
Le départ de Gérard Sanspeur ne suffit pas à calmer la Banque de Maurice. Les divisions internes ont fragilisé l’institution, tandis que la MIC et les réformes structurelles restent au cœur des attentes.
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Le départ de Gérard Sanspeur, ancien Second Deputy Governor, marque la fin d’un épisode très médiatisé au sommet de la Banque de Maurice (BoM). Mais si cette décision a pu apaiser certaines tensions, les défis restent nombreux pour restaurer la crédibilité de l’institution. La Banque centrale, chargée de la stabilité des prix et de la solidité du système financier, voit son image sérieusement entamée par des mois de divisions internes et de conflits entre ses dirigeants.
L ’avocat d’affaires Penny Hack estime que « quand la crédibilité est touchée, tous les membres du conseil d’administration doivent assumer leurs responsabilités » et, selon lui, devraient même démissionner. Il considère que la stabilité attendue de la BoM n’a pas été visible ces derniers mois.
D’autres voix, comme celle de l’ancien journaliste Yvan Martial, appellent à la prudence : « Par expérience, nous savons qu’un bateau ne peut pas être dirigé par deux capitaines, surtout si l’un veut aller au nord et l’autre au sud. Il fallait trancher dans le vif. Espérons que le Premier ministre a fait le bon choix. » Pour lui, un début d’apaisement semble se dessiner.
Laura Jaymangal, Directrice de Transparency Mauritius, insiste toutefois sur l’urgence de réformes structurelles. Selon elle, au-delà des tensions récentes, la Banque centrale doit revoir sa gouvernance, sa transparence et sa redevabilité.
Quant au leader du Rassemblement Mauricien, Nando Bodha, il livre un constat sévère de la situation à la Banque de Maurice (BoM), qu’il juge minée par des affrontements politiques et institutionnels sans précédent.
« Pour la première fois dans l’histoire de Maurice, notre Banque centrale se retrouve au cœur d’un scandale politique. Nous avions une situation sans précédent : le gouverneur était en conflit avec son adjoint, et le Premier ministre se trouve lui-même en confrontation avec son numéro deux. C’est une honte au niveau local, régional et international pour le monde des affaires et pour les investissements », a-t-il déclaré dans une vidéo diffusée durant le weekend écoulé.
Selon lui, la mission première de la Banque de Maurice — « protéger la roupie, assurer la stabilité financière et défendre nos réserves en devises étrangères » — a été détournée par des querelles politiques. « La politique s’est immiscée dans la bataille pour contrôler la Banque centrale », a-t-il affirmé.
Nando Bodha a une nouvelle fois dénoncé l’opacité entourant le Mauritius Investment Corporation (MIC), entité créée en pleine crise sanitaire pour soutenir l’économie. « La MIC est un véritable labyrinthe financier. Aucune action n’a été entreprise malgré les avertissements du FMI, qui estime que la MIC devrait être placée sous une autre institution. La Banque de Maurice ne peut pas devenir une banque commerciale, et pourtant rien n’a été fait », a-t-il affirmé.
L’ancien ministre a rappelé que « sur 60 dossiers représentant Rs 60 milliards, seuls deux ont été ouverts en dix mois. Et dans l’un de ces dossiers, celui de Menlo Park, des allégations visent directement Rama Sithanen lui-même ».
Évoquant les tensions internes, Nando Bodha a mentionné « les ramifications entre le gouverneur de la Banque, Menlo Park et Pulse Analytics », ainsi que « des dénonciations croisées entre Rama Sithanen et Gérard Sanspeur ». Selon lui, « malgré le départ forcé de Sanspeur vendredi, le problème de fond n’a pas été réglé. Les allégations demeurent entières ».
Pour le leader du Rassemblement Mauricien, les conséquences sont graves : « En si peu de temps, Maurice a perdu une grande partie de sa crédibilité sur le plan international, que ce soit auprès du FMI, de la Banque mondiale ou d’autres partenaires. Nous avons perdu la confiance du public et entamé la réputation de notre pays en tant que centre financier international. »
Nando Bodha a également pointé du doigt les principaux dirigeants politiques : « Je voudrais entendre leur version. Car selon moi, Ramgoolam et Bérenger portent une grande responsabilité dans ces catastrophes. »
Il a insisté sur l’impact pour la population : « Finalement, c’est le peuple qui paiera les pots cassés. Les Mauriciens ne vous ont pas donné 60 zéros pour agir de cette manière. Vous devrez rendre des comptes. ».
Mauritius Investment Corporation : de bouée à bombe à retardement
Au centre des préoccupations se trouve la Mauritius Investment Corporation (MIC). Créée en 2020 pour soutenir les entreprises mauriciennes touchées par la COVID-19, la MIC est aujourd’hui considérée comme le talon d’Achille de la BoM. Sur Rs 81 milliards injectés, Rs 56 milliards ont déjà été déboursés, le plus gros bénéficiaire étant Airport Holdings Ltd. Des allégations de mauvaise gestion et de détournements présumés planent sur certains décaissements, tandis que le Fonds monétaire international recommande à la BoM de se retirer progressivement de la MIC pour protéger son indépendance et éviter tout conflit d’intérêts.
Les experts financiers avancent plusieurs pistes pour assainir la situation : un audit forensic afin d’identifier les dysfonctionnements, une restructuration de la MIC et le recours à des distress fund managers pour récupérer les fonds à risque. Ils préconisent également que les sommes non encore déboursées soient restituées à la Banque centrale afin de sécuriser son bilan.
Patrick Belcourt : « Un mauvais signal »
Pour le leader d’En Avant Moris, Patrick Belcourt, ce qui se passe à la tête de la Banque centrale est emblématique et ternit l’image du pays à l’international. « Ce qui arrive à la Banque centrale et à la FSC est un mauvais signal. Et quand on entend les allégations de Gérard Sanspeur, cela donne froid dans le dos. C’est grave, et si elles s’avèrent vraies concernant le Gouverneur de la BoM, il n’y a pas que nous qui suivons la situation, mais aussi les institutions financières internationales. »

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