Interview

Atma Bumma: «Le gouvernement n’était pas préparé à prendre le pouvoir»

Atma Bumma, membre du Mouvement Patriotique
Atma Bumma, du Mouvement Patriotique (MP), estime que le gouvernement est en difficulté et qu’il a dilapidé son capital de soutien populaire qui l’a amené au pouvoir. Pour sa première année d’existence, le MP rendra bientôt public un programme détaillant sa vision de l’île Maurice de demain. Le 17 mai, le Mouvement Patriotique (MP) a fêté sa première année d’existence. êtes-vous satisfait du bilan de ces 12 derniers mois ? Je suis content et fier de cette première année. Satisfait ? Non. Pourquoi ? Nous ne devons jamais être satisfaits, sinon nous risquons de nous endormir sur nos lauriers. Le chantier politique devant nous est immense. En un an, nous avons tenu pas mal de rassemblements nationaux regroupant les différents segments – les jeunes, les moins jeunes, les aînés, les femmes, le monde syndical. Le nombre d’activités organisées en une année est extraordinaire. Mais il y a quand même un manque de visibilité politique.
Pour qui ? Le MP ? Pas uniquement pour le MP. C’est une situation qui affecte tous les partis politiques. C’est un fait que nous sommes loin d’une échéance électorale. L’impression est que la classe politique navigue au gré des événements. Malgré tout ce qui se dit, le gouvernement en place est bien ancré. Pena eleksion deryer laport. Il n’y a pas, pour le moment, un grand intérêt pour la politique partisane. Dans cette conjoncture, il n’est certainement pas facile pour un nouveau parti politique de s’aventurer sur un terrain miné. Je considère que nous sommes dans une situation politique inédite depuis l’indépendance du pays.
[blockquote]« En finir avec le bihari syndrome enraciné dans notre culture politique. »[/blockquote]
Comment cela ? Aujourd’hui, il y a deux grands partis dans l’opposition en butte à un grave problème de crédibilité. De l’autre côté, il y a un gouvernement qui, il ne faut pas l’oublier, n’a été plébiscité que par 50 % de l’électorat. Dans la rue, les gens parlent. Que disent-ils ? Que le gouvernement Lepep est en difficulté. Ce ne serait pas plutôt votre avis ? Non. Il n’y a qu’à tendre l’oreille. Partout où l’on va, on voit bien que dimounn inn plin. On ne peut pas prédire la manière dont se transformera ce sentiment, d’autant que les échéances sont loin. Pour le MP, c’est un immense terrain fertile à labourer. C’est ce que vous prévoyez ? Je n’ai certes pas une boule de cristal, mais il n’y a qu’à voir le comportement du MMM et du PTr au dernier 1er-Mai. Les deux partis savaient pertinemment les difficultés qu’ils rencontreraient à rassembler les gens. La perte de crédibilité et l’absence d’échéance sont des facteurs avec lesquels il faut composer. Et le MP sait le faire ? Nous sommes lucides. Nous avons ressenti ce besoin de renouveau, car nous sommes sur le terrain. Quid des ressources dont vous disposez ? Le MP est un jeune parti en phase de construction. Nous travaillons sur notre constitution et sur le recrutement. Notre porte est ouverte à tous les Mauriciens patriotes qui, comme nous, ressentent ce besoin d’en finir avec le bihari syndrome enraciné dans notre culture politique. C’est quoi le ‘bihari syndrome’ ? Il y a trois éléments fondamentaux qui symbolisent ce syndrome : le réflexe communaliste, le réflexe castéiste et celui de perpétuer un système de dynastie dans les partis politiques. Ce syndrome bloque l’espace aux nouveaux qui veulent émerger. Je trouve aberrant que dans un pays comme Maurice, qui a des aspirations économiques, les réflexes castéistes et communalistes prennent le pas sur la méritocratie. Et on a le culot de dire que le pays est en perte de valeurs ! Ce n’est même pas vrai. On vit certes dans un pays où