
Le report de l’âge d’accès à la pension de vieillesse de 60 à 65 ans, présenté comme une nécessité économique par le gouvernement, a suscité une vague de mécontentement au sein de la population. Jugée soudaine et inégalitaire, la réforme soulève des interrogation sur sa mise en œuvre, son impact social et l’absence de concertation avec les acteurs concernés.
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Le relèvement de l’âge d’accès à la Basic Retirement Pension (BRP) de 60 à 65 ans a provoqué de vives réactions au sein de la population mauricienne. La mesure, annoncée dans le cadre du Budget 2025-2026, est perçue par certains comme une nécessité économique, tandis que d’autres y voient une décision brutale, prise sans concertation et aux conséquences humaines importantes.
Ce changement marque un tournant dans la politique sociale de l’État mauricien. Depuis des décennies, la BRP, considérée comme un droit universel à partir de 60 ans, servait de filet de sécurité à une large partie de la population. Son report à 65 ans a donc été l’un des sujets les plus discutés du week-end, notamment sur les réseaux sociaux, où les opinions sont nombreuses et parfois tranchées.
Une population partagée
Sur la page Facebook du groupe média Défimedia, un post relatif à cette décision a suscité plusieurs commentaires. Pour de nombreux internautes, le sentiment d’injustice domine. Christine Wilson, réagissant à la mesure, a exprimé son désarroi : « Travailler toute sa vie en attendant une pension bien méritée, et apprendre, au moment de s’en approcher, que l’âge de la pension est repoussé à 65 ans, est décourageant et inhumain. »
Le point de vue est partagé par d’autres, qui estiment que la réforme ne tient pas compte des inégalités sociales et économiques. « Toutes les personnes ne sont pas dans les mêmes conditions », rappelle Survesh Mohadeb, qui appelle à un ciblage plus précis. Certains évoquent aussi la dure réalité du vieillissement dans des conditions de vie précaires. « Il y a des gens qui ont une vie difficile et qui n’arrivent pas à atteindre 65 ans », souligne Francheska Leveque, qui suggère que le départ à la retraite à 60 ans reste une option.
Des raisons budgétaires avancées
Face à ces réactions, le gouvernement maintient sa position. Dhaneshwar Damry, Junior Minister aux Finances, a défendu la mesure en invoquant la viabilité du système de pension. « Sans cette décision, la pension sera à risque dans les années à venir », a-t-il expliqué lors d’un Budget debrief le 7 juin, soulignant les défis posés par le vieillissement de la population et la pression croissante sur les finances publiques.
Le gouvernement semble ainsi vouloir aligner la BRP sur ce qui est considéré comme l’âge « normal » de la retraite dans de nombreux pays. Un alignement que certains dans le secteur privé jugent logique, mais dont l’application soulève des questions.
Réforme brutale et sans consultation ?
Rubina Gunowa, directrice et responsable pays d’Enwealth (Mauritius) Limited, admet que la réforme était attendue. Selon elle, l’ancien système n’était plus soutenable à long terme. Néanmoins, elle estime que le changement a été introduit sans la concertation nécessaire. « L’introduction de cette mesure est intervenue comme un choc, tant pour le secteur privé que pour le secteur public », dit-elle.
Elle fait également remarquer que d’autres pays ont entamé des réformes similaires, mais en s’appuyant sur plusieurs piliers de retraite. « Aux Pays-Bas, le système fonctionne bien, mais ils disposent d’un modèle structuré avec plusieurs niveaux. À Maurice, une période de transition aurait été préférable », avance-t-elle. Rubina Gunowa note aussi que dans l’ancien système, toute personne âgée de 60 ans touchait la même pension, qu’elle ait contribué ou non économiquement. Une inégalité qui, selon elle, aurait pu être corrigée par un mécanisme de ciblage, ou par une distribution progressive de la BRP en fonction du revenu.

Un impact psychologique et social
Le changement de l’âge de la retraite soulève également des préoccupations d’ordre psychologique. « Il faudra se renforcer moralement pour travailler cinq années supplémentaires après 60 ans », note Rubina Gunowa. Elle évoque aussi les travailleurs manuels, comme les maçons ou les ouvriers, pour qui le prolongement de l’activité professionnelle jusqu’à 65 ans représente un défi physique important.
Un observateur économique anonyme note que la mesure va à l’encontre des promesses électorales de l’Alliance du Changement, qui n’envisageait pas un recul de l’âge de la retraite dans son programme. Il souligne aussi que certaines personnes ont anticipé leur retraite à 60 ans et devront désormais revoir leurs plans, parfois sans préparation suffisante.
Roshaan Kulpoo, président de United Pay Ltd, considère pour sa part que la réforme manque d’humanité. « Après avoir passé 60 ans sur cette planète, donnez aux 60 ans leur dû », lance-t-il, en appelant à d’autres formes de rigueur économique. « L’argent est utilisé à outrance par certains. Ils se reconnaîtront », tonne-t-il.
Son propos renvoie à une critique plus large sur la gestion des ressources publiques. Pour certains, les efforts budgétaires devraient commencer ailleurs, notamment par une meilleure surveillance des dépenses de l’État.
Réformes à venir dans le privé
Dans le même Budget, une modification de la législation encadrant les régimes de retraite privés est également annoncée. La Financial Services Commission (FSC) se voit conférer un rôle accru dans l’approbation des adhésions des employeurs aux régimes de pension privés existants. Cette mesure vise à encourager davantage d’épargne individuelle, pour réduire la dépendance à la pension universelle.
Le système privé existe déjà à travers l’Occupational Pension Scheme, mais son accès reste limité à certains secteurs. Selon Rubina Gunowa, le gouvernement aurait pu inciter les citoyens à épargner davantage en offrant des avantages fiscaux ou autres incitations.
Du côté d’Intercontinental Trust Limited, la décision est vue comme impopulaire, mais inévitable. Le vieillissement de la population représente un défi majeur auquel peu de pays échappent. Le réalignement de la BRP sur l’âge légal de la retraite (65 ans) répond à une logique financière, mais son acceptation dépendra de la manière dont elle sera appliquée.

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