Les Mauriciens disent avoir de plus en plus de difficultés à joindre les deux bouts, selon un micro-trottoir effectué par Radio Plus et Le Défi Media Group. Or, le taux de compensation salariale fait débat. Pour en discuter, la journaliste Jane Lutchmaya a reçu, mercredi, sur le plateau de l’émission « Au Cœur de l’Info » sur Radio Plus et TéléPlus l’économiste Manisha Dookhony. Reaz Chuttoo, syndicaliste, Ajay Beedasee, président de la SME Chambers, et Vinaye Ancharaz, économiste, sont intervenus par téléphone.
Manisha Dookhony constate que les Mauriciens peinent à payer leurs factures. Selon elle, il y a un signe qui ne trompe pas. « Si vous regardez les voitures en revente, beaucoup sont de 2022 et 2023 car les acheteurs n’arrivent pas à les repayer. Il y a effectivement une reprise économique, notamment dans le tourisme et le secteur financier, mais d’autres, comme le secteur manufacturier, sont en difficulté. Les salaires n’ont pas autant augmenté que les prix malgré les compensations salariales et le soutien du gouvernement », commente l’économiste.
Manisha Dookhony affirme que de nombreux Mauriciens sont tentés d’aller s’installer à l’étranger. « Le secteur du tourisme, par exemple, fait face à la fuite des talents. L’un des éléments pour les retenir est le salaire. Mais il y a aussi les opportunités. C’est également le cas dans le secteur financier où des jeunes partent dans des pays comme l’Irlande car il manque d’opportunités ici à Maurice », précise-t-elle.
Reaz Chuttoo reconnaît que le contexte est difficile, mais il soutient que le salaire minimum doit être de Rs 15 000. « Quand on analyse le coût de la vie, c’est le montant minimum pour ne pas basculer dans la sous-alimentation. Les employeurs doivent considérer ce coût avant de monter leurs entreprises. Il y a une relation incestueuse, car la MRA (Mauritius Revenue Authority) donne des aides à des entreprises qui paient d’importants dividendes à leurs actionnaires. L’économie va bien, les employeurs doivent donc mettre la main à la poche. Il faut une distribution équitable de la richesse », clame le syndicaliste.
Ajay Beedasee est en faveur d’une augmentation salariale de Rs 200 à Rs 300. « Il aurait fallu en donner plus, jusqu’à Rs 1 000. Mais il faut regarder des deux côtés. Les prix flambent, mais il ne faut pas que cela tombe sur la tête des PME. Pourront-elles survivre ? Sans les aides reçues lors de la Covid-19, les PME auraient disparu. Mais si on augmente les salaires, il faut aussi un soutien. Si nous n’avions pas à rembourser les aides, nous pourrions augmenter les salaires. Il faut que le gouvernement raie cette dette. Il y a une récession dans le secteur du textile. Sans aide, les PME ne vont pas survivre », déclare le président de la SME Chambers. Il souhaite un soutien du gouvernement pour recruter de la main-d’œuvre étrangère.
Vinaye Ancharaz rappelle que le salaire minimum a augmenté et que le gouvernement a introduit le revenu minimum garanti. « Les salaires progressent d’année en année et cela est normal. Nous devons recruter de la main-d’œuvre étrangère, nous allons vers une situation de plein emploi. Ce sont des signes que l’économie progresse. Le gouvernement hypothèque l’avenir des jeunes à travers ses promesses.
Les aides lors de la Covid-19 étaient en partie évitables. L’inflation à Maurice est élevée, c’est dû en partie à la Covid-19. On reste avec une inflation forte, alors que les causes ne sont plus là. La raison est la dépréciation de la roupie. Les entreprises disent toujours ne pas pouvoir payer la compensation salariale. Il est vrai que dans des secteurs, la productivité n’est pas au niveau international. Les entreprises sont gagnantes quand il y a une inflation. Je ne crois donc pas que les entreprises n’ont pas la capacité de payer. Elles ont eu un soutien lors de la Covid-19, elles sont gagnantes », lance l’économiste, qui lui aussi souligne la fuite des talents par manque d’opportunités à Maurice.
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