les carêmes et les fêtes religieuses se chevauchent. Mais il y a une défaillance quelque part. Justement, d’où vient-elle ? Dans son quotidien, le Mauricien n’est pas communaliste ; il n’est pas castéiste. Que ce soit quand il va acheter son pain, sur son lieu de travail ou dans son cercle d’amis. Mais quand son intérêt politique est en jeu, là le communaliste se réveille. L’establishment politique engendre d’une manière dynastique ces réflexes. Et le MP n’a-t-il pas ces réflexes ? évidemment. Nous ne perpétuons aucune dynastie. En revanche, je ne veux nullement dire qu’une personne qui a un patronyme à consonance « dynastique » n’est pas la bienvenue chez nous. Si demain le MP devait s’allier à un parti qui croit et perpétue cette forme de politique ‘dynastique’… Le MP ne se situe pas dans ce schéma de dynastie. Le MP sera-t-il prêt à faire des concessions pour être dans l’antre du pouvoir ? Je ne sais pas où on sera dans trois ans. Si le besoin d’une alliance se fait sentir, on le fera sans doute. Mais je ne peux pas me prononcer aujourd’hui. à ce jour, on se retrouve en dehors du système et on veut le réformer en amenant un changement de mentalité des pouvoiristes. Le MP, opposition ‘loyale’ au Parlement ? Que signifie être une opposition loyale ? En tout cas, que ce soit au Parlement ou ailleurs, le MP dit ce qu’il y a à dire. S’il faut s’allier au gouvernement sur des projets de loi pour le bien du pays et de la population, nous le ferons. S’il faut soutenir l’opposition pour les mêmes raisons, nous le ferons. D’ailleurs, c’est ce qui se passe actuellement. En l’absence d’une échéance, sur quoi travaille le MP actuellement ? Un ambitieux programme qui détaillera la vision que nous avons de l’île Maurice de demain, entre autres projets que nous envisageons. Un bilan du gouvernement après 16 mois au pouvoir ? Il est trop tôt pour parler de bilan. Toutefois, c’est un fait : la population a l’impression que le gouvernement n’a pas respecté ses engagements électoraux et qu’il a dilapidé son capital de soutien populaire qu’il avait, en sus de faire preuve d’un manque de cohérence. Le gouvernement est en perte de popularité. La faute à qui ? Il ne faut pas personnaliser le débat ni prendre des cas isolés. Il y a un ensemble de facteurs. Lesquels ? Je me pose des questions. Est-ce que ce manque de cohérence est dû à la situation floue dans laquelle se trouve Pravind Jugnauth ? Est-ce à cause des aspirations de Xavier-Luc Duval ? Ou encore est-ce dû à la multitude de partenaires ? Vous avez les réponses ? Une seule : ce gouvernement n’était pas préparé pour prendre le pouvoir. Et ils sont nombreux à s’être retrouvés propulsés au-devant de la scène politique sans avoir été préparés. Les jeunes sont-ils insensibles à la politique ? Pas insensibles. Ils recherchent la facilité. Ils s’intéressent à la politique uniquement s’ils y voient un intérêt personnel. C’est une génération easy life, easy money. Aujourd’hui, nous avons un souci d’intégrité et d’honnêteté. Regrettez-vous d’avoir quitté le MMM ? Je n’éprouve pas d’amertume. Je suis un homme qui regarde l’avenir.  
   

Militante depuis l’adolescence

Âgé d’une cinquantaine d’années, Atma Bumma a été sympathisant du Mouvement militant mauricien (MMM) et ce, depuis son adolescence. Il a intégré officiellement le parti après son retour au pays, diplôme en poche. Ancien journaliste et actuellement homme d’affaires, il a été candidat battu du MMM dans la circonscription no 16, (Vacoas-Floréal), lors des élections générales de mai 2010, et dans la circonscription no 5, (Pamplemousses-Triolet), en décembre 2014. L’année dernière, il a décidé de suivre Alan Ganoo, qui a lancé le MP, pour des raisons de principe, dit-il.
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