Atteinte de rétinite pigmentaire - Sylviane L : «Le cannabis médical peut sauver mes yeux»

Sylviane L. n’a que 32 ans et peut à tout moment perdre la vue, car elle souffre d’une maladie rare dont aucun traitement n’est disponible à Maurice. À ce jour, seul le cannabidiol peut l’aider à combattre cette maladie. Témoignage.

«C’était le black-out total pendant environ 45 minutes », raconte Sylviane L. Nous sommes en 2014, soit presque deux semaines après son deuxième accouchement. Sans le savoir, Sylviane L, 32 ans, présentait les premiers symptômes de la rétinite pigmentaire, une maladie jusqu’à présent encore considérée comme étant incurable et qui touche une personne sur 4 000 et qui peut mener à la cécité. Ce ‘black-out’ allait à jamais changer sa vie. Cette mère de deux enfants, le premier est âgé de 5 ans et le deuxième de 9 ans, se confie pour la toute première fois à la presse. Elle a toutefois préféré ne pas parler à visage découvert, car elle a décidé d’évoquer un sujet contre lequel le gouvernement en poste a déclaré la guerre : le cannabis. 

Un de ses composants, le cannabidiol, est un traitement auquel elle a dû avoir recours pour se soigner. « Comme il s’agit d’un traitement illégal à Maurice, il a fallu que je me rende à l’étranger pour pouvoir en avoir librement », indique-t-elle. 

Lorsqu’elle avait consulté un ophtalmologue pour la première fois, sa vision pour l’œil gauche était de  30 % et pour l’œil droit de 33 %. Cinq ans plus tard, le dernier rapport que vient de lui remettre son ophtalmologue indique sa vision pour l’œil droit est de 18 % et pour l’œil gauche de 19 %. « Je ne sais pas combien de temps il me reste avant que je ne perde définitivement la vue, mais j’ai déjà été condamnée par les docteurs à devenir aveugle. » 

Lors de sa première consultation, elle se souvient ne pas avoir pris au sérieux ce que lui disait l’ophtalmologue. « Il était fou de rage en voyant ma réaction. Il m’avait alors demandé d’aller me documenter. Et c’est à la suite de cela que j’ai réalisé la gravité de cette maladie », explique-t-elle. Une autre consultation à l’hôpital de Moka a confirmé les observations de son premier ophtalmologue. « On m’a fait comprendre qu’il n’y avait aucun traitement disponible pour cette maladie. » 

Recherches

C’est après les recherches effectuées par son époux qu’ils réalisent tous les deux que le cannabidiol, que l’on trouve dans le cannabis et utilisé à usage thérapeutique, peut être la solution. « Lorsque j’en avais pris à l’étranger, ma vue s’était améliorée et mes maux de tête avaient cessé. »

Aujourd’hui, vu la prise de position du Premier ministre et du gouvernement, elle envisage avec sa famille d’aller s’établir en Afrique du Sud qui, l’année dernière, a légalisé la consommation du cannabis. Elle soutient que, comme toute mère, elle veut voir ses fils grandir.

« Mais en perdant complètement la vue, je ne pourrai pas être présente comme je l’aurais souhaité pour mes enfants qui ont besoin de moi », fait-elle observer. 

« Je viens d’apprendre que ce n’est qu’en mars 2020 que les autorités vont considérer d’éventuellement légaliser le cannabis médical. On tarde trop. Le cannabis médical pourrait aider bien de gens à Maurice. Ces derniers préfèrent ne pas se manifester, car ils connaissent la position de ce gouvernement sur la question. Et, entre-temps, ils préfèrent souffrir en silence. » 

Le quotidien de Sylviane L. est un véritable parcours du combattant. Elle raconte qu’elle ne peut aujourd’hui voir que de face. « Je ne peux absolument rien voir sur le côté. » Du coup, marcher en pleine rue est devenu une épreuve pour elle. 

« Il m’arrive de prendre 10 minutes pour traverser la route, sans compter que je peux facilement renverser des objets ou heurter des personnes, ce qui peut mener à des prises de bec. Lorsque les gens me regardent, ils pensent avoir en face d’eux une personne en bonne santé, sans savoir que j’ai de gros problèmes de vue », témoigne-t-elle. 

À propos de la position du gouvernement sur la question, Sylviane L. lance : « Qu’auriez-vous fait si votre femme ou votre enfant souffrait d’une maladie qui aurait pu être soignée à l’aide du cannabis ? Seriez-vous tout autant sévère ? ».