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Arvin Boolell : «On procède à une réingénierie du secteur de la canne à sucre»

Dynamiser l’agriculture, moderniser la pêche et encourager l’autosuffisance alimentaire sont parmi les priorités d’Arvin Boolell. Le ministre de l’Agro-industrie, de la Sécurité alimentaire, de la Pêche et de l’Économie bleue souhaite en finir avec ce qu’il qualifie de « dix années de politique mercantile » pour bâtir une économie bleue et verte tournée vers l’innovation et la durabilité. 

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Vous occupez un fauteuil ministériel que vous connaissez bien. Est-ce un avantage ? 
Oui, mais rien ne doit être pris pour acquis. Il n’y a qu’un seul facteur qui reste constant : c’est le changement. C’est un ministère dynamique. Aujourd’hui, on ne parle plus seulement de sécurité alimentaire mais d’aliments nutritifs. On ne parle plus seulement de pêche, mais d’économie océanique d’un État océanique. Le concept de produire ce qu’on mange et de manger ce qu’on produit est une réalité. La dynamique nous rappelle que si nous ne joignons pas le geste à la parole, nous resterons à la traîne. 

Votre Junior Minister est versé dans le domaine de l’environnement. . N’y a-t-il pas un décalage ?
Pas du tout. Au contraire, c’est un duo « fish and chips » synergique. Ce tandem imbattable conjugue ses efforts pour le reboisement, la protection de l’environnement et l’économie bleue, avec une contribution déterminée au niveau national pour faire bouger les choses. 

Quel est votre tout premier constat des premiers mois du gouvernement au pouvoir ? 
Le sérieux de l’objectif et la politique de la vérité nue. Sous la direction lumineuse du Dr Navin Ramgoolam, de même qu’avec la détermination du Deputy Prime Minister Paul Bérenger et le soutien de nos amis de Rezistans ek Alternativ et de Nouveaux Démocrates, nous ouvrons une nouvelle ère, loin des « fake news ». 

Nous nous engageons dans la transparence et la responsabilité, avec une ligne de démarcation large des institutions démocratiques. Nous sommes désormais dans un temple de la démocratie.

La gravité de notre situation économique nous a donné des frissons. Mais le discours présidentiel montre la détermination d’une équipe résiliente et endurante à s’attaquer aux problèmes sociaux et économiques fondamentaux pour redresser la situation. 

Quelles sont vos priorités pour ce ministère ? 
En finir avec l’indolence de dix années de politique mercantile, restaurer une culture de l’éthique du travail et redynamiser une équipe pour en faire une équipe. Notre priorité est aussi une économie bleue et verte, avec une politique de main levée et non de main tendue, pour inverser le processus d’importation nette de denrées alimentaires. La facture est lourde : plus de Rs 60 milliards. 

L’autosuffisance peut devenir une réalité et non un mythe. Nous devons créer une banque foncière avec des zones agricoles spéciales et ne pas empiéter sur les terres agricoles de premier choix. Il faut investir dans la recherche, le développement et les technologies de l’information, tout en protégeant les droits de propriété intellectuelle. 

Pour ce qui est de l’économie bleue, la lutte contre la pêche INDNR (illicite, non déclarée et non réglementée ; NdlR), la modernisation de notre port, ainsi que la mise sur pied d’un marché aux enchères et d’un port de pêche feront de Port-Louis une grande plaque tournante. Nous disposons d’une vaste Zone économique exclusive et d’un plateau continental qui font de Maurice un État océanique plus grand que l’Inde. Du tourisme océanique au thon, notre or blanc, en passant par l’agriculture lagunaire et l’élevage en mer, les opportunités ne cessent de se multiplier. 

Venons-en à un gros problème auquel sont confrontés les planteurs de canne, surtout de légumes : le manque d’eau. Quelles solutions à court et moyen terme ? 
Le manque d’eau n’est pas encore un problème. Il n’y a pas de pénurie de légumes sur les marchés. Ce qui pose surtout problème, c’est le coût de production qui a explosé à cause de la dépréciation de la roupie, de la pénurie de la main-d’œuvre, du manque de prévoyance dans la préparation des terres et de l’empiètement sur les terres agricoles de premier choix. 

Nous révisons l’ensemble des mesures d’incitation pour soutenir les planteurs de sucre et faire du sucre une véritable industrie. Avec un prix plus rémunérateur pour les planteurs sur la vente des 60 premières tonnes de sucre et de ses sous-produits, les petits planteurs seront mieux lotis. 

