Interview

Ashok Subron: «Pour me faire taire, il faudra me tuer»

Ashok Subron revient sur les raisons de sa démission comme négociateur syndical des employés de la Cargo Handling Corporation Ltd. Il aborde plusieurs thèmes relatifs au monde du travail, ainsi que des sujets d’actualité, comme les Chagos.

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La direction de la Cargo Handling Corporation Ltd (CHCL) aurait-elle réussi là où beaucoup ont échoué : faire taire Ashok Subron ? La lâcheté de la répression ne pourra jamais faire taire les combattants. Pour me faire taire, il faudra me tuer. Dans l’histoire de notre pays, il y a eu quelques lâches réactionnaires qui ont tenté de faire taire Emmanuel Anquetil après la grève des dockers en 1938. Ils ont failli. La lutte ouvrière a, au contraire, repris de plus belle. On a essayé de faire taire le Bérenger militant, lui aussi actif aux côtés des dockers. On n’a pas réussi. Les patrons de l’industrie sucrière ont essayé d’étouffer la voix des laboureurs et artisans en 2010. Ils se sont heurtés à la grève de 2014. Shakeel Mohamed et quelques patrons du secteur du transport ont essayé d’en faire de même en 2013 avec les employés de la Corporation nationale de transport (CNT)... Pourquoi avez-vous démissionné en tant que négociateur des employés de la CHCL ? Cela est dû à un différend dans la manière de gérer des chantages ignobles et odieux de la direction de la CHCL et de Xavier-Luc Duval. Ceux qui suivent ce dossier savent ce qui est arrivé. Le General Manager et le Chairperson de la CHCL ont décidé de changer unilatéralement les conditions de travail le 24 et 31 décembre 2015. Ils ont dit au ministre du Travail qu’ils l’ont fait avec le soutien du ministre de tutelle (Xavier-Luc Duval). Des travailleurs ont protesté. Deux dirigeants syndicaux se sont retrouvés devant un board disciplinaire parce qu’ils ont résisté au démantèlement des droits de travail établis. Puis, il y a eu un chantage au sujet du licenciement et de la réintégration d’Alain Edouard. Je devais être évincé en tant que représentant syndical. Alain a été une victime. Vous n’êtes plus le négociateur de la CHCL, mais vous soutenez les employés du port franc, qui sont membres de la Port-Louis Maritime Employees Association (PLMEA). Expliquez-nous. Depuis juin, je me suis retiré des activités syndicales de la CHCL. Pendant six ans, j’ai été aux côtés des travailleurs du port. Nous avons connu de belles victoires. La PLMEA a remporté haut la main quatre exercices démocratiques. Elle a aidé à obtenir une série d’amélioration des conditions du travail, mais aussi l’élimination des discriminations envers les jeunes employés et la possibilité de promotion pour les employés manuels. Il ne faut pas oublier la belle résistance contre la privatisation du port. Ma contribution et celle de la General Workers Federation aux côtés des employés du port leur ont redonné la dignité, la parole et la force historique de l’époque d’Emmanuel Anquetil et de Bérenger. Je quitte un syndicat puissant. Ai-je laissé mon empreinte ? Le temps nous le dira. Mes camarades sont à la croisée des chemins. Ils ont tous les outils en main pour reprendre le combat et mettre le syndicat sur le chemin qui aurait fait la fierté d’Emmanuel Anquetil et d’Azor Adelaïde. Mais je serai aux côtés des employés du port franc, qui sont aussi membres de la PLMEA. Je vais aussi suivre la CHCL, mais je ne serai pas impliqué. [blockquote] «Qu’Anerood Jugnauth aille de l’avant et ne fasse pas ce que les autres gouvernements ont fait ; c’est-à-dire menacer, puis courber l’échine.» [/blockquote] Vous avez évoqué des chantages faits aux employés de la CHCL. Quels sont-ils ? La population doit comprendre la gravité de ce qui se passe. Un ministre a insisté pour qu’un dirigeant syndical lui présente des excuses en menaçant de lui enlever so bouse manze. Cela est grave. Le chantage fait à Alain Edouard a pour but d’affaiblir le syndicat et de le décapiter au moment où il va y avoir des négociations cruciales sur les conditions de travail et pour la privatisation du port. Ce même modus operandi sera désormais utilisé pour bâillonner des négociateurs syndicaux gênants et bavards ? Le patronat a une peur bleue des syndicats combatifs et revendicateurs. Les changements aux lois du travail ont vu la codification du droit à la grève et le pouvoir des employeurs de licencier. Nous avons une dynamique contradictoire à l’œuvre. Ce qui se passe au sein de la CHCL est une contre-attaque du patronat et une section de l’état devant le succès de la grève des laboureurs en 2014. Vous avez récemment réclamé un budget éco-socialiste. Vous y croyez réellement ? C’est ce qui est nécessaire. Nous sommes dans une période où le projet de capitalisme global avec, par exemple, l’intégration régionale, comme l’Union européenne, est profondément secoué. Le système capitaliste crée un niveau d’inégalité social jamais égalé. Le temps est arrivé de se tourner vers les fondamentaux. Pour nous, un budget éco-socialiste, c’est tracer la voie pour que Maurice devienne une économie post-carbon. C’est par exemple, mesurer l’économie différemment, c'est-à-dire, introduire un PIB (produit intérieur brut) parallèle qui ne prend pas seulement en compte les impératifs économiques. Nous voulons aussi encourager des coopératives citoyennes pour produire de l’énergie renouvelable. Nous pouvons alors, ainsi, mettre en place un système gratuit de transport basé sur les énergies renouvelables. Le ministre des Finances a laissé entendre qu’il n’est pas contre le ciblage. Quelle est votre réaction ? Prendre la direction du ciblage serait une grave bêtise. Le système de pension universelle découle des soulèvements sociaux de 1943 et de 1973. Pravind Jugnauth n’a pas le droit de toucher à cela. S’il a envie de cibler, qu’il cible les plus riches à travers l’Income Tax. C’est une question de droits humains et de dignité, et pas de savoir si quelqu’un mérite ou non cette pension. Un mot sur les Chagos… Qu’Anerood Jugnauth aille de l’avant et ne fasse pas ce que les autres gouvernements ont fait ; c’est-à-dire menacer, puis courber l’échine.  L’on verra bien de quel métal est fait notre Premier ministre. La question de l’archipel des Chagos est importante et il y a beaucoup de facteurs qui entrent en ligne de compte. Il faut aussi savoir que la bourgeoisie économique avait, à l’époque, voulu un détachement des Chagos. Désormais, il y a d’autres impératifs économiques, comme toute la zone économique autour de l’archipel et qui explique le changement de position de l’état mauricien désormais. Les Chagos ne reviendront pas un territoire mauricien aussi longtemps que nous allons dissocier trois choses : notre souveraineté, le droit des Chagossiens et le démantèlement de la base de Diego Garcia. À l’occasion du 1er-Mai,  vous étiez du nombre des syndicalistes sur la plate-forme du Mouvement patriotique. Depuis, c’est le chaos au sein de cette formation. Y êtes-vous pour quelque chose ? Le problème au sein de ce parti lui est interne et concerne des considérations d’alliance et de mésalliance. Le MP m’a invité et, comme parti de gauche, j’ai accepté.

 

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