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Au nom de l’amitié - Moohsin: «Adil m’a fait cadeau de son rein»

Que serez-vous prêt à offrir par amitié ? Adil Moorsing, 31 ans, est allé jusqu’à offrir un rein à son pote Moohsin Seetal, 30 ans. « Ce n’est pas tant l’intervention de nos amis qui nous aide, mais le fait de savoir que nous pourrons toujours compter sur eux. » Cette citation d’Épicure résume l’amitié entre Moohsin et Adil. Moohsin Seetal, 30 ans, est né avec une malformation au niveau du système urinaire, qui a provoqué, chez lui, une insuffisance rénale. Âgé de 7 mois seulement, cet habitant de Port-Louis a subi quatre interventions en Australie, grâce au soutien de Sacim, une ONG qui vient en aide aux enfants inopérables à l'île Maurice. Il s’est fait enlever le rein gauche, qui ne fonctionnait plus. Le jeune homme a, malgré tout, une enfance tranquille, n’ayant pas de soucis de santé après l’opération. Mais à 12 ans, il commence à ressentir souvent de la fatigue et des douleurs. Ses parents lui révèlent alors qu’il souffre encore de troubles rénaux. À 17 ans, il veut tout savoir sur son état de santé. N’ayant pas toutes les réponses auprès de ses médecins traitants, à l’hôpital comme dans le privé, il se documente sur Internet. Et à 25 ans, il apprend la nouvelle tant redoutée. Son médecin traitant à l’hôpital lui annonce que ses jours sont comptés, son rein droit fonctionnant à peine. « Pourtant, j’ai tenu cinq ans ! Je suis un battant. J’ai fait beaucoup d’efforts pour préserver mon unique rein. J’ai été contraint de revoir mon mode de vie et mon alimentation de manière drastique », explique-t-il.

Dans une impasse

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"10480","attributes":{"class":"media-image alignright wp-image-19086","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"400","height":"480","alt":"Moohsin Seetal"}}]]Mais, sur le plan médical, Moohsin est dans une impasse. Il n’a toujours pas de réponses à ses interrogations. « J’ai su ensuite que je n’avais jamais été vu par un néphrologue, que ce soit à l’hôpital ou dans le privé, alors que cela aurait dû être le cas. J’ai été traité par d’autres spécialistes. Savaient-ils quoi faire en ce qui me concerne ? En tout cas, j’ai commencé à avoir des complications, notamment des douleurs à la colonne vertébrale et aux os. « Ce n’est que bien après que j’ai su que cela était dû à un déficit en calcium, lié à ma condition. De plus, je transpirais excessivement au niveau des paumes. Et on m’a fait croire que c’était dans ma tête que ça n’allait pas », relate le jeune homme. À 26 ans, en 2010, Moohsin obtient finalement les réponses tant attendues d’un néphrologue travaillant à l’hôpital Apollo Bramwell. « J’ai vu mon sauveur en ce néphrologue. Hélas, il est retourné en Inde en 2012. À l’époque, le ministère de la Santé n’autorisait pas la greffe rénale dans les cliniques privées. J’étais désemparé ! » Lueur d’espoir deux ans plus tard. « Dans un article de presse, j’ai vu qu’un autre néphrologue consultait à l’hôpital Apollo Bramwell. Je suis parti le voir. J’ai passé deux heures dans sa consultation, rien que pour l’interroger sur ma condition. Il a répondu patiemment à mes questions. C’est lui qui m’a expliqué pourquoi j’avais ces complications, qui n’étaient évidemment pas imaginaires », lance-t-il.

Sans hésiter

Moohsin exulte de joie lorsque le ministère de la Santé autorise finalement la greffe rénale dans les cliniques privées en 2014. Il doit cependant régler un autre souci : trouver un donneur compatible. Il n’y en a pas dans sa famille. Désespéré, Moohsin se confie à son meilleur ami, Adil Moorsing, 31 ans. Ce dernier, sans hésiter une seconde, lui dit oui. « Je lui ai dit qu’il devait chercher l’assentiment de sa famille et de son épouse. Il m’a dit que cela n’allait pas poser de problème et qu’il allait m’offrir son rein afin que je puisse mener une vie normale », raconte Moohsin. Adil soutient qu’il n’a pas réfléchi à deux fois. « Je ne pouvais plus le voir souffrir. Moohsin m’a toujours soutenu quand j’avais des problèmes. Je devais lui renvoyer l’ascenseur. C’était la moindre des choses. Je voulais que mon ami puisse vivre normalement, comme moi. Peu importe si je devais vivre avec un seul rein. » Mais convaincre ses proches fut une tout autre paire de manches. « Au début, mon épouse ne voulait pas en entendre parler. J’ai pu la convaincre. Mes parents étaient aussi contre. Le jour de l’opération, je suis parti voir mon père pour lui expliquer une dernière fois ma démarche. Il m’a enfin donné sa bénédiction, conscient que je faisais quelque chose de bien », soutient cet habitant de Triolet. L’intervention a eu lieu le 30 septembre 2014. Elle a semblé durer une éternité pour les proches de Moohsin et d’Adil, mais a été un succès. « Je tiens à remercier tous les proches et amis qui m’ont aidé à réunir les fonds pour mon opération (Rs 800 000) et qui m’ont soutenu moralement. Je viens d’une famille modeste. Mes parents sont retraités. Je leur rends hommage. Ils se sont mis en quatre pour moi. Ils sont rongés par la maladie. Ma mère a souvent passé des nuits blanches à me masser les pieds », confie Moohsin, la voix cassée.

Gratitude

Pour Adil, Moohsin n’a pas de mots pour lui exprimer sa gratitude. « Il m’a offert un cadeau qui n’a pas de prix. Il m’a offert un rein. Je lui suis redevable à vie. » Ses jours n’étant plus comptés, Moohsin s’inquiète désormais pour son avenir. À cause de son état, il ne pouvait travailler et percevait une pension d’invalidité. Toutefois, celle-ci pourrait être supprimée, vu qu’il a subi une greffe rénale. « Comme j’aurai toujours à faire le va-et-vient à la clinique, aucun employeur ne voudra m’engager. De plus, je souffre de séquelles importantes, comme des douleurs à la colonne vertébrale et au niveau des membres inférieurs. Je ne veux pas pour autant dépendre des autres. J’ai fait des démarches pour bénéficier d’un terrain à bail pour y planter des légumes. J’ai essuyé un refus partout, y compris auprès de l’Empowerment Foundation et du ministère des Terres. Des fois, sans aucune explication. C’est décourageant », peste-t-il. Marié depuis décembre, Moohsin dit ne pas pouvoir envisager de fonder une famille. « Mon épouse m’a aimé malgré ma santé fragile. Aujourd’hui, j’ai peur que le fait de ne pas avoir de boulot finisse par tuer notre couple ». Pour Moohsin, l’avenir paraît sombre.
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