
Bernard Yen tranche dans le vif, quitte à secouer des esprits bien pensants. Qu’importent les débats sur le ciblage ou sur l’éligibilité pour avoir droit à la pension, il est pour une contribution, même infime, de la part de tous ceux qui aspirent à toucher la Basic Retirement Pension (BRP). Plus besoin alors d’attendre au-delà de 60 ans. La pension leur serait due, car contributive.
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Selon le grand argentier, la réforme de la Basic Retirement Pension (BRP) était essentielle, parce qu’insoutenable financièrement. « La BRP payable à 60 ans était autour de Rs 3 600 en 2014 et maintenant elle est à Rs 15 000, ce qui représente une augmentation moyenne de 14 % par an. Pendant cette période, le taux d’inflation a été de 3,7 % par an et si ce taux avait été appliqué à la BRP, le montant serait seulement autour de Rs 5 500 aujourd’hui. La BRP à Rs 15 000 nous coûte aujourd’hui environ Rs 53 milliards par an, au lieu de Rs 19 milliards si elle était à Rs 5 500 ! Pour moi, c’est une folie de payer Rs 37 milliards en plus annuellement quand notre économie est fragile et que nous avons une dette nationale de quelque Rs 650 milliards sur nos têtes. »
« Il est clair que nous devons urgemment essayer de réduire nos dépenses d’une manière ou d’une autre. Au lieu de réduire la BRP pour tout le monde ou de ne pas la payer aux mieux lotis, par exemple, le gouvernement a choisi de repousser l’âge d’éligibilité à la BRP de 60 à 65 ans sur une période de dix ans. »
« Pourquoi pas une contribution, même symbolique, de la part des bénéficiaires pour avoir droit à la BRP ? À mon avis, ce serait bien de le faire, au moins pour une raison qui pourrait vous étonner. Selon des recherches en Angleterre, les employés apprécient mieux leur fonds de pension au travail s’ils doivent contribuer aux côtés de l’employeur, au lieu de ne pas être obligés de contribuer du tout. Plus sérieusement, une contribution, même symbolique, pourrait renforcer l’idée que le montant de la BRP devrait être plus élevé pour ceux qui ont contribué plus ou plus longtemps que d’autres. »
« Cette approche peut régler certains problèmes qui ont été soulevés par ceux qui s’opposent à la réforme. Par exemple, certains ont dit que ceux qui ont commencé à travailler à un jeune âge doivent toucher la pension plus tôt. S’ils avaient effectivement commencé à contribuer plus tôt que d’autres, ce serait normal de leur accorder plus de pension, même si ce n’est pas nécessairement plus tôt. Un autre exemple est quelqu’un qui commence à travailler à l’étranger et qui revient au pays pour ses derniers vingt ans avant la retraite. Il pourrait ensuite toucher seulement la moitié de la pension accordée à ceux qui ont contribué pendant quarante ans au pays. »
« Nous avons aussi entendu certains plaidoyers en faveur des femmes au foyer qui n’ont pas travaillé et qui dépendent de la BRP uniquement ou en grande partie pour leur retraite. Pourquoi ne pas exiger que leurs maris contribuent pour elles en amont afin qu’elles puissent toucher une meilleure BRP ou une autre forme de pension, par exemple le National Pensions Fund qui devrait être remis en place ? »
Actuellement, pas moins de 260 000 de Mauriciens obtiennent la BRP et avec le vieillissement de la population, ce chiffre pourrait atteindre plus de 300 000 en moins de quatre ans. Où trouver l’argent, quand on sait que le ratio travailleurs/retraités est de 2,7 à 1 et pourrait atteindre 2 à 1 dans une dizaine d’années ? « Justement, l’extension de l’âge d’éligibilité à 65 ans permettrait d’économiser environ Rs 15 milliards par an après la période de transition. En même temps, il ne faut pas oublier que le gouvernement a proposé d’augmenter les impôts pour ceux qui touchent les meilleurs salaires et dividendes, ainsi que pour les compagnies et les banques pour faire rentrer Rs 15 milliards par an en plus dans les caisses de l’État. Cependant, nous avons des craintes que cela ne refroidisse l’ardeur des professionnels et des investisseurs, surtout étrangers, dont nous avons besoin pour continuer à grandir notre économie », répond l’actuaire.
Le taux de natalité fond comme neige au soleil, soit de 5,9 en 1960 pour passer à 1,3 en 2024, au-dessous du seuil de remplacement de 2,1. Effrayant ? Quid de la hausse de l’espérance de vie qui est passée à 17,9 pour les hommes et à 21,7 pour les femmes, donc davantage de BRP à payer ? « Voilà pourquoi nous ne pouvons plus retarder les autres réformes qui s’imposent. Si nous ne parvenons pas à maintenir une population d’environ 1,2 million dans le futur avec des immigrants pour compenser le faible taux de natalité, nous devrons faire plus avec moins de travailleurs, par exemple en utilisant mieux l’outil informatique et l’intelligence artificielle », estime l’actuaire.
Ciblage des subventions
Deux comités seront mis en place pour voir qui sont ceux qui méritent la BRP. N’est-ce pas catégoriser les travailleurs ? Ce qui est contraire aux lois du travail ? « Je ne sais pas pourquoi nous avons tellement de craintes à propos du ciblage des subventions, mais je crois qu’il faut tout faire pour avoir les informations nécessaires pour voir ce qui est le plus pratique pour que l’aide sociale parvienne vraiment aux plus nécessiteux. Si nous ne pouvons pas le faire, je propose une idée très simple à appliquer universellement pendant la période de transition. Si, par exemple, en 2026 quelqu’un atteint l’âge de 60 ans, mais doit attendre 2027 pour toucher la BRP, l’État pourrait lui offrir une option de toucher une pension réduite de 5 %, c.-à-d. 95 % de Rs 15 000 ou Rs 14 250 dès l’âge de 60 ans s’il ne veut pas attendre de toucher les Rs 15 000 un an plus tard. Cependant, pour être juste envers ceux qui choisissent d’attendre, cette réduction de 5 % serait appliquée pour la vie pour ceux qui choisissent le paiement avancé. Le même principe s’appliquerait pour ceux atteignant l’âge de 60 ans en 2027 et éligibles à la BRP en 2029 quand ils auront 62 ans. Ils pourraient choisir de toucher une pension réduite de 10 %, c.-à-d. 90 % de Rs 15 000 ou Rs 13 500 dès l’âge de 60 ans s’ils ne veulent pas attendre de toucher les Rs 15 000 deux ans plus tard. Et ainsi de suite jusqu’à ceux atteignant l’âge de 60 ans en 2030 et éligibles à la BRP en 2035 quand ils auront 65 ans. Ils pourraient choisir de toucher une pension réduite de 25 %, c.-à-d. 75 % de Rs 15 000 ou Rs 11 250 dès l’âge de 60 ans s’ils ne veulent pas attendre de toucher les Rs 15 000 cinq ans plus tard." suggère-t-il.
Notons la BRP est juste un système de retraite parmi beaucoup d’autres à Maurice, à titre d’exemple : SIPF, NPF, NSF, PRGF, etc. "Il est grand temps de tout revoir dans leur ensemble et j’espère que la commission des experts annoncée pour revoir le NPF et la CSG se penchera là-dessus, " dit l'actuaire.

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