
Le constat est sans appel. Trois experts réunis lundi dernier dans l’émission « Au Cœur de l’Info », animée par Murvind Beetun, arrivent tous à la même conclusion : le nouveau gouvernement n’aura d’autre choix que de présenter un Budget de rigueur. Fini les largesses, place à la réalité économique.
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Que ce soit le député Ashley Ramdass, l’économiste Vinaye Ancharaz, ou encore Abdel Ruhomutally, Managing Director de GFA Insurance, tous sont arrivés à la même conclusion : il faut s’attendre à un Budget responsable et contraint.
« Les mains du gouvernement sont liées », martèle le député Ashley Ramdass. Et pour cause : la Banque mondiale, le FMI et Standard & Poor’s tirent tous la sonnette d’alarme. Le message est clair : Maurice doit impérativement consolider ses finances publiques sous peine de déclassement.
Le problème ? Près des deux tiers du PIB sont déjà engloutis par la sécurité sociale, les compensations salariales et les intérêts de la dette. « Une seule solution s’impose : la taxe », reconnaît Ashley Ramdass. Mais augmenter la TVA dès la première année ? Politiquement impossible.
Hémorragie financière
L’économiste Vinaye Ancharaz et Abdel Ruhomutally, Managing Director de GFA Insurance, abondent dans le même sens : il faudra faire plus avec moins. « Le gouvernement doit simplement éviter le gaspillage et bien gérer nos revenus », résume Abdel Ruhomutally.
Car le gaspillage, justement, atteint des proportions alarmantes. Vinaye Ancharaz pointe du doigt les dysfonctionnements criants révélés par l’Audit : « La Sécurité sociale verse des pensions à des morts, des chauffeurs touchent des heures supplémentaires injustifiées... » Tout cela faute de digitalisation des systèmes.
Pire encore : nos ambassadeurs boudent les appartements gouvernementaux à l’étranger pour les hôtels luxueux, aux frais du contribuable.
« Cela coûte des dizaines de millions de roupies par an », s’indigne Ashley Ramdass.
Vote Bank : sujet tabou
Mais pourquoi ces abus flagrants perdurent-ils en toute impunité depuis des décennies ? La réponse est aussi simple qu’inavouable politiquement : les fonctionnaires représentent un « vote bank » bien trop précieux électoralement pour être véritablement sanctionné. « Aucun gouvernement n’ose sanctionner les manquements des fonctionnaires par pure crainte de heurter ce réservoir de voix stratégique », avoue Vinaye Ancharaz.
Le résultat ? Une culture d’impunité généralisée s’est dangereusement installée dans tous les rouages de l’administration mauricienne. « Il y a chez nous une politique de deux poids, deux mesures », dénonce Abdel Ruhomutally. En cas d’intempéries, les fonctionnaires peuvent rentrer plus tôt chez eux, contrairement aux employés du secteur privé qui, eux, doivent assumer leurs responsabilités professionnelles.
« Cette situation de privilège inacceptable ne peut perdurer », tranche Ashley Ramdass. « Zot pa kapav fer ninport kwa ek ale », tonne-t-il.
Pourquoi la Silver Bank et pas la SBM ?
Abdel Ruhomutally s’est attardé sur le scandale de la Silver Bank : « Pourquoi le gouvernement a-t-il placé autant d’argent dans cette banque, alors que la SBM et la MauBank existent ? Pourquoi soutenir le capital de la Silver Bank alors que ce n’est pas son rôle ? Il y a eu de nombreux scandales financiers. Et la Banque de Maurice (BoM) ? Elle aurait dû intervenir, d’autant que des officiers de la BoM étaient en poste dans cette banque. »
Une réforme fiscale attendue
Tous les intervenants s’accordent sur un point : la fiscalité doit évoluer.
L’économie informelle doit être formalisée et les plus riches devraient être imposés davantage, avec un barème progressif allant de 20 à 30 %, contre 20 % actuellement.
Un Procurement Office sans pouvoir réel
Le terme « opacité » est revenu à plusieurs reprises dans les débats sur les contrats publics.
Ashley Ramdass insiste : « Il faut inculquer une culture de responsabilité aux fonctionnaires. Quand ils commettent des fautes graves, il faut des arrestations. Ces fautes coûtent de l’argent à l’État. »
Vinaye Ancharaz ajoute : « Il serait souhaitable que les ministères et les corps parapublics rendent publiques leurs dépenses dans un délai donné. Il faut aussi mettre fin à la délégation excessive de pouvoirs, source de corruption. »
Des référendums pour des projets budgétivores
Vinaye Ancharaz s’est inspiré de son expérience en Suisse : « Là-bas, les projets coûteux sont soumis à un référendum. Pourquoi ne pas en faire autant ici ? Construire un stade à Côte-d’Or était-il plus prioritaire que construire un réservoir qui bénéficierait à toute la population ? Pour quelques centimes de plus sur le pain, on fait un référendum en Suisse. Pourquoi pas chez nous ? »
Il propose aussi un référendum pour l’extension du métro.
Abdel Ruhomutally, lui, met en garde contre la lourdeur administrative : « C’est au chef du gouvernement d’établir les priorités du pays. »

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