Interview

Aurore Perraud : «Le Public Accounts Committee n’a pas de pouvoir de sanction»

Aurore Perraud

Aurore Perraud souhaite que ceux qui sont mis à l’index dans le rapport de l’Audit ne s’en sortent pas. C’est la raison pour laquelle elle se bat pour que le Public Accounts Committee qu’elle préside dispose d’un pouvoir de sanction. Mais elle avoue qu’elle prêche dans le désert.

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En tant que présidente du Public Accounts Committee (PAC), quelle est votre première impression du rapport de l’Audit ?
On peut dire ce qu’on veut, mais le rapport de l’Audit est un exercice annuel important. Malheureusement, il n’y a pas d’actions concrètes qui suivent. Le directeur de l’Audit et son équipe ont abattu un travail colossal et important pour la démocratie. Toutefois, par manque de considération, le rapport perd de son essence. C’est malheureux de le dire.

Un détail qui vous a le plus marquée ?
Dans l’un des annexes, le directeur de l’Audit mentionne les flash floods. C’est un problème du jour. Il a souligné qu’il faut voir en amont et non en aval et que nous devons nous préparer aux désastres naturels avec le changement climatique. Sinon, year in, year out, nous serons confrontés aux mêmes problèmes. C’est bien que l’Audit suscite notre attention. On constate qu’il y a toujours les mêmes mauvais élèves qui n’apprennent par leurs leçons.

Quand le PAC reçoit le rapport de l’Audit, il appartient à cette instance de se pencher dessus. Comment cela se passe-t-il ?
Quand le rapport de l’Audit est déposé à l’Assemblée nationale, le PAC l’épluche ligne par ligne, annexe par annexe. Puis nous convoquons les officiers dont les ministères sont pointés du doigt pour les interroger sur les manquements et les gaspillages décelés. Nous déposons ensuite au Parlement notre rapport basé sur celui de l’Audit.

Ces officiers qui défilent devant le PAC savent qu’ils sont des intouchables, n’est-ce pas ?
Vous savez, ces officiers, surtout les secrétaires permanents, se dédouanent et renvoient la balle à leurs prédécesseurs. Ce n’est jamais de leur faute. Personne n’est tenu pour responsable.

Le PAC est un bouledogue sans dents. Cela signifie-t-il qu’il faudrait l’éliminer ?
Le PAC ne peut pas blame and shame. Je vous donne un exemple. Le Permanent Secretary (PS) d’un gros ministère est venu déposer une fois. Je n’étais pas satisfaite de ses explications. Les autres membres du PAC non plus. On lui a demandé d’aller consulter ses dossiers et de revenir. Il est revenu. Après l’avoir cuisiné sans relâche, on n’était toujours pas satisfait. On l’a renvoyé. Ce PS savait que nous ne pouvions rien contre lui, car nous n’avons pas de pouvoir de sanction.

En d’autres mots, les fonctionnaires n’en ont cure du PAC, bien qu’ils se soient fait épingler par l’Audit…
Bien que nous n’ayons pas de pouvoir de sanction, les officiers nous respectent, même s’ils savent qu’il ne se passera rien après toutes nos réprimandes.

Il faut en finir avec cette culture de ‘pa mwa sa, li sa’.»

Pourquoi ne pas demander au Parlement d’amender le PAC et de lui donner des dents pour mordre ?
Début janvier 2017, juste après le départ du Parti mauricien social-démocrate (PMSD) du gouvernement, nous sommes allés voir le Premier ministre pour lui proposer d’amender les Standing Orders 69 (2) afin de donner davantage de pouvoirs au PAC. Dans d’autres pays, le PAC peut convoquer les ministres, les responsables des collectivités locales, les représentants d’organismes parapublics et les responsables des entreprises dans lesquelles le gouvernement a des intérêts.

Nous avons proposé que le public et la presse puissent assister aux travaux. Nous avons aussi suggéré qu’il y ait des sanctions si quelqu’un a fauté en tant que responsable. Le PAC n’a même pas un personnel propre à lui. Il n’a pas de secrétaire. Le PAC n’est finalement qu’un bureau. Jusqu’ici, nos requêtes sont tombées dans l’oreille d’un sourd. À l’Assemblée nationale, on n’arrête pas de clamer notre misère.

Peut-être que tous les gouvernements qui se sont succédé n’ont jamais voulu d’un PAC qui soit doté de pouvoirs et qui aurait pu contrarier leurs ministres…
Je ne pense pas qu’un gouvernement qui se respecte ne voudra pas jouer la carte de la bonne gouvernance. Il faut juste avoir la volonté politique.

Que se passe-t-il une fois que vous avez déposé votre rapport à l’Assemblée nationale ?
Nothing. Si on a de la chance, tous les députés le lisent, mais là encore… C’est pour cela que j’ai demandé que le rapport du PAC soit soumis à un débat au Parlement pour qu’on puisse aller au fond des choses. Les parlementaires, surtout les ministres, doivent être conscients du gaspillage de l’argent public.

Comment mettre un frein au gaspillage ?
Nous devons prendre des actions. Il faut une réforme totale. Sinon nous irons droit dans le mur. Il faut en finir avec cette culture de pa mwa sa, li sa. Je trouve révoltant qu’on dilapide notre argent avec autant de largesse. On est au courant, mais on y assiste sans broncher.

Qu’est-ce qui vous a le plus choquée dans le rapport de l’Audit ?
L’achat des tablettes. C’est un crime. Ces tablettes sont venues avec des softwares dépassés et totalement inadéquats. C’est un gaspillage à l’échelle nationale. Les mauvais élèves sont les mêmes chaque année.

 

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