
À Maurice, l’éthique ne court pas les rues. Pourtant, pour Jérôme Boulle, consultant au Défi Media Group, c’est la condition sine qua non pour toute nomination dans les institutions publiques : « Éthique ou rien », martèle-t-il. Invité mercredi de l’émission « Au Cœur de l’Info », animée par Jane Lutchmaya, il revient sur un exemple historique qui, selon lui, illustre le calibre des dirigeants dont le pays a besoin.
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Avant les élections de 1982, lors du premier scrutin 60-0, Sir Marc David présidait la Commission électorale. Un telex susceptible de favoriser ses adversaires aurait pu influencer le processus : « Il n’a pas demandé d’enquête, il a démissionné par principe et au nom de l’éthique. Aujourd’hui, avons-nous encore ce genre de personnalités ? Je dis une chose : l’éthique avant tout. »
Le consultant dénonce également l’état actuel de la police : « Les garde-fous se fragilisent et deviennent inefficaces à cause de nominations de petits copains. Pour protéger nos institutions, il faut des hommes et des femmes intègres, avec à cœur le pays. » Concernant l’interpellation du journaliste Narain Jasodanand, Jérôme Boulle pointe du doigt un manque de transparence au sommet de la hiérarchie : pourquoi ne pas enquêter sur ceux qui ont contourné les pouvoirs du chef de la police si ce dernier prétend ne rien savoir ?
Pour lui, diplômes et compétences ne suffisent pas : « On peut nommer quelqu’un bardé de diplômes, mais s’il n’y a ni éthique, ni bonne gouvernance, ni équité, à quoi cela sert-il ? »
L’historien Jocelyn Chan Low abonde dans le même sens. Selon lui, le scandale autour de la Banque de Maurice (BoM) ne relève pas de l’institution elle-même, mais de personnalités : Rama Sithanen et Gérard Sanspeur. « Rama Sithanen a laissé son fils s’ingérer dans les affaires de la Banque et ne peut pas travailler en groupe. Cela a créé un clash de personnalités : mon frère, tu dois mourir pour que j’existe », illustre-t-il, citant la Bible.
« Vol » de l’avenir des diplômés
Dans le même registre, l’avocat et constitutionnaliste Parvez Dhookhy dénonce la « transformation de la Banque centrale en entreprise familiale ». Jocelyn Chan Low et lui se rejoignent aussi sur le retour, sur le devant de la scène, de figures controversées, qualifié de « vol » de l’avenir des jeunes diplômés. « On recycle les mêmes, on parle d’intouchables, et on détruit la méritocratie », déplore l’historien, tandis que Parvez Dookhy pointe des nominations orientées, où le Premier ministre choisit ses poulains, et où les postes symboliques servent plus la galerie que le pays.
Jocelyn Chan Low critique aussi le Best Loser System et les « Junior Ministers » qui, selon lui, faussent le processus électoral en privilégiant la majorité au lieu de l’efficacité.
Zones d’ombre inquiétantes
Le mystère reste entier autour de l’interpellation du journaliste Narain Jasodanand, alors que le commissaire de police (CP) n’aurait pas été informé de l’opération. « Si tel est le cas, le CP aurait dû lancer une enquête interne et sanctionner les responsables. Or, rien n’a été fait jusqu’ici », déplore Me Sanjeev Teeluckdharry.
Il renchérit : « Il y a eu un ordre du magistrat pour procéder à la fouille. Qui a demandé cet ordre ? Qui était à la tête de la brigade qui a interpellé le journaliste et saisi ses outils ? Aucune sanction n’a été prise jusqu’à présent, c’est impensable. »
La polémique s’étend également au Reward Money et à l’arrestation de l’ex-CP Dip. Pointant des pratiques financières opaques, Me Teeluckdhary rappelle avoir alerté sur ces dysfonctionnements lors de sa déposition devant la commission d’enquête sur la drogue, présidée par l’ex-juge Paul Lam Shang Leen. « J’avais signalé l’existence de cette caisse de Reward Money, souvent surévaluée par certains policiers. On ne m’a pas écouté. Le pays aurait pu éviter ce désastre financier », souligne-t-il.

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