
Alors que le Budget 2025-26 promet une santé plus efficiente, plongée dans un quotidien hospitalier fait d’humanité et de heurts. Témoignages croisés de patients et soignants dans un système qui vacille.
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Lieu de guérison et d’espoir, l’hôpital public se révèle parfois être une source d’émotions complexes pour ceux qui en franchissent les portes. Si certains patients conservent un souvenir réconfortant de leur séjour, d’autres en gardent des expériences douloureuses, voire traumatisantes, les éloignant de ces institutions à moins d’une nécessité absolue.
Lors d’une après-midi ordinaire, l’effervescence habituelle des visites bat son plein à l’hôpital. Sur place, venus rendre visite à un proche, nous sommes interpellés par des échos troublants concernant le comportement d’un membre du personnel. « Dimounn kapav bitor koumsa ? » s’interroge une patiente, laissant transparaître son indignation.
Au centre de ces murmures : une infirmière. Bien que son expérience soit jugée limitée, elle semble régner en maître dans le service où elle est affectée, imposant sa volonté aux patientes et même à certains de ses collègues. Pour certains, son sens de l’autorité, jugé excessif, la prédestinerait davantage à un environnement carcéral, où elle pourrait, selon eux, instaurer la discipline.
Les témoignages recueillis brossent le portrait d’une professionnelle dépourvue de sens de l’accueil et d’empathie envers les patients. Christine, une patiente, relate avec émotion le cas d’une femme agitée, attachée aux pieds et aux mains à son lit, sans la moindre compassion de la part de l’infirmière. L’impossibilité pour les autres membres du personnel d’intervenir face à celle qui sème la terreur, se targuant de ses relations haut placées, ajoute à l’atmosphère pesante.
« Quand vous travaillez dans un établissement de santé, il faut avoir le sens de l’accueil », confie Christine, rappelant que chaque patient vient chercher la guérison, non pas subir des traitements inhumains. Elle ajoute, non sans une pointe d’amertume, que les cris de cette infirmière peuvent résonner jusqu’à l’autre bout du service.
Impact sur le bien-être
Amrita, une autre patiente, nuance le tableau en soulignant la gentillesse de l’ensemble du personnel, à l’exception de celle qui fait l’objet de critiques unanimes. L’infirmière en question est décrite comme quelqu’un qui « nek koze for-for, ek koz gra » et qui « pena manier koze ». Pour Amrita, cette situation est d’autant plus pénible qu’il s’agit de son premier séjour dans cet établissement.
« C’est difficile de vivre une telle situation alors que nous sommes venus à l’hôpital pour des traitements pour retrouver la santé. Cela me dégoûte que pour mon premier séjour dans cet établissement, je doive faire face à ce genre de comportement de la part d’une infirmière », confie-t-elle, avouant que cette attitude lui donne une forte envie de quitter les lieux au plus vite. Elle note cependant un contraste saisissant : lorsque l’infirmière est absente, le service retrouve une atmosphère paisible.
De fil en aiguille, l’ambiance tendue qui règne en présence de cette infirmière devient palpable à travers les témoignages. Sunita affirme qu’elle se permet même d’insulter les patientes. Habituée de l’hôpital, elle confie n’avoir jamais été confrontée à une telle situation. « Quand elle est là, personne n’est tranquille et tout le monde redoute ce qui peut arriver et qui sera son souffre-douleur. » Même les autres soignants préfèrent éviter tout contact avec elle. « Ça nous fait mal de devoir subir un tel comportement de la part d’une infirmière », lâche-t-elle, visiblement affectée.
Les informations glanées auprès de diverses sources internes révèlent que le personnel redoute également la présence de cette infirmière, subissant aussi ses accès de colère. Si certaines osent lui tenir tête, d’autres préfèrent le silence, résignées. Le terme « toxique » revient fréquemment pour la décrire, soulignant ses difficultés à travailler en équipe et son manque d’empathie. Pourtant, selon nos informations, personne ne semble en mesure de la rappeler à l’ordre.
Heureusement, le tableau n’est pas uniformément sombre. Certains patients partagent des expériences empreintes de positivité. Ingrid se souvient avec émotion de son séjour au service de gynécologie d’un hôpital régional : « J’ai eu des infirmières très à l’écoute, très réconfortantes, gentilles. Une a remarqué que j’étais inquiète, au bord des larmes. D’elle-même, elle m’a réconfortée, à me dire que tout irait bien, de ne pas m’inquiéter. »
Elle regrette cependant les difficultés rencontrées lors des consultations sur rendez-vous, évoquant des attentes interminables et des reports frustrants. « Consternée par cette situation, j’ai demandé à voir le médecin présent pour pouvoir faire une échographie qui était initialement prévue, mais on m’a fait comprendre que puisque le médecin traitant n’avait pas donné les bonnes instructions concernant l’échographie, celui qui était présent lors de mon rendez-vous avait décidé tout simplement de me recevoir, et de me donner un autre rendez-vous. Comme si je n’avais rien d’autre à faire », déplore-t-elle.
