Bien que le cimetière de l’Ouest abrite, à lui seul, trente monuments historiques, les violeurs de sépultures ne cessent de sévir. Un dernier suspect a été arrêté jeudi.
Les années se suivent et se ressemblent. Les pilleurs de tombes, opérant au cimetière de l’Ouest et au cimetière de Bois-Marchand, continuent à violer des sépultures dans une totale impunité. Des caveaux, dont certains dans le premier cas datent aussi loin que la période française, sont systématiquement éventrés par les voleurs en quête de plomb, de râteliers en or ou de bijoux.
Durant la période française, le plomb ceinturait les cercueils, car des maladies telles que le choléra et la fièvre jaune, entre autres, sévissaient. Ces notables pour lesquels une place était réservée au cimetière de l’Ouest, connu comme le cimetière du Fort-Blanc lors de sa mise en service par le gouverneur Desroches en 1771, étaient mis en terre avec leurs bijoux. Ce qui a attiré nombre de malfaiteurs avec le trafic de vieille ferraille, qui a démarré il y a dix ans.
Ces vols montrent aussi à quel point ces cimetières souffrent d’un manque d’entretien et de surveillance de la part des autorités compétentes. Déjà, pour qu’une enquête soit ouverte par la mairie de Port-Louis, qui gère ces lieux, il faut une plainte en bonne et due forme des proches des morts. Or, nombre des descendants de ces morts n’existent pas ou se sont installés à l’étranger depuis plusieurs générations.
Pourtant, le cimetière de l’Ouest est censé être mieux protégé, car il compte dans ses allées le plus grand nombre de monuments historiques du pays. Trente tombes des tribuns y sont recensés, tels que le premier maire de Port-Louis, Louis Léchelle, en passant par le premier notable qui y a été enterré, Jean Pascal du Jonc, capitaine de Port-Louis et premier cartographe du port, y repose depuis 1774. Sans compter Lislet Geoffroy et Rémy Ollier, pour ne citer que ceux-là.
Les voleurs se préparent bien à l’avance et font le repérage d’une allée dans la journée.
La Police
C’est donc dans la totale indifférence que le pillage se multiplie. Certains caveaux rebouchés par la mairie sont de nouveaux détruits et restent à l’air libre. Il n’est guère étonnant que des familles allant se recueillir sur la tombe de leurs disparus tombent sur des squelettes déchiquetés entre les herbes folles, les voleurs leur ayant arraché bijoux ou dents en or. Les crânes et les os jonchent le sol, ayant été emportés par les chiens errants, au grand dam du public.
Le poste de police de Bain-des-Dames croule sporadiquement sous les plaintes. Les enquêteurs n’ouvrent une enquête que lorsqu’un total de 20 caveaux est visité. Aux dires des habitués du cimetière de l'Ouest, les pilleurs opèrent en fin d’après-midi, lorsque les lieux sont fermés au public. Quand la police rapplique avec un véhicule toute sirène hurlante, ils décampent, laissant les agents sur leur faim.
Le premier cas rapporté au poste de Bain-des-Dames remonte à 2006. Il aura fallu un an pour que douze accusés soient arrêtés. Six ont passé l’arme à gauche en attendant que le procès qui leur a été intenté se termine. Depuis, les vols se succèdent et les derniers cas rapportés à la police remontent à mars dernier. Jeudi, Ravi Moheswar, 37 ans, a été arrêté. Ce sans domicile fixe a été pris en flagrant délit de vol.
Comme les autres pilleurs de tombes avant lui, Ravi Moheswar a été inculpé de violation de sépulture en infraction de l’article 275 du Code pénal. S’ils sont jugés coupables, ils risquent un an de prison, assorti d’une amende n’excédant pas Rs 5 000. Au vu des dispositions de la loi, le pillage des caveaux n’est pas prêt de s’arrêter, d’autant que seuls deux gardiens sont responsables de la sécurité du cimetière de l’Ouest. Tout comme à Bois-Marchand.
« La police ne peut placer le cimetière sous surveillance constante. C’est à la mairie de Port-Louis de prendre ses responsabilités. Les voleurs se préparent bien à l’avance et font le repérage d’une allée dans la journée. Munis de lampes torches, de marteaux et de ciseaux, ils s’activent à la nuit tombée. Un gardien ne peut ne pas entendre le boucan qu’ils font », explique un enquêteur.
« Veuillez au nom de Dieu ne pas violer leurs cendres », fait valoir pourtant la fin de l’épitaphe sur le monument érigé en mémoire de l’ancien gouverneur français David Charpentier de Cossigny et de sa belle-sœur, il y a deux siècles. L’auteur ne savait pas si bien dire…
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