
Le gouvernement a récemment annoncé, dans le Budget 2025-26, une mesure qui suscite autant de débats que d’inquiétudes : le report progressif de l’âge d’éligibilité à la Basic Retirement Pension (BRP) de 60 à 65 ans. Pour Bernard Yen, cette réforme était non seulement attendue, mais surtout indispensable pour assurer la soutenabilité du système de retraite.
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La voix d’AON Solutions et des actuaires du privé, qui plaidaient pour le report de l’âge de la retraite attaché à la Basic Retirement Pension (BRP) de 60 à 65 ans, a été entendue. La méthode progressive qui sera appliquée est-elle appropriée ?
La décision a été relativement rapide cette fois-ci. Pour rappel, en 2006, un changement similaire avait été annoncé concernant l’âge légal de départ à la retraite. Ce changement devait alors s’appliquer sur une période de dix ans, de 2008 à 2018. Aujourd’hui, il n’est déjà plus possible de partir à la retraite avant 65 ans. L’intention de repousser également l’âge de la BRP avait été évoquée, mais elle n’avait jamais été concrétisée. C’est pour cela que je considère que la mesure introduite dans le Budget 2025-26 est rapide : elle sera mise en œuvre sur cinq ans seulement. Cela s’explique probablement par l’urgence de la situation. Nous avons perdu sept années, alors qu’une telle réforme aurait pu être lancée dès 2019. Cela dit, mieux vaut tard que jamais.
Est-ce une mesure qui va impacter la nouvelle génération ?
Oui, clairement. La nouvelle génération recevra la BRP à 65 ans. La méthode progressive va s’appliquer à ceux qui sont actuellement proches de leurs 60 ans. Par exemple, une personne âgée aujourd’hui de 56 ans recevra sa pension à 64 ans. Une autre, qui aura 60 ans en 2026, devra patienter une année supplémentaire avant d’y avoir droit. Certains verront cette transition comme brutale, mais elle était indispensable. On ne peut plus se permettre d’attendre encore dix ans. Le problème de soutenabilité du système actuel allait inévitablement s’aggraver.
Dans le passé, vous avez souligné que tout système de pension basé sur le principe du « pay-as-you-go », comme la BRP, est voué à l’échec dans un contexte de vieillissement de la population. Est-ce que cela a été abordé dans le Budget 2025-26 avec l’annonce d’un NPF 2.0 ?
Oui, mais seulement en partie. Pour le moment, nous ne connaissons pas les modalités précises de la réforme du NPF. Si ce fonds est effectivement utilisé à nouveau pour offrir une pension additionnelle, cela pourrait alléger la charge sur la BRP. Aujourd’hui, la CSG est utilisée pour divers objectifs. À l’origine, la BRP visait uniquement à offrir une protection de base. Il faut revenir à cette philosophie. Le ralentissement de l’évolution de la BRP et le report de l’âge d’éligibilité vont dans ce sens.
Je pense aussi qu’il y aura des discussions à venir sur la question du ciblage. Le comité annoncé dans le Budget devrait examiner de près les rôles respectifs de la CSG, du NPF, et je trouve pertinent d’y intégrer aussi le Portable Retirement Gratuity Fund (PRGF). Ces instruments doivent être cohérents les uns avec les autres pour garantir l’équilibre global du système de retraite.
Quand les résultats de cette réforme seront-ils visibles ?
Les premiers effets seront perceptibles dès l’année prochaine. Les personnes qui auraient dû toucher la BRP à 60 ans la recevront à 61 ans. Cela signifie une année de pension économisée pour cette tranche. L’année suivante, deux groupes d’âge seront concernés. L’impact cumulé de cette mesure sera pleinement visible dans cinq ans. À ce moment-là, nous aurons une bien meilleure position financière, même si cela dépendra aussi de l’évolution du montant de la BRP.
Le report de l’âge de la retraite a suscité l’indignation de nombreux Mauriciens. Plusieurs personnes parlent de « trahison politique », arguant que cette mesure n’avait pas été annoncée durant la campagne électorale de l’Alliance du Changement. Pensez-vous que ce sujet risque de redevenir un outil politique avec des partis qui promettraient de ramener la retraite à 60 ans ?
J’espère que non ! Les actuaires ont toujours recommandé, dans une logique de long terme, de repousser l’âge de la retraite à 65 ans. Si les politiques continuent à miser sur des réformes court-termistes, ce serait vraiment regrettable. Cela reste une possibilité, bien sûr. Mais il est crucial que la population et les politiciens soient suffisamment éduqués sur ces questions. Il faut éviter les pièges de la facilité. Il est tentant de faire des promesses pour accorder plus maintenant, mais c’est difficilement tenable à long terme.
C’est un médicament amer, certes, mais une fois la phase difficile passée, tout le monde en sortira gagnant. Le système sera plus viable, plus juste et mieux armé pour affronter les défis démographiques à venir.

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