
Le gouvernement a provoqué une onde de choc au sein même de ses rangs en annonçant, lors du budget, une réforme majeure consistant à élever l’âge d’éligibilité à la Basic Retirement Pension à 65 ans. Cette mesure suscite cependant de vives contestations parmi certains membres de la majorité gouvernementale.
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L’annonce a été faite par le Premier ministre, Navin Ramgoolam, le jeudi 5 juin dernier lors du Budget 2025-2026. Il a été clairement indiqué que l’âge légal de départ à la pension universelle serait porté de 60 à 65 ans. Cette mesure, selon le Premier ministre, vise à garantir la pérennité financière du système de retraite, face au vieillissement accéléré de la population et à l’allongement de l’espérance de vie. Selon les autorités, repousser l’âge d’éligibilité permettra d’alléger les charges sur les finances publiques et de stabiliser les dépenses sociales sur le long terme.
Cette annonce, fait-on comprendre, ne fait pas l’unanimité au sein du gouvernement du Changement. Deux camps s’affrontent. Des élus se sont rapidement exprimés en désaccord, remettant en cause la pertinence sociale et politique de cette réforme. Certains, apprend-on, critiquent notamment la décision comme étant « trop brutale ». Surtout à la suite des mesures jugées « impopulaires du gouvernement » figurant dans le Budget 2025-2026 visant à « redresser une économie dans le rouge ».
« Lors de la réunion parlementaire vendredi dernier, la consigne a été claire : pas de critiques publiques. On nous a expliqué que le report à 65 ans est incontournable pour garantir la soutenabilité du système. C’est un choix contraint, mais majoritairement accepté par les députés », confie une élue. Un ministre, très en vue, représentant une circonscription des hautes Plaines-Wilhems, a par ailleurs été sollicité pour une déclaration. Mais ce dernier a été avare de commentaires.
Le vice-Premier ministre et ministre des Terres et du Logement, Shakeel Mohamed, a ensuite été contacté pour une déclaration. Il a précisé qu’il se trouve actuellement à l’étranger et qu’il était absent lors de la présentation du Budget. Il a donc jugé « difficile » de commenter la situation.
Le silence de Subron et de son Junior Minister
Le ministre de la Sécurité sociale, Ashok Subron, et son Junior Minister, Kugan Parapen, ont été sollicités pour une déclaration téléphonique jeudi après-midi. Ces derniers sont restés injoignables au téléphone malgré nos diverses tentatives.
Khushal Lobine défend une approche plus humaine et équitable
Le débat continue d’enflammer la scène politique mauricienne. Face à la levée de boucliers dans l’opinion publique, le leader des Nouveaux Démocrates (ND), Khushal Lobine, a pris la parole dans un long message publié sur sa page Facebook, appelant à une réforme « plus juste, plus humaine et plus responsable ».
« Écoute la voix lepep lor réforme pension », écrit le député, affirmant avoir consulté ses mandants à travers le pays. Pour lui, il est impensable de traiter de la même manière une personne ayant commencé à travailler très jeune dans des conditions précaires, et un cadre supérieur jouissant d’un revenu confortable. « One size fits all pa fonctionner dan enn société kot inégalités exister », insiste-t-il.
Khushal Lobine propose ainsi un système à deux vitesses — un « dual track pension age » — qui maintiendrait la pension à 60 ans pour certaines catégories : femmes au foyer, ouvriers manuels, et travailleurs précoces. Ceux disposant de revenus réguliers et confortables pourraient, eux, bénéficier d’une pension réduite à 60 ans ou attendre 65 ans pour une pension complète. L’idée est claire : cibler les aides pour qu’elles soient réellement utiles, sans pour autant tomber dans l’exclusion.
Dans un pays où les inégalités se creusent, la question des retraites devient un marqueur social fort. Khushal Lobine plaide pour un débat national sur un système de retraite échelonné selon les revenus, afin de préserver les plus vulnérables tout en allégeant la pression sur les finances publiques. « Siblage, se pa exclusion! C’est responsabilité! », martèle-t-il.
Ehsan Juman du PTr : « La mesure doit être mise en suspens »
Connu pour son franc-parler et sa propension à ne pas hésiter à critiquer vigoureusement, le bouillant député rouge, Ehsan Juman, exprime haut et fort sa profonde réprobation face à la décision de repousser l’âge d’éligibilité à la Basic Retirement Pension (BRP) de 60 à 65 ans.
Toutefois, il affirme comprendre la position du ministre des Finances, qui est également Premier ministre :
« Personnellement, je suis contre cette décision de repousser l’âge d’éligibilité à la pension de vieillesse de 60 à 65 ans. Cependant, je comprends que la situation économique est difficile. Cette décision prise par le chef du gouvernement peut le rendre impopulaire et lui coûter les prochaines élections, mais il a choisi de porter le fardeau d’une mesure aussi impopulaire. »
Mettre la mesure en suspens
Le député travailliste estime qu’il est nécessaire d’instaurer un débat ouvert, dépassionné et honnête sur cette question :
« En discutant, nous pourrons peut-être trouver une autre solution. Il y aura des débats au Parlement autour du Budget, et surtout sur la question des pensions. Chacun pourra alors exprimer sincèrement son point de vue, comme je le ferai moi-même en toute bonne foi. »
Il reconnaît que la décision n’a pas été facile à prendre pour le Grand Argentier :
« Aucun autre politicien n’a eu le courage de proposer une telle mesure, et il l’a fait pour l’avenir de notre peuple, quitte à en subir les conséquences politiques. Mais je persiste à dire qu’il faut explorer d’autres solutions. Pour l’instant, cette mesure devrait être mise en suspens. »

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