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Au Cœur de l’Info : Madagascar en colère un avertissement pour Maurice

Nando Bodha et Raviraj Beechook

Les manifestations qui secouent Antananarivo révèlent un malaise profond. Entre contestation populaire et crise politique, la Grande Île vit un tournant historique dont Maurice ferait bien de tirer les leçons.
Depuis plusieurs semaines, Madagascar s’enflamme. À Antananarivo, des milliers de jeunes et de citoyens exaspérés battent le pavé pour dénoncer un régime qu’ils jugent corrompu et déconnecté des réalités sociales. Ce soulèvement, porté par une jeunesse désabusée, inquiète autant qu’il inspire la région.

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L’émission « Au Cœur de l’Info » a consacré, mardi, un débat spécial à cette crise, autour de la question suivante : assiste-t-on à un fossé croissant entre les gouvernants et les gouvernés, ou à la naissance d’un nouvel élan démocratique venu de la rue ?

Pour en discuter, Prem Sewpaul a réuni Raviraj Beechook, député du Parti travailliste, Nando Bodha, leader du Rassemblement Mauricien, et Jean-Claude de l’Estrac, observateur politique, intervenant par visioconférence.

Crise institutionnelle 

Selon Jean-Claude de l’Estrac, la sortie de crise dépend désormais de la Cour constitutionnelle malgache, seule habilitée à trancher la légitimité de la dissolution du Parlement par le président Andry Rajoelina. « Le peuple a demandé le départ du président, pas la dissolution du Parlement », a-t-il rappelé.

Les invités se sont ensuite penchés sur l’atterrissage d’un jet privé à Maurice dans la nuit du samedi 11 octobre, à bord duquel se trouvaient l’ancien Premier ministre malgache Christian Ntsay et l’homme d’affaires Maminiaina Ravatomanga, dit « Mamy », proche conseiller du président Andry Rajoelina. 

Raviraj Beechook a déclaré que la situation était « exceptionnelle » car « le jet privé a transporté des personnes chassées par la révolution à Madagascar ». Selon lui, « ce qui est grave, c’est de savoir qui a autorisé l’atterrissage de cet avion à Maurice et comment les passagers ont pu franchir les services d’immigration ».

De son côté, Nando Bodha a jugé cette affaire « préoccupante », notant que le Premier ministre par intérim, Paul Bérenger, n’aurait pas été informé. « Accueillir des responsables en fuite est toujours délicat. Il faut savoir s’ils sont venus pour un simple transit, un séjour ou une autre raison », a-t-il précisé.

Un coup d’État confirmé

Suivant de près l’évolution de la situation à Madagascar, Jean-Claude de l’Estrac a indiqué que le Parlement malgache a voté en faveur de la destitution du président, par une très courte majorité — 131 voix contre 130. « Cela montre que certaines personnes issues même du parti du président ont voté pour la destitution », a-t-il souligné. 

Jean-Claude de l’Estrac a également révélé que l’ancien Premier ministre contrôlerait « près de 60 % de l’économie malgache ». « Les accusations de corruption à son encontre sont considérables. Il possède une immense fortune et il est possible qu’il détienne des biens à Maurice, voire une ou deux villas. Cela me laisse penser qu’il pourrait bénéficier d’un droit de résidence à Maurice », a-t-il affirmé.

Pour lui, les conséquences économiques risquent d’être catastrophiques : « La situation est explosive, et certaines régions pourraient connaître la famine. »

Des leçons pour Maurice

Au-delà du tumulte malgache, les invités ont cherché à dégager des enseignements pour Maurice. Pour Jean-Claude de l’Estrac, la crise actuelle est le fruit d’un long héritage institutionnel fragile : « Depuis la décolonisation, Madagascar n’a jamais eu de structures solides pour garantir la stabilité politique. »

Mais Nando Bodha rappelle que, malgré la tourmente, la Grande Île demeure un partenaire économique stratégique. Les échanges commerciaux entre Maurice et Madagascar représentent environ 220 millions de dollars, et de nombreuses entreprises mauriciennes y sont implantées. « Les enjeux sont énormes, il faut préserver nos liens économiques et diplomatiques », insiste-t-il.

La deuxième partie de l’émission s’est concentrée sur le rôle de la jeunesse, moteur du mouvement malgache. Pour Nando Bodha, cette révolte symbolise « une Génération Z en quête de sens et d’expression ». Il met en garde : « Verrons-nous le même phénomène à Maurice ? Nous devons tirer des leçons de ce qui se passe à Madagascar, car nous avons aussi notre propre Génération Z à Maurice. Il faut se demander ce que nous faisons pour nos jeunes et avec nos jeunes. Aujourd’hui, la solution pour un jeune Mauricien formé et éduqué est souvent de quitter le pays ».

Selon lui, il est urgent de donner aux jeunes les moyens d’agir. « Ils doivent devenir une génération de construction plutôt que de contestation », plaide-t-il. Raviraj Beechook partage ce constat, tout en soulignant la maturité politique de la jeunesse mauricienne : « Nous n’avons pas une culture de la rue, mais les jeunes s’expriment à travers les urnes et les réseaux sociaux. Ils participent au débat public. »
Les deux invités ont conclu sur un appel à la responsabilité politique. « Les dirigeants doivent redevenir des modèles capables d’inspirer la jeunesse », a affirmé Nando Bodha. 

 

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