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Attentes et projets : les personnes au bas de l’échelle appréhendent 2022

En ce début d’année, l’heure est aux résolutions, aux projets et aux attentes. Mais comment fait-on quand on se trouve au bas de l’échelle ? C’est la situation dans laquelle se trouvent de nombreuses personnes. Tour d’horizon. 

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« Je souhaite avoir un emploi stable pour subvenir aux besoins de mes enfants. » C’est ce qu’avance Kevina, une mère de famille de 32 ans. Elle élève seule ses deux enfants et relate que 2021 a été une année difficile. Cependant, elle reste positive. 

« Je suis en vie et c’est avant tout ce que je retiens de cette année. Quand on voit toutes ces personnes qui ont perdu un proche ou qui ont été affligées par la Covid-19, je me dis que la vie m’a épargnée. » Elle a été licenciée après le premier confinement. Et elle a eu bien de mal à se remettre debout. 

« Pendant dix ans, j’ai travaillé et perdre mon emploi a été un coup dur. Je me suis sentie encore plus seule, mais surtout démunie. Pendant plusieurs mois, je n’ai pas travaillé. C’est facile pour ceux qui portent un regard extérieur de dire que je suis paresseuse ou que je ne fais pas d’effort. Mais vous ne pouvez pas connaitre mes appréhensions. » 

Un jour meilleur

Elle avance qu’elle ne se fixe pas de grands objectifs pour 2022. « Rien n’est certain en ce moment. On peut bien faire de grands projets. Cependant même si on a les moyens financiers de les réaliser, on n’est pas sûr de pouvoir les concrétiser. Maintenant que dire de ceux qui n’ont même pas les moyens ? Pensez-vous qu’ils puissent faire des projets ? Non ! Nous espérons juste que demain soit un meilleur jour. » 

Nous espérons juste que demain soit un meilleur jour.

Elle dit aussi se faire beaucoup de soucis pour les enfants. « Nous sommes de nombreux parents à ne pas pouvoir suivre les devoirs de nos enfants à la télé ou en ligne. C’est un très gros problème. Je ne sais si des classes de mise à niveau sont prévues. Mais ce serait très injuste de continuer le programme scolaire en pensant que tous les enfants sont au même niveau. »

Même inquiétude du côté d’Ahmid M., père de trois enfants. « Ni ma femme ni moi n’avons été à la maison. Nous avons travaillé très dur, car nous sommes des marchands ambulants et pendant le confinement nous ne pouvions pas exercer. Nos filles étaient livrées à elles-mêmes à la maison. La plus grande surveillait les plus petites, alors qu’elle devait elle-même se connecter pour ses classes en ligne. » 

Son inquiétude, c’est l’éducation de ses enfants. « Qu’arrivera-t-il de nos enfants et des étudiants en général en 2022 ? Je me fais beaucoup de soucis, car c’est très compliqué d’étudier de cette manière. Je comprends aussi les autorités, car moi non plus, je ne sais pas si ce serait une bonne chose d’ouvrir les écoles. »

Magali Deliot, travailleuse sociale : «L’augmentation des prix au centre des inquiétudes» 

magaliPour la responsable de l’association Planète enfants, qui opère dans plusieurs régions de l’île, les familles qu’elle encadre sont en ce moment préoccupées par l’augmentation des prix des produits de consommation. 

« Ces familles font face à d’énormes difficultés financières. Elles savent que 2022 sera une année encore plus difficile surtout avec une éventuelle augmentation des prix des aliments. » 

Selon elle, même pour les familles qui travaillent ce n’est pas évident de faire les courses, de s’approvisionner en nourriture et de manger à leur faim. Plusieurs d’entre elles doivent faire des choix qui ne sont pas toujours faciles. 

« Beaucoup d’entre elles ne peuvent pas s’approvisionner pour un mois au complet, car il leur manque de l’argent pour les autres dépenses. Les gens sont très sceptiques. Ils ont peur pour l’avenir. Ils craignent que ces augmentations empirent leur situation. » 

Elle explique que certaines familles de la classe moyenne sont aussi en difficulté. « Nous avons commencé à avoir des requêtes, des appels à l’aide de ces familles. Surtout depuis que certaines ont perdu leur emploi. D’autres font des efforts, mais n’arrivent pas à trouver du travail. Le chômage est donc une autre grosse préoccupation de ces personnes pour l’année 2022 ». Pour conclure, elle estime que le fossé se creuse entre les riches et les pauvres.