La banque foncière libérera des terres pour l’agriculture, la reforestation et l’agriculture intelligente. Tous les agriculteurs et planteurs auront la possibilité de suivre une formation continue et d’acquérir les compétences nécessaires pour se perfectionner. L’investissement dans les infrastructures et la libération contrôlée par ordinateur de l’eau et des intrants seront une réalité. L’Agricultural Marketing Board et la Mauritius Meat Authority ont fait leur temps et doivent être revus.

Les réservoirs destinés exclusivement aux planteurs du Nord sont utilisés pour alimenter d’autres citoyens. Résultats : ils reçoivent l’eau au compte-gouttes. Une explication à cela ? 
La priorité doit être donnée à la vie et aux moyens de subsistance. Il est donc crucial de trouver un équilibre qui permette à la fois de nourrir les plantes grâce à de nouveaux cultivars et de répondre aux besoins en eau des êtres humains. L’agriculture doit s’adapter en recourant aux pratiques modernes, telles que l’agriculture de précision, l’intelligence artificielle et la gestion contrôlée de l’irrigation et des produits chimiques via des systèmes informatisés.

Les planteurs de canne sont contraints d’employer des « contracteurs » pendant la période de coupe, ce qui augmente considérablement les coûts. Faut-il inciter les jeunes à revenir à la terre ? 
La terre est nourricière. La pandémie de COVID-19 nous a rappelé l’importance de cultiver ce que nous mangeons. Nous avons dû revenir à l’essentiel, produire localement pour répondre à nos besoins. Nous menons une campagne intensive pour encourager les jeunes de l’enseignement primaire à créer des jardins derrière leur maison et sur leurs toits, ainsi qu’à se lancer dans des fermes hydroponiques, verticales ou en permaculture. 

Vous seriez surpris du nombre de jeunes qui sont enthousiastes. Il s’agit d’une thérapie, d’une activité durement gagnée. C’est une activité enrichissante, qui procure aussi un bien-être. De plus, le fonds de protection sociale des petits planteurs a mis en place une couverture d’assurance pour soutenir ceux qui rencontrent des difficultés liées aux aléas climatiques. 

Certains jeunes voudraient bien revenir à la terre, mais de manière moderne et mécanisée avec le concept « agri-farming ». Quelles sont les facilités qui s’offrent à eux ? 
J’ai répondu à votre question. Le modèle adopté par ENL et de nombreuses autres entreprises similaires, mais à plus petite échelle, a rendu l’agriculture belle et intelligente. Cependant, il est important de ne pas empiéter sur l’agriculture traditionnelle. 

Le remembrement, la préparation des terres et la récolte mécanisée doivent devenir la voie à suivre. Il y aura des zones plus complexes à gérer, mais rien n’empêche de cultiver des ananas sur des terrains en pente et de la canne à sucre dans les zones côtières. Cela permettrait d’éviter que les effluents ne se déversent dans la mer lors de fortes pluies. Avez-vous déjà essayé de cultiver des oignons Toupie dans nos zones côtières sablonneuses ? Et le thé, qui pousse mieux dans les sols acides des hautes Plaines-Wilhems ? 

Le Wholesale Market est souvent critiqué, car il est trop éloigné des champs de légumes. Ne faudrait-il pas envisager de le disséminer aux quatre coins de l’île ? 
On pourrait en débattre à l’infini, mais à l’heure actuelle, cela reste une préoccupation difficile à résoudre. Trop gros pour ne pas échouer. Les politiques seront réexaminées et plusieurs cas de figure seront étudiés. L’option de la décentralisation n’est pas à écarter, mais la priorité demeure les bonnes pratiques agricoles basées sur les normes phytosanitaires. 

Il y a eu le concept « Earth Market Mauritius » visant à promouvoir une agriculture de fruits et légumes sans pesticides, en vendant directement aux consommateurs et en contournant les intermédiaires. Où en est-on ? 
Le marché de la terre à Maurice mérite des éloges et d’être reconnu, mais il ne faut pas se tromper : l’agriculture intelligente reste une priorité. Les foires commerciales offrent une alternative intéressante, mais l’innovation est la bienvenue. 

Un produit a besoin d’un marché. Il est essentiel de laisser les forces du marché offrir des choix aux consommateurs, tout en respectant scrupuleusement les meilleures pratiques agricoles. Le ministère de l’Agro-industrie doit mener des tests pour s’assurer que les produits agricoles frais sont propres à la consommation. Les courges, par exemple, peuvent absorber une quantité importante de produits chimiques. 

