
L’industrie touristique mauricienne démarre l’année 2025 en demi-teinte, avec une baisse de 6,8 % du nombre de visiteurs par rapport à la même période en 2024. Quels sont les facteurs qui expliquent ce déclin ? Quelles sont les conséquences pour les opérateurs ? Qu’en est-il des perspectives pour les mois à venir ? Éléments de réponse.
Si en janvier 2025, le nombre de visiteurs (116 926) est resté relativement proche de celui de janvier 2024 (119 305), le recul est plus prononcé en février. En effet, l’île n’a accueilli que 95 991 touristes en février 2025, contre 109 266 en février 2024, soit une diminution notable de plus de 13 000 visiteurs.
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Daniel Saramandif, consultant chez International Tourism Business, explique que cette baisse des arrivées est essentiellement due à la conjoncture économique difficile en Europe, principal marché émetteur de touristes. « Face à un coût de la vie plus élevé, les Européens privilégient des destinations plus proches et moins onéreuses », souligne-t-il.
Par ailleurs, il note que les arrivées en provenance d’Asie, principalement de la Chine et de l’Inde, sont en déclin depuis plusieurs années. Le président de l’Association des Propriétaires de Boutiques Touristiques, Kunal Awotar, partage cette analyse. « Comme nous le savons tous, la situation économique en Europe n’est pas favorable, et cela se reflète sur le nombre de touristes qui viennent de cette région », affirme-t-il. Cependant, il souligne que les autres marchés ne se portent pas mieux. Selon lui, l’effet du « revenge travel » appartient désormais au passé.
De son côté, le président de l’Association des Hôtels de Charme, Bissoon Mungroo reconnaît que l’inflation en Europe ainsi que dans d’autres marchés contribue à ce démarrage timide de la saison. Toutefois, il estime que la tenue des élections générales en novembre dernier a également eu un impact sur les arrivées touristiques.
Manque de vols et tarifs élevés
Un autre facteur expliquant la baisse des arrivées, selon les intervenants interrogés, est le manque de vols. « Il n’y a pas eu d’augmentation significative du nombre de vols cette saison par rapport aux années précédentes. De plus, les tarifs des billets d’avion restent élevés, ce qui peut dissuader de nombreux visiteurs potentiels », explique Daniel Saramandif.
Bissoon Mungroo partage cet avis : « Le prix d’un billet d’avion entre La Réunion et Maurice avoisine les Rs 12 000, alors qu’un Réunionnais peut voyager à Madagascar pour moitié moins cher », illustre-t-il. En outre, il souligne l’absence de vols directs en provenance de Chine. « Les touristes chinois sont parmi ceux qui dépensent le plus. Il est regrettable qu’aucun effort concret n’ait été fait au niveau des autorités pour mieux exploiter ce marché », déplore-t-il.
Perspectives pour les mois à venir
Bien que les chiffres de janvier et février 2025 ne soient pas encourageants, les opérateurs restent optimistes pour les prochains mois. « Avec les congés de Pâques en avril, nous nous attendons à une affluence importante, notamment en provenance de La Réunion », affirme Daniel Saramandif. Un avis partagé par Kunal Awotar : « Chaque année, la fête de Pâques entraîne une augmentation des activités, et j’espère que ce sera encore le cas cette année ».
Par ailleurs, il ajoute qu’après le ramadan, une arrivée significative de touristes arabes est attendue à Maurice. « Ces visiteurs dépensent beaucoup en dehors des hôtels, ce qui profite à l’ensemble de l’économie locale », précise-t-il. En revanche, dit-il, le marché européen reste marqué par un manque de visibilité. « Nous comptons sur le soutien du gouvernement et des autorités compétentes pour renforcer les efforts de promotion sur ces marchés », souligne-t-il.
Pour sa part, Bissoon Mungroo recommande une collaboration plus étroite entre les autorités et les opérateurs du secteur. Cela permettrait d’attirer un plus grand nombre de touristes et d’optimiser les revenus générés par l’industrie.
Impact sur les opérateurs touristiques
Les répercussions de la baisse des arrivées se font déjà ressentir chez les opérateurs, affirme Daniel Saramandif. « Ce ne sont pas seulement les hôteliers qui en subissent les conséquences, mais également tous les autres acteurs de l’industrie, tels que les restaurants, les plaisanciers et les artisans », souligne-t-il. De son côté, Kunal Awotar fait état d’une chute de plus de 50 % des ventes par rapport à la même période de l’an dernier. Bissoon Mungroo, quant à lui, indique que les hôtels de petite et moyenne taille ont réussi à maintenir leurs activités avec un taux d’occupation oscillant entre 50 % et 65 % pour les mois de janvier et février.
