une fois dépendantes du prix du sucre. On s’attend que la MCB connaît une année positive suite à une hausse dans son volume de prêts.
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