Faits Divers

Assassinat de Stacey Henrisson: autopsie d’une enquête rondement menée

Le corps de la jeune fille se trouvait dans de sacs-poubelle.
Un dossier bien ficelé a convaincu le jury de la culpabilité de Jayraz Sookur. Survol d’une affaire qui a passionné l’opinion publique, jusqu’à la sentence de 60 ans de prison prononcée le jeudi 11 février. Le crime parfait n’existe pas. Surtout quand une enquête est menée de manière scientifique. Jayraz Sookur, 53 ans, est bien placé pour le savoir. Ce masseur, habitant Bonne-Mère, Flacq, a été condamné, jeudi, à 60 ans de prison, le jury l’ayant reconnu coupable à sept contre deux de l’assassinat de Stacey Henrisson, sa belle-fille de 17 ans. Il a eu tort de se débarrasser du corps dans un ravin à Plaine-Champagne. Cette région est sous la juridiction du surintendant Daniel Monvoisin. Le chef de la police criminelle de la Western Division est connu pour avoir élucidé nombre d’assassinats des plus compliqués et de n’avoir jamais laissé de porte de sortie dans ses dossiers à charge. Quand son équipe est alertée,  un groupe de touristes français ayant signalé la présence d’un corps empaqueté sur un arbre, elle n’a le moindre indice quant à l’identité de la victime. Nous sommes alors en début de soirée du dimanche 12 mai 2012. L’autopsie, pratiquée le lendemain matin par le Dr Maxwell Monvoisin, n° 2 du service médico-légal, révèle aux enquêteurs qu’ils sont en présence d’une mineure. Elle a été étouffée avec un sac en plastique transparent attaché au niveau du cou, a eu les mains et les pieds ligotés avec une corde à linge et a sans doute été victime d’agression sexuelle. La fille ne porte qu’un top rouge et un t-shirt noir comme seuls vêtements. Le corps se trouve dans deux sacs-poubelle, après avoir été enroulé dans un molleton et enveloppé dans du plastique utilisé dans la construction.

Par étapes

En l’absence d’une plainte relative à la disparition d’une mineure, et la mort remontant à plus d’une semaine, la Criminal Investigation Division (CID) de l’Ouest doit procéder par étapes. La victime portant un appareil dentaire, le surintendant Monvoisin ordonne à ses hommes de consulter l’annuaire afin de dresser une liste d’orthodontistes. Ces chirurgiens-dentistes ne courant pas les rues à Maurice, ils parviennent à remonter jusqu’à celui de Stacey Henrisson, à Forest Side, dans la journée du mardi 14 mai. Il est le seul à commercialiser ce type d’appareil  que la lycéenne porte et révèle qu’elle habite Pointe-aux-Canonniers. Sur place, les voisins expliquent que Stacey est la fille unique de Wills Henrisson, un artisan réputé originaire de Rodrigues et qui a hérité de la fortune d’une tante vivant en Suisse. Après son décès, survenu sept mois plus tôt, Stacey est allée vivre à Flacq, chez sa mère, Béatrice Rouillon. Celle-ci a épousé son masseur, prénommé Sookur, en décembre 2011. Les policiers ne parviendront à le localiser à Bonne-Mère que très tard dans la nuit, les habitants  de Flacq le connaissant plutôt sous le nom de Jay. Munis d’un mandat de perquisition, les enquêteurs débarquent chez l’accusé peu après 23 heures. Il ne montre pas le moindre signe de surprise quand ils disent être en quête des affaires de Stacey. Il ne réagit pas non plus lorsqu’on l’informe que le corps de la jeune fille a été retrouvé à l’autre bout de l’île. Il leur fait plutôt croire que lycéenne a quitté la maison après avoir donné une fête arrosée en son absence le samedi 4 mai. Il leur montre même des taches jaunâtres au plafond qu’il prétend être de la bière et une chopine en partie aentamée qu’il compte présenter à son épouse, restée en Inde pour des traitements médicaux, lorsqu’elle rentrera au pays. Le puzzle commence à se mettre en place lorsque les enquêteurs se rendent compte qu’il n’y a aucun objet ou vêtement de Stacey dans la chambre qu’elle est censée occupée. Par contre, la découverte d’une facture détaillée sur une centaine de pages d’un téléphone portable dans la chambre du masseur leur met la puce à l’oreille. Jayraz Sookur explique que ce numéro est à son nom, que c’est Stacey qui l’utilise et qu’il surveille ses fréquentations. Des extraits de naissance et de décès des membres de la famille Henrisson et une somme d’argent sont retrouvés dans un sac pour ordinateur portable dans son 4x4 de la marque Mitsubishi dans le garage. Emmené  le même soir pour un interrogatoire dans les locaux de la police criminelle de la Western Division, à Rose-Hill, Jayraz Sookur dit qu’il n’a pas tué Stacey. Il est placé en détention. Le lendemain, un avocat se présente en compagnie de Ramdassen Thany. Le surintendant Monvoisin demande à avoir des précisions sur le chauffeur, car son passeport a été retrouvé à Bonne-Mère. Dans l’intervalle, Jayraz Sookur donne des pistes aux enquêteurs en révélant avoir acheté au magasin Espace Maison des feuilles de plastique et des cordes pour protéger des tables de massage le jour où Stacey est censée avoir quitté sa maison.