Le gouvernement sortant avait favorisé le « sheltered farming » dans le Sud. Est-ce encore viable et fonctionnel ? 
Quand et où ? Le battage médiatique autour de l’agriculture biologique à côté d’une culture de canne à sucre et non loin d’une exploitation maraîchère arrosée de pesticides soulève des questions. Entre les paroles et les actes, il y a des kilomètres à parcourir. Toute cette agitation autour de l’agriculture biologique n’était qu’une partie de plaisir, un gaspillage de l’argent des contribuables, un échec total. Une question a d’ailleurs été posée à l’Assemblée nationale à ce sujet.

Pour ce qui est des planteurs de canne, le prix garanti par tonne est-il toujours assuré ? Et le plan de pension contributif ? 
Comme je l’ai mentionné précédemment, nous procédons à une réingénierie du secteur. Il est essentiel de stimuler la production. Un prix plus rémunérateur est envisagé, avec une valorisation accrue du sucre et de ses sous-produits. Plusieurs ateliers ont déjà été organisés pour souligner les mérites de l’industrie cannière. 

En sus de produire du sucre, la canne est un véritable nettoyeur de dioxyde de carbone et empêche l’écoulement des effluents dans les rivières et la mer. En ce qui concerne le régime de retraite pour les agriculteurs non sucriers, le SPWF (Small Planters Welfare Fund ; NdlR) a déjà élaboré son plan. Sa mise en œuvre est prévue pour bientôt.

Vous avez pris position concernant l’exportation des singes. Pourriez-vous nous dire combien ont été exportés ces cinq dernières années et combien cela a rapporté au pays ?
Formulez votre question correctement. Je répondrai à une question parlementaire mardi. Fabrice David (son Junior Minister ; NdlR) et moi avons eu une réunion interactive avec des organisations non gouvernementales, des groupes de défense des animaux, des parties prenantes partageant les mêmes idées et d’autres acteurs impliqués.

Quid du quota ? 
Il est impossible de réduire le quota du jour au lendemain. Actuellement, il est fixé à 13 484 singes. Comme je l’ai mentionné, des recherches seront menées en partie à Maurice. En 2014, sous le gouvernement précédent, le nombre de singes exportés était de 8 809. Aux États-Unis, il existe un grand nombre de singes, provenant de sept espèces, utilisés pour la recherche. Cela pourrait mener à un éventuel « phasing-out » automatique.

L’étude est menée par le Dr Reinegger, écologiste et chercheur associé à l’université de Bristol, en collaboration avec le ministère de l’Agro-industrie. L’objectif de l’étude est de fournir une base de référence pour l’estimation de la population de macaques sauvages à longue queue afin de gérer efficacement leur population. 

Cette étude vise également à atténuer l’impact négatif des macaques sur la biodiversité terrestre indigène, notamment sur le pigeon rose, le faucon crécerelle et la flore. Elle cherche aussi à limiter la propagation des plantes envahissantes, comme la goyave, les dommages causés aux cannes à sucre et les morsures des macaques.

Le Mauritius Institute Bio Lab (MIBL) travaille en étroite collaboration avec des partenaires internationaux, tels que l’Union européenne et l’Organisation mondiale de la santé. Il bénéficie du soutien d’ambassades comme celle des États-Unis pour développer l’écosystème et attirer de nouveaux investissements dans le domaine de la biotechnologie. Ce secteur très spécialisé et en évolution rapide nécessite une stratégie de marketing ciblée et une facilitation à la hauteur des exigences internationales.

Au cours de ses trois années d’existence, l’Institut mauricien de biotechnologie a déjà franchi des étapes considérables. Il prend désormais sa vitesse de croisière. L’écho des parties prenantes et des partenaires internationaux est favorable. Une institution qui se concentre sur un secteur qui pourrait changer notre paysage économique est un signal fort pour démontrer la volonté du gouvernement à adopter le changement et l’innovation. Le MIBL vise à être l’institution de référence en matière de biotechnologie et s’engage à porter le secteur vers de nouveaux sommets à Maurice.

Est-ce son devoir de continuer de servir sur un plateau d’argent ?
C’est un sujet discutable. Je ne sais pas. Ma tâche est d’être un facilitateur. S’il y a une offre du World Veterinary Service (WVS), on veut bien. Quand j’étais là, il y avait des membres de la société civile qui avaient le soutien de Maneka Gandhi. Mais quand il s’agit d’exécuter le travail, la parole est souvent aux antipodes de l’action. Moi je ne connais pas la compétence du WVS. Toutefois, j’aurais aimé les rencontrer, parler avec eux et voir leurs « credentials ».

