La Journée internationale des personnes handicapées a été l’occasion de dresser un constat sans concession : la persistance d’obstacles, d’exclusions et de lenteurs administratives. Les appels à une réforme se font de plus en plus pressants.
À l’occasion de la Journée internationale des personnes handicapées, « Au Cœur de l’Info » a consacré son émission du mercredi 3 décembre à la situation des Mauriciens vivant avec un handicap, estimés à plus de 86 000 selon le dernier recensement.
Sur le plateau, deux invités, Ali Jookhun, fondateur de U-Link et de la Down Syndrome Association, et le syndicaliste Ashvin Gudday ont dressé un état des lieux sans concession : pension d’invalidité, accès à l’emploi, mobilité, respect des droits, la route vers une société inclusive reste encore longue. D’emblée, les intervenants ont réagi à l’annonce gouvernementale d’une réforme de la pension d’invalidité, comprenant l’introduction d’un « hybrid assessment model » visant à associer critères médicaux et évaluation fonctionnelle.
Pour Ali Jookhun, cette réforme est « un cri vieux de plus de 20 ans ». Il rappelle que de nombreuses personnes restent injustement exclues du système actuel, basé presque exclusivement sur un seuil médical de 60 % d’incapacité. « On ne peut pas réduire un handicap à un chiffre. Une personne amputée d’un membre peut être exclue alors qu’elle ne peut pas travailler. C’est une injustice », a-t-il fait ressortir.
Ashvin Gudday abonde dans ce sens en estimant que « le système actuel crée des chutes entre les catégories. Beaucoup de gens se retrouvent à 59 %, donc sans pension, alors qu’ils ont de grandes limitations. Le modèle gradué est une nécessité », a-t-il indiqué. Il a toutefois souligné un manque de concertation et a demandé une table ronde « beaucoup plus élargie » avec tous les acteurs du secteur.
Accessibilité : un retard structurel
L’émission a longuement abordé l’accessibilité aux infrastructures, un combat toujours d’actualité. Rampes inexistantes, trottoirs impraticables, semi-low-floor buses inadaptés : le constat est sévère. Ashvin Gudday a notamment déploré un manque de continuité dans les engagements publics. « Le métro express est accessible, mais comment font les personnes pour atteindre la plateforme ? Rien n’est pensé de manière cohérente. Les bus restent inadaptés, les trottoirs insuffisants », a-t-il ajouté.
Yaaseen Edoo, Disability Activist, a fait comprendre que les obstacles sont quotidiens. « Si je veux me rendre au métro, je dois dépendre d’un parent ou d’un taxi. Le trajet jusqu’à la plateforme n’est pas sécurisé. Maurice n’a pas encore intégré l’accessibilité comme un droit fondamental », a-t-il fait part de son expérience personnelle.
Les invités ont aussi abordé les différents dysfonctionnements dans les bâtiments publics, notamment l’absence de rampes, les ascenseurs défectueux, les guichets difficilement accessibles, et un manque d’exemples venant de l’État lui-même.
Emploi : un taux d’insertion extrêmement faible
Selon les chiffres discutés sur le plateau, seulement 110 personnes handicapées travaillent dans le secteur public. Un chiffre jugé « alarmant » et « indigne d’un pays qui parle d’inclusivité ». Le manque de réformes au sein du Training and Employment of Disabled Persons Board (TEDPB), jugé non fonctionnel, a aussi été abordé.
Ali Jookhun a rappelé que l’emploi des personnes handicapées demande un accompagnement spécialisé, un job coaching, une évaluation des aménagements possibles. « Aujourd’hui, aucune structure ne répond efficacement à ces besoins », a-t-il observé. Les invités ont également abordé la discrimination persistante dans le privé, malgré l’obligation légale d’embaucher 3 % de travailleurs en situation de handicap : une mesure jugée « sans effet » faute de contrôle et de volonté.
Le ministre Subron : « Nous voulons aller vers une société écosocialiste »
Dans un entretien diffusé en seconde partie de l’émission, le ministre Ashok Subron a détaillé les grandes lignes de la future réforme. Selon lui, le nouveau modèle d’évaluation reposera sur 50 % médical et 50 % fonctionnel, afin de corriger les injustices du système binaire actuel.
Il annonce également notamment la création d’une Inclusive Living Allowance et la mise en place d’un « assessment panel » multidisciplinaire. Il a aussi évoqué l’introduction d’un one-stop-shop regroupant pension, parking disability card, formation et employabilité ainsi qu’une volonté d’avancer vers une société « écosocialiste, inclusive et fondée sur la dignité humaine ».
Le ministre reconnaît toutefois des « résistances » et s’attend à une mise en œuvre progressive, avec une phase 1 espérée dès 2026, le temps que les « guidelines » médicaux et certificats soient révisés et validés.
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