Jocelyn Kwok, CEO de l’AHRIM : « La baisse des arrivées n’est pas alarmante pour le moment »
Les arrivées touristiques ont diminué en ce début d’année par rapport à la même période l’an dernier. Quels facteurs expliquent cette tendance ?
Effectivement, les chiffres sont en baisse, d’environ 7 % pour ces deux premiers mois. Cependant, avant d’analyser la performance du secteur touristique de manière globale, je pense qu’il est important d’isoler certains chiffres qui ressortent de manière particulièrement marquée. Nous constatons ainsi une diminution significative des arrivées par bateau, avec un écart d’approximativement 8 800 touristes, principalement allemands, par rapport à l’année dernière. Or, comme nous le savons, les touristes des bateaux de croisière ne restent généralement que 24 à 48 heures sur notre territoire.
En revanche, nous notons une hausse de plus de 2 500 touristes sud-africains arrivant par bateau en ce début d’année 2025. Si l’on considère uniquement les arrivées par avion, la baisse se limite à un peu plus de 3 %. Le constat est donc mitigé, sans être alarmant pour autant.
Quelles sont vos perspectives pour les semaines et mois à venir ?
Durant cette même période, les hôtels membres de l’AHRIM ont plutôt bien résisté. Comparé aux premiers mois de 2024, le taux d’occupation des chambres a été nettement supérieur en janvier et légèrement inférieur en février. Toutefois, cette dynamique positive risque de ne pas durer, car les réservations pour mars accusent un important retard. Le phénomène du « late booking » est bien connu, mais il ne se concrétise pas systématiquement. Ainsi, ce premier trimestre devrait afficher un déficit en termes d’arrivées.
Parmi nos principaux marchés, l’incertitude économique en Europe - et dans le monde en général - joue un rôle déterminant. Tous nos marchés européens, y compris le Royaume-Uni, sont en baisse à des degrés divers. Par ailleurs, les autres marchés restent relativement stables. À ce stade, il est encore prématuré de parler d’une tendance baissière, d’autant que, selon les réservations d’hôtels recensées par l’AHRIM, une forte reprise est attendue en avril, principalement pour les vacances de Pâques.
Le mois de mai pourrait être plus difficile, mais les prévisions pour juin et juillet sont très encourageantes. Nous manquons toutefois de visibilité sur d’autres indicateurs, notamment les réservations de billets d’avion et celles des hébergements hors hôtels.
Quelles solutions proposez-vous pour mieux mesurer les autres segments du marché touristique ?
Nous le rappelons souvent : l’AHRIM regroupe environ 85 % du parc hôtelier, mais l’ensemble des hôtels du pays ne représente que 60 % du parc d’hébergement touristique officiellement enregistré auprès de la Tourism Authority. Pour mieux avancer, il nous faut des baromètres et des boussoles supplémentaires que sont l’aérien et l’hébergement hors hôtel dûment enregistré. En revanche, concernant l’hébergement informel majoritairement via Airbnb, ainsi que les activités touristiques hors hébergement, nous disposons encore de très peu de données.
Quelles stratégies pourraient être mises en place pour attirer davantage de touristes en 2025 ?
Maurice est une destination accueillante tout au long de l’année. Nous sommes en mesure de répondre aux attentes et aux calendriers de vacances de nos visiteurs, qu’ils viennent d’Europe, d’Asie, d’Afrique, de l’océan Indien ou encore du Moyen-Orient. Au-delà de notre offre « soleil et plages », nous disposons d’infrastructures d’exception pour le golf et le kitesurf, deux segments particulièrement recherchés. De plus, nous proposons une offre de tourisme intérieur unique, que nos concurrents de l’océan Indien ne peuvent pas égaler.
Nous avons donc en main de nombreux leviers pour développer notre tourisme et concevoir l’avenir de ce secteur. Il nous appartient d’apporter des réponses adaptées aux défis actuels, tels que le manque de main-d’œuvre et la connectivité aérienne. De même, nous devons saisir toutes les opportunités offertes par le tourisme durable et le développement responsable.

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