Le député du Mouvement socialiste mauricien de Rivière-des-Anguilles/Souillac a dû enlever une question parlementaire sur la nouvelle centrale d’Alteo. Bashir Jahangeer explique ses griefs.
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Vous avez enlevé votre question sur la nouvelle centrale d’Alteo mardi au Parlement. Pourquoi ?
J’avais visité le site à Beau-Champ. Je n’étais pas au pays jeudi (le 10 novembre) quand on m’a demandé de retirer la question. Mais je me suis dit qu’il y avait peut-être un conflit d’intérêts. Je n’avais pas eu le temps de contacter un conseil légal. Par la suite, on m’a dit qu’il n’y avait rien de mal à aller recueillir des renseignements. D’ailleurs, je ne suis pas un bidder et c’est un projet privé. C’était trop tard, j’avais déjà demandé au clerk de l’Assemblée nationale de retirer la question depuis vendredi. Mais je voulais exposer les raisons qui font que ce projet est ambigu.
Pourquoi est-il ambigu ?
D’abord, il y a eu des informations erronées. On avait dit qu’il s’agissait d’une extension de la centrale existante, ce qui n’est pas vrai. C’est une nouvelle centrale à base de charbon et de bagasse. Mais on sait tous que l’importance de la bagasse diminue et la centrale Alteo est un nouveau unsollicited coal project similar to CT Power.
Pourquoi la question serait-elle devenue un problème la veille de la rentrée parlementaire si vous l’aviez déjà retirée ?
C’est moi qui ai soulevé la question. Je voulais m’expliquer. Pour que le Central Electricity Board (CEB) puisse utiliser cette centrale, il doit investir dans une sous-station qui coûtera Rs 300 millions. Les négociations se poursuivent entre Alteo et le CEB sur le financement. Mais le Power Purchase Agreement a déjà été signé. En outre, l’Utility Regulatory Authority a été créée. Toutes les nouvelles centrales doivent passer par cette instance. Cela n’a pas été le cas pour Alteo.
Vous avez eu de nombreux clash avec Ivan Collendavelloo par le passé. Est-ce arrivé à un point où c’est désormais une affaire personnelle ?
Peut-être pour lui, mais pas pour moi. Ce qui m’énerve, c’est quand les dossiers sensibles n’obtiennent pas l’attention nécessaire.
“Ce qui m’énerve, c’est quand les dossiers sensibles n’obtiennent pas l’attention nécessaire.”
Ivan Collendavelloo ne gère-t-il pas ses dossiers de façon convenable ?
Peu importe qui sera le ministre des Services publics, la situation sera la même. C’est parce qu’on manque de professionnels. L’eau va aussi devenir un problème. On crie sur tous les toits que la promesse de l’eau 24/7 est irréalisable, mais c’est faux ! Il y a une solution dans le court terme, dont personne ne parle : la construction d’unités de dessalement de l’eau de mer. Une dans le Nord, une autre dans le Sud.
On parle souvent du coût prohibitif de ce procédé...
Pas du tout ! En moyenne, cela coûte USD 1 million pour une capacité de 1 000 m3. En six mois, une de ces unités peut être livrée clé en main. D’ailleurs, si les pompes fonctionnent à l’énergie photovoltaïque, le coût de production peut être réduit davantage.
Sudesh Rughoobur (député MSM de Grand-Baie/Poudre-d’Or) et vous faites figure de frondeurs dans les rangs du gouvernement, entrant souvent en conflit avec les ministres. Entretenez-vous de bonnes relations ?
Vous savez, mercredi, il y avait une cérémonie officielle à Grand-Bois. Un fonctionnaire du ministère de l’Agro-industrie m’approche et me dit : « Twa, to pou ena touzour problem dan politik. » C’est parce que je suis ingénieur et que j’aurai du mal à accepter les choses qui ne sont pas logiques, selon lui. Donc, je passerai mon temps à rouspéter et qu’il valait mieux pour moi de tout arrêter. Sudesh Rughoobur a plusieurs compagnies et s’y connaît en management. Pour moi, un gouvernement, c’est tout comme une compagnie, you need to have a knack to manage. C’est ce qui manque parfois dans la machinerie gouvernementale.
Il faut plus de techniciens comme ministres ?
Il faudrait nommer plus de technocrates comme ministres. Des professionnels qui peuvent apporter un plus. La technique et la gestion, c’est la combinaison qu’il faut.
“J’aurais pu chercher à caser mes enfants, mais je ne l’ai pas fait. J’attends des autres qu’ils en fassent de même.”
Vu vos questions qui irritent les ministres, ne craignez-vous pas qu’on ne vous donne pas de ticket pour les prochaines législatives ?
Je suppose qu’il doit y avoir quelqu’un apte à juger de mon professionnalisme. D’après ma vision des choses, nous commençons l’année avec un nouveau Premier ministre, en la personne de Pravind Jugnauth et il choisit une nouvelle équipe pour redonner confiance au peuple. C’est vrai qu’au cours de ces deux années, nous étions plus concentrés sur le nettoyage. Selon mon expérience, lors de la troisième année de pouvoir, l’opinion publique commence à tourner en faveur de l’opposition. Donc, notre rôle est de boost le moral du peuple. Il faut réussir quelque chose pendant ces trois ans.
En termes concrets, cela veut dire quoi ?
Le Central Electricity Board, par exemple, a des projets de production d’énergie qui démarrent. Bagatelle Dam a pris du temps à cause des contestations devant la cour. Puis les Smart Cities viennent juste d’obtenir leur permis. Mais il y aura un manque de main-d’œuvre l’année prochaine. Nous n’avons pas assez d’électriciens, de plombiers et de maçons. Les dessinateurs techniques aussi. Maintenant, il y a aussi le métro léger. D’après ce que j’ai lu, la réalisation prendra trois ans. Si on commence en janvier, on peut décrocher cet oscar ! On réalisera un projet qui stagne depuis 20 ans. Mais là encore, il faudra 500 à 600 soudeurs de précision pour ce chantier. Où les trouvera-t-on ?
La promesse électorale de l’Alliance Lepep tournait aussi autour d’une nouvelle façon de faire de la politique, promettant la nomination de compétences plutôt que de petits copains. Diriez-vous que le gouvernement a su tenir cette promesse ?
Let’s not beat around the bush. Des personnes ont été nommées pour leur connexion. Mais ce n’est pas universel. Nous prônons la méritocratie. Tout dépend de l’individu. J’aurais pu chercher à caser mes enfants, mais je ne l’ai pas fait. J’attends des autres qu’ils en fassent de même.
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