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Au Cœur de l’Info - crise énergétique : le CEB voit rouge 

Un débat sous haute tension : ingénieurs, écologistes et responsables du CEB croisent leurs analyses sur la panne majeure du réseau.

Maurice traverse une crise énergétique : deux moteurs arrêtés provoquent un déficit de 58,7 MW, exposant les fragilités du réseau, la dépendance aux fossiles et l’urgence d’une transition durable.

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La question énergétique s’est invitée une nouvelle fois dans l’émission « Au Cœur de l’Info », le mercredi 15 octobre. Sur le plateau de Jane Lutchmaya, ingénieurs, techniciens et écologistes ont tenté de décrypter une situation devenue critique : deux moteurs à Fort George et dans le Sud sont à l’arrêt, entraînant un déficit de près de 58,7 mégawatts sur le réseau national. Une défaillance qui fragilise la production et met le Central Electricity Board (CEB) sous pression.

Damodar Doseeah, ingénieur principal au CEB, a tenu à rassurer la population : les réparations sont déjà en cours, mais la marge de manœuvre reste étroite. « Suite à la panne de ces deux moteurs, nous avons connu un déficit de 58,7 MW. La demande a augmenté au fil des années, c’est vrai, mais le délestage n’est pas vraiment la solution. C’est pourquoi nous demandons aux abonnés de réduire leur consommation et de faire preuve de collaboration », a-t-il déclaré.

Son collègue Thierry Ramasawmy, responsable de la communication du CEB, a rappelé que cette panne survient au moment où la campagne nationale pour la sobriété énergétique vient tout juste d’être lancée.

Pour lui, limiter le gaspillage est désormais un devoir citoyen : « Nous ne pouvons pas empêcher l’utilisation de l’électricité. Aujourd’hui, toutes les familles en ont besoin. Mais avec la conjoncture actuelle, il faut adopter les bons gestes et éteindre les appareils énergivores. Si la situation ne s’arrange pas, il y aura des coupures dans certaines régions, mais nous ne voulons pas aller dans cette direction. Nous comptons sur la responsabilité du public. »

Sur un ton plus analytique, le Dr Khalil Elahee, président de la Mauritius Renewable Energy Agency (MARENA), a évoqué un problème structurel : le manque de continuité dans la stratégie nationale. Selon lui, la fin du plan stratégique du CEB en 2022 a laissé un vide. « Les solutions existent, mais il faut une volonté. Le renouvelable demeure la voie la plus sûre. » Il a rappelé que la dépendance aux combustibles fossiles reste le principal frein à une transition durable.

Pour Sunil Dowarkasing, expert en écologie, la situation actuelle traduit surtout un manque de vision. Il parle d’une « prise en otage » du CEB, estimant que la crise actuelle pourrait servir certains intérêts privés. « N’est-ce pas une stratégie, alors que le contrat de certains IPPs arrive à échéance ? C’est vrai que la population doit collaborer, mais il faut redonner au CEB sa capacité à produire de l’énergie et à être indépendant. L’heure est grave et, sans solutions concrètes, nous allons directement vers des coupures drastiques », a-t-il averti.

L’écologiste s’est toutefois voulu optimiste sur l’avenir : « Nous avons plus de 260 jours de soleil par an. Le solaire, c’est une énergie gratuite. L’Inde et la Chine sont parmi les plus gros pollueurs, mais ils ont réussi leur transition. Pourquoi pas Maurice ? »

Enfin, Nita Deerpalsing, observatrice politique intervenue par téléphone, a souligné la nécessité d’un cadre de gouvernance clair : « On ne peut pas rester figés sur un plan stratégique. Il faut s’adapter à de nouvelles formules. D’autres pays ont su le faire, pourquoi pas nous ? Ce gouvernement a les moyens, mais il lui manque une vision. »

L’urgence énergétique ne se limite pas à la panne du jour. Elle révèle les fragilités d’un système à bout de souffle, qui appelle à la fois une responsabilisation citoyenne et une refonte en profondeur du modèle énergétique mauricien.

Une soirée sous tension pour le réseau électrique

La soirée du mercredi 15 octobre s’annonçait particulièrement critique pour le réseau national. Entre 18 heures et 21 heures, le CEB redoutait un déséquilibre entre la production et la demande d’électricité, au point d’envisager le déclenchement d’une alerte rouge, un dispositif exceptionnel activé lorsque le système approche de sa limite de capacité.

Sur sa page Facebook, le CEB a lancé un appel pressant à la population pour adopter des gestes simples mais essentiels afin d’éviter des délestages. Parmi les recommandations : éteindre les lumières et les appareils non utilisés, régler la climatisation à 26°C ou éviter de l’allumer, décaler l’usage des machines domestiques (lave-linge, lave-vaisselle, sèche-linge) après 21 heures ou tôt le matin, et recharger les véhicules électriques en dehors des heures de pointe.

Selon les prévisions de la compagnie, la production totale devait atteindre 466 MW, pour une demande estimée à 445 MW — une marge de sécurité de seulement 21 MW, insuffisante en cas d’incident technique ou de surconsommation. Le CEB assure néanmoins qu’il reste « à pied d’œuvre » pour maintenir la stabilité du système et prévenir toute coupure dans les régions les plus exposées. A 20 h, l’alerte est passée au vert.

 

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