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Bangladesh : les étudiants protestaires souhaitent voir le Nobel de la paix Yunus diriger le gouvernement intérimaire

Le chef de file du principal mouvement à l'origine des manifestations au Bangladesh a souhaité mardi voir le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus diriger le gouvernement intérimaire, au lendemain de la prise de contrôle du pays par l'armée et la fuite à l'étranger de la Première ministre.

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"Nous avons décidé que le gouvernement intérimaire serait formé" avec, en tant que "conseiller principal", c'est-à-dire chef de celui-ci, "le lauréat du prix Nobel, le Dr Muhammad Yunus, qui jouit d'une renommée internationale et est largement reconnu", a déclaré dans une vidéo Nahid Islam, principal dirigeant du collectif Students Against Discrimination (Etudiants contre la discrimination).

Les manifestations contre les quotas d'embauche dans l'administration, qui ont fait 366 morts depuis début juillet, ont conduit lundi à la fuite de la Première ministre Sheikh Hasina, 76 ans, à bord d'un hélicoptère.

M. Yunus, âgé de 84 ans, est connu pour avoir sorti des millions de personnes de la pauvreté grâce à sa banque de microfinance pionnière en la matière. Mais il s'est attiré l'inimitié persistante de Mme Hasina, qui l'a accusé de "sucer le sang" des pauvres.

Il se trouve actuellement en Europe et l'un de ses proches collaborateurs a déclaré lundi en fin de journée qu'il n'avait reçu aucune proposition de l'armée pour diriger le gouvernement intérimaire.

Le chef de l'armée bangladaise, le général Waker-Uz-Zaman, qui doit rencontrer mardi les dirigeants du mouvement étudiant, a annoncé lundi la formation prochaine d'un gouvernement intérimaire.

"Je vous donne ma parole que toutes les injustices seront réparées", a-t-il déclaré dans une allocution télévisée, précisant que l'armée serait chargée de diriger un gouvernement intérimaire et que le couvre-feu serait levé mardi matin.

Très vite, le chef de l'ONU et les puissances occidentales ont appelé à une "transition démocratique" dans ce pays d'Asie du Sud de 170 millions d'habitants, partenaire économique des grandes puissances, notamment dans l'industrie textile.

Après l'allocution de M. Waker, des  millions de Bangladais ont envahi les rues de Dacca.

- "Tellement heureux" -
"Je suis tellement heureux que notre pays ait été libéré",  s'est réjoui Sazid Ahnaf, 21 ans, comparant les événements à la guerre d'indépendance du Bangladesh qui a conduit à sa séparation du Pakistan en 1971.

La capitale a connu lundi des scènes de chaos et la police a fait état d'au moins 66 morts quand la foule a appelé à s'en prendre aux alliés de Mme Hasina.

Revenue au pouvoir en 2009, elle avait remporté en janvier un cinquième mandat à l'issue d'une élection sans véritable opposition.

Les manifestants ont envahi lundi le parlement, incendié des chaînes de télévision pro-gouvernementales et brisé des statues du père de la Première ministre Sheikh Mujibur Rahman, héros de l'indépendance du pays.

De telles scènes étaient inenvisageables quelques heures auparavant, lorsque Mme Hasina avait le soutien des forces de l'ordre sous son emprise autocratique.

"Le temps est venu de les tenir pour responsables des actes de torture", a déclaré Kaza Ahmed, un manifestant, estimant que Mme "Hasina est responsable des meurtres".

Les bureaux de la Ligue Awami, le parti de Mme Hasina, ont été incendiés et pillés à travers le pays, ont indiqué des témoins oà l'AFP.

Les manifestations avaient commencé début juillet après la réintroduction d'un régime réservant près d'un tiers des emplois au sein de l'administration aux descendants d'anciens combattants de la guerre d'indépendance. Le mouvement s'est intensifié au fil des jours, conduisant à des appels plus larges à la démission de Mme Hasina.

Son gouvernement a été accusé par les groupes de défense des droits humains de mettre à son service les institutions pour asseoir son emprise sur le pouvoir et éradiquer toute dissidence.

- "Territoire inconnu" -
Le président du Bangladesh, Mohammed Shahabuddin, a ordonné lundi en fin de journée la libération des personnes arrêtées lors des manifestations et de l'ex-Première ministre et cheffe de l'opposition Khaleda Zia, 78 ans.

Grande rivale de Mme Hasina, la cheffe du Parti nationaliste du Bangladesh (BNP) est hospitalisée depuis qu'elle a été condamnée à 17 ans de prison pour corruption en 2018.

Le président et le chef de l'armée se sont rencontrés lundi en fin de journée, en présence des principaux dirigeants de l'opposition.

Le service de presse du président a déclaré qu'il avait été "décidé de former immédiatement un gouvernement intérimaire".

Mme Hasina a atterri dans une base militaire près de New Delhi, selon la presse indienne, mais une source de haut niveau a affirmé qu'elle ne faisait que "transiter" par le pays et qu'elle se rendrait ensuite à Londres.

Mais l'appel du gouvernement britannique à une enquête de l'ONU sur des "niveaux de violence sans précédents" ont mis en doute cette destination.

L'armée bangladaise a déclaré avoir fermé l'aéroport international de Dacca lundi soir sans en donner les raisons.

Michael Kugelman, directeur de l'Institut de l'Asie du Sud au Wilson Center, basé à Washington, a prévenu que le départ de Mme Hasina "laisserait un vide important" et que le pays se trouvait en "territoire inconnu".

"Les jours à venir sont critiques", a-t-il déclaré.

© Agence France-Presse

 

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