
Avec des réservoirs même pas à la moitié de leur capacité et une sécheresse qui s’aggrave, Maurice fait face à une crise hydrique majeure. Entre mesures d’urgence et passes d’armes politiques, le gouvernement tente d’éviter le pire, mais le spectre d’une pénurie généralisée continue de planer sur le pays.
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Maurice est à la merci d’une sécheresse prolongée et l’eau potable se fait de plus en plus rare. Si les réservoirs venaient à tomber en dessous de la barre des 15 % de leur capacité, « il faudra arrêter le pompage ».
En d’autres mots, à moins de 15 %, l’eau des réservoirs sera inutilisable. C’est l’avertissement lancé par le ministre de l’Énergie et des Services publics, Patrick Assirvaden, en réponse à la Private Notice Question (PNQ) du leader de l’opposition, Joe Lesjongard, le mardi 4 mars 2025 à l’Assemblée nationale. En substance, ce dernier voulait savoir ce que fait le gouvernement pour éviter que la population ne se retrouve sans eau.
Les chiffres communiqués par la Central Water Authority (CWA), puis relayés par Patrick Assirvaden à l’Assemblée nationale, indiquent que le volume d’eau stocké dans les sept principaux réservoirs du pays s’élevait, au 4 mars, à 37,81 millions de mètres cubes, soit seulement 41 % de leur capacité totale. De plus, selon le ministre, la production d’eau de surface a chuté de 17,34 %, tandis que celle d’eau souterraine a enregistré une baisse de 20,85 %, aggravant la crise d’approvisionnement.
Cette situation a ainsi entraîné une réduction globale de la production d’eau potable, passant de 1 068 267 mètres cubes par jour à 865 061 mètres cubes par jour. Patrick Assirvaden a rappelé que Maurice a connu trois épisodes de sécheresse prolongée en cinq ans : 2020-21, 2022-23 et 2024-25. « Juillet 2024 a été le mois le plus sec des 120 dernières années », a-t-il souligné.
La situation reste donc préoccupante. Si les mesures mises en place permettent de pallier partiellement la crise, elles ne résolvent toutefois pas le problème structurel de l’accès à l’eau à Maurice. « S’il n’y a pas de grosses pluies d’été pour remplir nos réservoirs, à fin avril on sera dans une situation encore plus catastrophique », craint le ministre. « Nous forons des puits pour limiter la casse », a-t-il ajouté.
Des mesures d’urgence déployées
Le gouvernement a ainsi intensifié les forages de nouveaux puits pour pallier la situation. « Depuis janvier 2024, cinq nouveaux forages ont été réalisés à Beard, Camp Levieux, Goodlands, Rampe Le Moirt et Côte d’Or. Deux autres ont été achevés à Constance La Gaité et Fond-du-Sac depuis décembre 2024 », a indiqué le ministre. Ces nouveaux points d’extraction ont permis d’ajouter 7 500 mètres cubes d’eau par jour au réseau de distribution. Actuellement, un forage est en cours à Mapou et cinq autres sont prévus dans les mois à venir.
Afin d’atténuer les difficultés rencontrées par les familles les plus vulnérables, le gouvernement a renforcé ses dispositifs d’aide à l’accès à l’eau. « Depuis décembre 2024, 310 familles vulnérables ont bénéficié du programme de subvention pour l’achat de citernes d’eau », a précisé Patrick Assirvaden. Ce programme, géré par la Development Bank of Mauritius, permet aux foyers percevant moins de Rs 60 000 par mois d’obtenir une aide de Rs 15 000 pour l’achat d’une citerne de 1 000 litres et d’une pompe.
De plus, un programme de collecte des eaux de pluie, avec une subvention de Rs 10 000 par foyer éligible, a été mis en place. « Depuis le 10 décembre 2024, 6 400 demandes ont été enregistrées et 609 coupons ont déjà été distribués aux bénéficiaires », a ajouté le ministre.
Interpellé par Joe Lesjongard sur l’existence d’un Contigency Plan, Patrick Assirvaden a affirmé présider des réunions de crise quotidiennes et maximiser l’exploitation des ressources disponibles, notamment les barrages du Central Electricity Board (CEB), ainsi que les puits et les barrages appartenant au secteur privé. « Nous avons hérité d’une situation catastrophique qui met la population en difficulté », a-t-il ajouté.
Le ministre n’a pas manqué de critiquer Joe Lesjongard, qui est en l’occurrence l’ancien ministre de l’Énergie et des Services publics. Il l’accuse d’être le responsable de la situation actuelle. Référence est faite notamment au Rivière-des-Anguilles Dam, annoncé en vain depuis 2015, qui devait apporter un soulagement pour la région sud du pays.
Patrick Assirvaden a précisé qu’une série de mesures a aussi été prise. Parmi : la suspension temporaire de l’irrigation des champs de canne, une accélération dans la réparation des tuyaux poreux pour diminuer la perte en eau, l’installation de 16 réservoirs d’eau un peu partout dans le pays, la mobilisation des ressources en eau des grands propriétaires terriens, un renforcement des mesures anti-gaspillage ou encore une vaste campagne de sensibilisation du public. Le ministre a énuméré 13 mesures au total.
Toutefois, pour Joe Lesjongard, ces mesures auraient dû être prises l’année dernière déjà. « Est-ce normal que le ministre a pris deux semaines de vacances ? » a demandé le leader de l’opposition. La Speaker, Shirin Aumeeruddy-Cziffra, a jugé cette remarque « most unfair », rappelant que « les ministres voyagent et continuent leur travail ».
Le réservoir de Cluny, un « fiasco monumental »
Le ministre Patrick Assirvaden a qualifié le projet de construction de réservoir de Cluny de « fiasco monumental ». Cette structure, construite pour Rs 74 millions afin de fournir des régions du Sud, est inutilisable 16 mois après son inauguration. Vingt-cinq fissures y ont été détectées et celles-ci ne peuvent pas être réparées, a fait ressortir le ministre.
« Un rapport préliminaire de mon ministère indique qu’il faut tout détruire », a-t-il affirmé. Dans la foulée, il a annoncé avoir demandé une enquête complète sur ce dossier pour situer les responsabilités.
Eau 24/7 : « l’escroquerie du siècle », selon le ministre
La promesse de fourniture d’eau 24 heures sur 24 et sept jours sur sept pour l’ensemble de la population, faite par le Mouvement socialiste militant durant la campagne électorale de 2014, est qualifiée par le ministre d’« escroquerie du siècle vendue par l’ancien gouvernement à la population ». Il a ajouté que « la population souffre aujourd’hui de 10 ans de mauvaise planification, de scandales et de fiasco ».

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