Images de vidéosurveillance

Un tour au magasin permet aux enquêteurs d’obtenir des images de vidéosurveillance de cet achat ainsi que la facture qu’il a réglée avec sa carte bancaire. Le plastique et la corde sont les mêmes utilisées pour emballer le cadavre. Ils apprennent du vendeur que Jayraz Sookur disait vouloir du plastique pour couvrir du sable de construction. Quand ils apprennent que Thany est le chauffeur particulier de Sookur, celui-ci est arrêté. Il avoue sans tarder qu’il n’a fait qu’aider son patron à se débarrasser de la dépouille de Stacey. Des vérifications auprès d’un opérateur téléphonique confirmeront que Jayraz Sookur l’a appelé à deux reprises la nuit du crime. Les limiers s’arrangent pour que les deux hommes se croisent lors de leur comparution au tribunal de Flacq. Le surintendant Monvoisin le confronte aussi à la présence des images de vidéosurveillance d’un chassée de Plaine-Champagne. Les images sont floues, mais le masseur tombe dans le panneau lorsque les enquêteurs disent les avoir retravaillées grâce à l’aide de la MBC. Il se met à table. Il admet s’être débarrassé du corps avec l’aide de Thany. Quand son nouvel avocat se présente, il fait des aveux complets. Il explique comment il a tué Stacey dans la nuit du dimanche 5 mai entre 19 h 30 et 20 heures après qu’il l’a trouvée en train de consommer des boissons alcoolisées. Tous les détails qu’il donne sont systématiquement vérifiés. Une bouteille de vin qu’il dit voir vidée dans l’évier et jetée par-dessus son mur d’enceinte est découverte sur ses indications. Les enquêteurs établiront qu’il l’a achetée dans une grande enseigne la veille du crime. C’est également grâce à ses révélations qu’ils retrouveront l’ordinateur portable et les autres affaires de Stacey qu’il a balancés aux abords de la Grande-Rivière-Nord-Ouest après s’être débarrassé du cadavre. Un Malgache qu’ils ont pris en stop à cet endroit est même retrouvé. Une nouvelle perquisition à Bonne-Mère, le jeudi 16 mai, permet de découvrir un drap de lit ainsi qu’un côté d’une chaussure de Stacey dans une poubelle. Tout deux étaient emballés dans un sac-poubelle portant les mêmes numéros de série que ceux utilisés pour emballer le corps de la jeune fille. Le drap est celui de Sookur selon sa fille, sa femme et sa femme de ménage. Outre le fait d’avoir confirmé la présence de cheveux de Jayraz Sookur sur le molleton qui a servi à enrouler le cadavre de l’adolescente, le Forensic Science Laboratory relèvera sur l’autre drap la présence du sperme du masseur et du sang de Stacey.

Abus sexuel

Le masseur a été fortement soupçonné d’avoir abusé de la lycéenne après l’avoir saoulée d’après les tests d’alcoolémie, mais il s’est refusé à tout commentaire lorsque les résultats ADN sont tombés, ayant décidé dans l’intervalle de prétendre avoir été victime de brutalités policières. En tout cas, il convoitait l’adolescente d’après la série SMS qu’il lui a envoyés, comme celui où il dit qu’il « l’aime plus » que Béatrice. Jocelyn Vitry, un voisin des Henrisson à Pointe-aux-Canonniers, confirmera que Stacey s’est confiée à lui à propos de ces messages et des avances de Jayraz Sookur. Les enquêteurs ne parviendront qu’à démontrer que le masseur en avait aussi après l’héritage de Stacey. Après avoir dilapidé l’assurance-vie de Rs 840 000 de Wills Henrisson grâce à un transfert bancaire, il a voulu revendre la maison familiale de Pointe-aux-Canonniers évaluée à plusieurs dizaines de millions de roupies. La moitié de l’assurance-vie a été dépensée pour un voyage en Inde où il a voulu faire une prière pour son père et faire examiner Béatrice après l’avoir convaincue qu’elle était gravement malade. De retour au pays, quelques jours avant le crime, Jayraz Sookur a fait des pieds et des mains pour faire admettre sa fille Maryssa à l’hôpital de Flacq et à laisser pour la première fois le fils qu’il a eu avec Béatrice chez son frère à Congomah.
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