
Dans les couloirs du Parlement, son arrivée ne passe pas inaperçue et pour cause ! Babita Thannoo, députée de la circonscription no 8, est aujourd’hui la seule parlementaire à faire le choix du transport en commun. Entre conviction écologique, contraintes financières et désir de rester proche des citoyens, elle incarne une façon différente de vivre et d’exercer la politique.
Chaque matin, son sac à la main et son agenda minutieusement planifié, Babita Thannoo monte dans un autobus de Quatre-Bornes ou prend le métro depuis Rose-Hill. « Je pars toujours un peu plus tôt. On ne sait jamais avec le trafic, et je n’ai pas le droit d’être en retard. Le Parlement commence à l’heure », confie-t-elle avec un sourire. Pour elle, la ponctualité n’est pas une contrainte, mais un devoir : elle organise ses journées au millimètre près pour concilier sa vie de parlementaire, ses engagements citoyens et ses responsabilités familiales.
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À 19 heures, quand la cloche du Parlement sonne la fin des débats, elle reprend le métro, direction Belle-Rose. Un rituel qu’elle vit sans gêne, bien au contraire. « C’est un moment où je redeviens une simple citoyenne, où je retrouve la vraie vie mauricienne », dit-elle.
Dans un pays où le statut de parlementaire rime souvent avec chauffeur, voiture de fonction ou déplacements discrets, Babita Thannoo détonne. Elle n’a ni chauffeur ni berline rutilante, pas parce qu’elle s’y refuse totalement, mais parce qu’elle en a fait un choix de vie.
« Je trouve qu’il y a déjà trop de véhicules sur nos routes et utiliser le transport public est un moyen d’affirmer qu’on peut vivre plus simplement, car c’est la décroissance qui pourra sauver la planète », affirme-t-elle. Défenseuse de l’environnement, elle veut aligner ses actes à ses convictions.
Ses collègues parlementaires la taquinent parfois, mais elle reste droite dans ses bottes. Elle est convaincue qu’il n’y a pas de honte à prendre l’autobus. Bien au contraire, c’est une expérience humaine enrichissante. « Dans les transports en commun, on parle avec les passagers. Je rencontre des Mauriciens qui se lèvent tôt, surtout des femmes. Elles me racontent leur quotidien : préparer le petit déjeuner, déposer les enfants, aller travailler, puis rentrer tard pour encore cuisiner. Je suis admirative de leur courage. Elles ont une double responsabilité », fait-elle ressortir.
L’organisation, c’est son mot d’ordre. Sans cela, difficile de jongler entre le Parlement, les visites dans sa circonscription, sa présence au bureau de Rezistans ek Alternativ (ReA) et ses obligations personnelles. Babita vit avec sa maman âgée et s’en occupe avec tendresse. « Je dois m’assurer que tout est prêt avant de partir le matin. C’est une responsabilité, mais également un privilège de pouvoir veiller sur elle », relate-t-elle.
Sa discipline s’explique aussi par son passé académique. En effet, avant d’entrer en politique, Babita Thannoo a été chargée de cours à l’université. Passionnée d’histoire, elle aime replacer les choses dans leur contexte, analyser les trajectoires, comparer les époques. « L’histoire nous apprend que les choix individuels peuvent avoir un impact collectif. Je crois que mes petits gestes – prendre le bus, parler aux gens – ont aussi une valeur symbolique », ajoute la députée.
La clé : l’entraide
Si ses trajets du matin et de l’après-midi sont bien huilés, les soirées représentent parfois un défi. Réunions, fonctions officielles, débats qui s’éternisent… Le transport en commun n’offre pas toujours de solutions après 21 heures. Dans ces moments-là, elle peut compter sur ses amis. « J’ai des amis formidables qui me proposent de l’aide. Ils m’accompagnent ou me déposent quand c’est trop tard. Sans eux, ce serait compliqué », avoue notre interlocutrice.
L’autre solution qu’elle envisage est de passer son permis de conduire prochainement, mais là encore, sans précipitation. Pour elle, le véhicule individuel reste un choix à réfléchir. Si elle décide de franchir le pas, c’est pour pouvoir être présente lors de ses fonctions. Toutefois, hors de question d’acheter une berline. Elle veut simplement un moyen de transport abordable, qu’elle utilisera lorsque l’autobus ou le métro ne lui conviendra pas.
Proche du peuple
Pour Babita Thannoo, être députée, ce n’est pas seulement siéger dans l’hémicycle. C’est aussi, et surtout rester, au contact permanent des citoyens. Elle reçoit ses mandants dans le bureau de Rezistans ek Alternativ. Pas de protocole ni de rendez-vous mondains : les portes sont ouvertes, et les habitants savent qu’ils peuvent venir partager leurs difficultés.
« Je tiens à être accessible. Si les gens doivent prendre un rendez-vous compliqué pour voir leur députée, cela crée une distance. Moi, je préfère qu’on se parle simplement, comme dans le bus », dit-elle. Cette proximité est sa force. Elle écoute, conseille, prend des notes. Son agenda déborde de noms, de numéros, de promesses à tenir. « C’est ma façon d’honorer la confiance qu’on m’a donnée », ajoute-t-elle.
Dans cette vie bien remplie, Babita Thannoo s’accorde malgré tout quelques moments de respiration. La musique, qu’elle affectionne particulièrement, lui permet de se détendre lors de ses trajets : « J’écoute un bon morceau durant le trajet dans le métro, et je me ressource ». La lecture, elle, nourrit son esprit. Romans, essais, histoire : elle explore un peu de tout. Elle ajoute : « Lire me permet de prendre du recul, de réfléchir en profondeur ».
Un engagement écologique concret
Ce qui distingue Babita, c’est la cohérence entre ses idées et ses gestes quotidiens. Défenseuse de l’écologie, elle ne se contente pas de discours à l’Assemblée. Elle essaie, à son échelle, de réduire son empreinte à travers son mode de vie, qui est un acte politique en soi.
« Nous devons penser à l’avenir de notre île. Trop de voitures, trop de pollution, trop de stress… Nous devons changer notre rapport au transport. Je crois au collectif. Je crois que l’exemple compte », insiste-t-elle.
Au fil des mois, son image de « députée en bus » a fini par devenir un symbole. Les Mauriciens qui la croisent dans les transports la reconnaissent, viennent lui parler, parfois lui confient leurs tracas. Elle les écoute toujours : « Je crois que c’est ce que les gens attendent : une proximité sincère, pas des discours éloignés de la réalité ».
Certains la considèrent comme une personne originale, d’autres comme un modèle de simplicité et d’authenticité. Elle nous confie qu’elle reste humble : « Je fais juste ce qui me semble normal. Je suis une citoyenne comme les autres, avec des responsabilités différentes, mais une vie tout aussi humaine ».
Babita Thannoo sait que son choix de vie ne sera pas toujours simple. Elle aura besoin de s’adapter, d’évoluer, peut-être de trouver des solutions plus pratiques. Mais pour l’instant, elle est en paix avec sa décision. « Tant que je peux utiliser les transports en commun, je le ferai. C’est ma façon d’être proche des gens, de rester ancrée dans le quotidien mauricien », conclut-elle.
Son parcours illustre une conviction rare en politique : celle que la simplicité est une force, et que la proximité avec les citoyens ne se décrète pas, elle se vit. Dans les couloirs du Parlement comme dans l’allée d’un bus bondé, Babita Thannoo continue d’écrire une page singulière de la politique mauricienne.

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