Les « Long Tail monkeys » sont très demandés… 
Il y a tellement d’élevages aux États-Unis que cela ouvre une fenêtre d’opportunités pour Maurice. Dans moins de cinq ans, le nombre de singes exportés baissera. D’ailleurs, c’est l’une des raisons pour lesquelles Bioculture a implanté une ferme en Floride. 

Il y a tellement d’élevages aux États-Unis. Ils n’auront alors plus besoin des singes de Maurice. La question parlementaire du député Jhummun pour la circonscription Rivière-des-Anguilles/Souillac est pertinente. Il ne faut pas oublier que l’exportation est régulée par la Convention on International Trade in Endangered Species of Wild Fauna and Flora. 

Au niveau des laboratoires ?
Il est impératif d’établir une concertation entre le Mauritius Bio Institute, le Centre for Biomedical & Biomaterials Research (CBBR) de l’université de Maurice et le ministère de la Santé, celui de l’Agro-industrie et celui des Finances. À ce jour, il faut attirer davantage d’investissements, mais cela doit se faire dans un cadre de développement soutenu. 

La recherche ne se fait pas comme une lettre à la poste. Il est indispensable d’adopter une loi-cadre robuste pour encadrer les activités de recherche, notamment en matière de normes et de bonnes pratiques. Nous ne sommes encore qu’à un stade précoce de développement en tant que centre de recherche et il faut prendre ce projet avec le sérieux qu’il mérite. 

Je soutiens pleinement la recherche scientifique, notamment dans les domaines de la science et de la technologie, car elle est essentielle pour le bien-être collectif. Si des alternatives émergent grâce à l’intelligence artificielle, nous les explorerons. Mais pour cela, il faut des modèles de recherche solides, élaborés avec des experts compétents, formés et constamment perfectionnés. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles nous avons créé le MBIL : pour faire avancer la recherche de manière encadrée et rigoureuse.

Vous semblez avoir une haute estime pour le MIBL…
L’île Maurice a la possibilité de faire avancer les choses de manière scientifique. Le MIBL joue un rôle crucial dans cette dynamique. Récemment, l’institut a engagé des discussions avec l’ambassade des États-Unis afin d’obtenir son soutien pour rationaliser le cadre réglementaire de l’industrie préclinique. Un projet d’amendements a déjà été transmis à l’ambassade et examiné par le Service d’inspection de la santé des animaux et des plantes (APHIS) du ministère américain de l’Agriculture. 

Les ONG sont toutes voiles dehors sur le sujet…
Si elles reprennent leur campagne, je respecterai leur engagement, mais il est essentiel de privilégier le dialogue plutôt que la confrontation. Nous avons tous un intérêt commun : le bien-être de la population et des animaux. 

Toutefois, il ne faut pas perdre de vue les réalités du terrain. Sous l’ancien gouvernement, des chiens ont été livrés à eux-mêmes, allant jusqu’à se dévorer entre eux. Nous, de notre côté, agissons avec responsabilité. Un hôpital pour animaux est en projet, sur un site identifié dès 2013 à Forest-Side. Le discours présidentiel en a fait mention. 

Parlons politique. La visite de Sri Narendra Modi a-t-elle été un joli coup pour Navin Ramgoolam et pour le pays ? 
L’Inde, bientôt la troisième puissance mondiale, joue un rôle-clé dans cette dynamique. Au-delà du succès de la visite, la relation entre les deux chefs de gouvernement se révèle être une véritable force, sans précédent, à l’échelle multilatérale. Cette symbiose, portée par des liens culturels et sanguins profonds, renforce cette grande entente fraternelle. La coopération bilatérale entre les deux nations incarne la puissance des liens fraternels et témoigne de la solidité des relations entre nos deux pays.

En ce qui concerne les Chagos, il semblerait que Donald Trump ait finalement trouvé le « deal » satisfaisant. Navin Ramgoolam et vous aviez émis des doutes sur celui présenté par le Premier ministre sortant. Une réaction ? 
Je suis confiant. L’essentiel est notre souveraineté et la reconnaissance de la communauté internationale. Le Premier ministre suit ce dossier de très près et le travail se fait. 

Les élections municipales reviennent après trois renvois et 10 ans de disette. L’Alliance du Changement est-elle prête et le partage des investitures a-t-il déjà commencé ? 
L’Alliance du Changement fait son travail. Le comité de travail reste en contact constant avec les dirigeants. La parité et la proportionnalité primeront, avec le soutien indéfectible de tout un chacun. 
 

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