Témoignage

Marie, 36 ans : «À quoi bon faire des plans pour 2022 ?» 

marieMarie, une mère de famille qui a perdu sa maison dans un incendie, explique qu’elle est obligée de chercher un abri de fortune et d’habiter chez des amis de temps à autre. Elle a vainement essayé de trouver une maison à louer depuis qu’elle a perdu la sienne. Elle a du mal à faire des projets pour l’année 2022. Et même si elle fait des efforts le pessimisme l’emporte. 

« Chaque année, je rencontre des travailleurs sociaux qui me demandent de réfléchir sur le sens de la vie. Ils m’invitent à travailler sur moi-même, à faire un plan de vie et à prendre des résolutions pour la nouvelle année. Et la plupart du temps, je veux bien participer à ce genre d’exercices, mais à force de le faire pour rien, j’en peux plus. » 

Elle estime qu’elle ne peut pas continuer à rêver de belles choses et de nouveaux projets si elle n’a pas un toit décent. « Vivre ce n’est pas être en vie. Une personne qui n’a pas de maison ne peut pas vivre. Non nou pa pe viv nou pe esay debat. Nou esay res vivan, nou esay sov nou lavi me nou pa pe viv. » 

L’année 2022 pourrait être meilleure si elle trouve une solution pour son problème de logement. « Quand vous êtes dans une maison, déjà vous pouvez bien dormir et le lendemain matin vous dire que c’est beau de démarrer une nouvelle journée. Me kan ou pa mem kapav ferm ou lizie, ki ou dormi kan somey finn ratrap ou, li normal ki ou pa pou mem kapav reflesi lor ki pou arive dime. »

Ainsi, elle avance qu’il est grand temps que des solutions pour les personnes sans logement soient trouvées. « Pourquoi nous proposer une aide sociale qui ne correspond pas du tout aux dépenses minimales qu’une personne doit faire pour rester en vie ? Pourquoi nous donner Rs 3 000 par mois par exemple, s’il est aujourd’hui impossible ne serait-ce que de trouver une maison à louer à ce prix-là ? Comment allons-nous manger si les maisons coûtent des fortunes ? Comment irons-nous travailler si nous ne pouvons pas dormir, prendre un bain, manger à notre faim ? Il est facile de seulement pointer du doigt les personnes comme moi. Mais beaucoup d’entre vous ne tiendront pas avec mes ressources. »


Doris Félicité : «Que nos jeunes soient protégés des fléaux» 

dorisDoris Félicité, une travailleuse sociale d’un faubourg de la capitale, avance qu’elle prie pour que les jeunes ne soient pas frappés par d’autres fléaux. « La drogue, la grossesse précoce et la violence sont des fléaux qui font de plus en plus de victimes parmi les jeunes. Lorsque nous leur parlons, beaucoup semblent ne pas avoir de buts. Quand vous leur questionnez au sujet de leur avenir, ils sont incapables de réfléchir plus loin que demain. Ils veulent avant tout démarrer 2022 en faisant la fête, en étant bien habillés et bien entourés. Cependant il n’y a pas de regard porté sur l’avenir. »

Elle est d’avis que le manque d’encadrement, d’infrastructure et de loisirs explique ce comportement. « Avec l’obligation des deux parents de travailler, ils grandissent seuls. Souvent leur apprentissage, ce sont leurs amis et leur nouveau meilleur ami : le téléphone portable. C’est ainsi que ces enfants se perdent et lorsque nous le remarquons, il est souvent trop tard. » Elle estime que 2022 sera une année encore plus dure pour ces jeunes qui sont aussi très touchés par la Covid-19. « Il faut miser beaucoup sur l’éducation informelle, afin de ne pas les perdre à jamais », conclut-elle.


La plateforme Ti Travayer : «Personne n’est à l’abri» 

stephanIl est difficile selon Stephane Maurymoothoo d’évaluer, après ces deux années de Covid-19, le nombre de personnes qui se trouve au bas de l’échelle. « Beaucoup de personnes souffrent aujourd’hui. Le chômage sera un gros challenge à contrer en 2022. En cette période de fin d’année, les gens essaient de travailler plus dur, pour avoir de l’argent. Ils veulent acheter de nouvelles choses pour eux et pour leur maison. Mais ce n’est plus possible. » Selon lui, le bonus ne sert plus à faire des économies. 

Il avance que les employeurs font tout pour contourner les lois du travail. « Il n’y a pas de sécurité d’emploi et la Covid-19 est devenue un prétexte populaire pour licencier. Les gens ont donc peur de perdre leur emploi. »

 

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