Traumatismes durables
La jeune femme dénonce aussi le fait qu’à l’issue de son intervention, une analyse du kyste qu’on lui avait enlevé devait être effectuée : « Je n’ai jamais eu les résultats des analyses jusqu’à présent. Ce n’est pas professionnel du tout. »
Ashwin, quant à lui, se remémore l’attitude blessante d’un infirmier à la suite d’une intervention chirurgicale. Face à sa douleur persistante, ses appels répétés ont été accueillis avec un commentaire des plus désagréables. « L’infirmier a allégué que je simulais la douleur afin d’avoir une dose de morphine comme le réclament des usagers de drogue », relate-t-il, encore interloqué. Durant son séjour, il affirme avoir pu observer le contraste entre les soignants empathiques et ceux qui manquaient cruellement d’égard envers les patients.
L’impact de certains comportements dans les hôpitaux publics peut laisser des traces profondes, se muant en véritables traumatismes. Virginie en témoigne, évoquant l’hospitalisation douloureuse de sa mère, atteinte d’un cancer, il y a une quinzaine d’années. « En arrivant à l’hôpital, on l’a tout simplement mise sur une civière dans un coin de la salle d’attente où elle est restée avec sa souffrance pratiquement toute une journée », se souvient-elle avec tristesse.
L’absence de politesse et l’attitude « désagréable » des infirmières ont marqué cette période difficile. « Absence d’empathie envers les patients ou même leurs proches », ajoute-t-elle. Elle se rappelle avoir dû hausser le ton pour que sa mère reçoive enfin une injection antidouleur.
Seule la présence d’une infirmière bienveillante, connue lors d’une précédente hospitalisation, avait apporté un peu de réconfort. Cette expérience a laissé une cicatrice profonde : « Après l’expérience que ma maman a vécue, je n’ose plus aller dans un centre de santé public. Je vais le faire si c’est vraiment nécessaire, dans le cas contraire, j’irai dans le service de santé privé. »
Rishi partage également un souvenir amer, pointant du doigt l’attitude d’un médecin lors d’une consultation à la suite d’une blessure sportive. « Je m’étais blessé dans un gala de boxe. Quand je suis allé à l’hôpital en compagnie de mon entraîneur, le médecin était à moitié ivre et complètement pommé », allègue-t-il.
Les propos vulgaires et les commentaires déplacés du médecin ont choqué Rishi et son entraîneur. « Quand nous lui avons fait la remarque que son comportement n’était pas correct, il nous a balancé que nous ne pourrions rien faire contre lui, qu’il avait des contacts bien placés. » Pire encore, il aurait refusé d’examiner Rishi.
Pour Joanne, les expériences négatives à l’hôpital se sont enchaînées. Parmi les plus douloureuses, elle évoque le jour où elle a perdu son enfant. Elle avait été admise à l’hôpital un jour après un premier séjour, en raison de douleurs persistantes.
« J’ai accouché de mon bébé dans la salle sans l’assistance des infirmières et sans qu’on m’explique quoi que ce soit », raconte-t-elle. Un sérum lui a été posé, un paravent installé, puis elle aurait été laissée à son sort.
« J’aurais pu perdre mon enfant »
C’est une autre patiente, dit-elle, qui lui a indiqué la marche à suivre face aux contractions. « Pendant tout le temps où j’avais des douleurs, aucune infirmière n’est venue me voir. » Selon elle, ce n’est qu’après l’accouchement, prématuré au bout de cinq mois de gestation, que les infirmières seraient arrivées. C’est également à ce moment qu’elle aurait enfin été examinée par un médecin.
Quelques années plus tard, une autre mésaventure l’attendait après une intervention gynécologique. Si les explications initiales des infirmières avaient été claires, elle a découvert à son retour chez elle qu’un cathéter était resté implanté dans sa main. « On m’a donné mon autorisation de sortie tellement vite que toutes les vérifications d’usage n’ont pas été faites avant mon départ », explique-t-elle.
Le pays était alors en pleine période de confinement en raison de la COVID-19. C’est un infirmier qu’elle connaissait qui a dû lui retirer le cathéter et assurer ses soins post-opératoires.
Joanne évoque également un épisode survenu quelques jours après un accouchement par césarienne. Son bébé s’étouffait après avoir bu son lait. « Quand j’en ai informé les infirmières, elles ont simplement vu que je l’avais enveloppé d’une couverture et m’ont dit de retourner à ma place parce que c’était l’heure des visites... » dit-elle.
Son instinct maternel et son expérience professionnelle auprès d’enfants lui ont permis de réagir rapidement. « En raison de leur insouciance, j’aurais pu perdre mon enfant », s’indigne-t-elle.
Face à ces récits poignants, des témoignages plus positifs apportent une lueur d’espoir. Sybille, une sexagénaire, se souvient avec gratitude de son expérience à l’hôpital de Mahébourg. « C’est la première fois de ma vie que je rencontre des membres du personnel aussi gentils », s’enthousiasme-t-elle, contrastant avec ses expériences passées où elle avait souvent rencontré un personnel irritable.
Elle souligne le changement positif apporté par la nouvelle génération de soignants. « Les jeunes ont une autre mentalité et sont plus accueillants. Lors de mon intervention au doigt, l’infirmière m’a parlé tout au long de la procédure, ce qui a détourné mon attention et je n’ai presque rien ressenti. »
Dans un climat de tensions croissantes, alors que le système de santé est confronté à un manque criant de ressources humaines, il est plus que jamais essentiel de préserver l’hôpital comme un lieu de soin et de réconfort, où l’empathie et le professionnalisme demeurent des repères fondamentaux — et non de le laisser se transformer en un champ de bataille.

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