Même si le sondage, réalisé par l’agence Afrobarometer, fait état de l’opposition de six Mauriciens sur dix contre la décriminalisation du cannabis, on note que le nombre de cas et d’arrestations liées au gandia diminue.
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Les forces de l’ordre sur le terrain semblent plus agressives concernant des cas liés aux diverses drogues de synthèse et à l’héroïne. Même si le cannabis reste la drogue la plus traquée, des chiffres obtenus auprès des autorités démontrent qu’il y a eu moins d’arrestations liées au cannabis entre 2014 et 2017. A noter aussi que, sur 9912 cas liés à la drogue, on dénombre 3568 rien que pour le cannabis (3520 cannabis et 48 haschisch). Toujours entre 2014 et 2017, 2270 cas sont liés au trafic d’héroïne et 900 à la drogue de synthèse.
Même si ce sont les cas liés au cannabis qui mobilisent le plus les autorités, une comparaison, entre 2014 et 2017, révèle que ce sont ceux qui concernent l’héroïne et la drogue de synthèse qui prennent l’ascenseur. Sil n’y a eu que 334 cas liés au trafic d’héroïne en 2014, ce chiffre est passé à 734 en 2017.
C’est surtout les diverses drogues de synthèse qui ont plus donné du fil à retordre aux forces de l’ordre. S’il n’y avait que 22 cas en 2014, les cas ont continuellement progressé. Il y a eu 107 et 252 cas les deux années suivantes. Une source policière, qui parle sous le couvercle de l’anonymat, abonde dans le même sens. « Il y a eu une baisse de 3.41% de cas liés au cannabis entre 2016 et 2017», nous fait part cette source. C’est, en revanche, un véritable boom concernant les cas liés aux différentes drogues de synthèse. Les autorités estiment qu’il y a eu 105.95% d’augmentation de cas liés à cette drogue.
Cette tendance se fait aussi ressentir au niveau des arrestations. Si les personnes se faisaient plus souvent arrêter pour avoir été impliquées dans des affaires de cannabis en 2014 avec 1220 arrestations, l’on observe qu’il y a de plus en plus d’arrestations concernant les cas liés au trafic d'héroïne. Le nombre de personnes arrêtées dans le réseau de l'héroïne est passé de 347 à 777 entre 2014 et 2017, tandis que le nombre d’arrestations lié au réseau de cannabis est passé de 1220 à 755. En ce qu’il s’agit des cas liés aux drogues de synthèse, les arrestations sont passées de 19 à 534 entre 2014 et 2017.
Une source proche du dossier à la police fait aussi remarquer que c’est une fois de plus les différentes drogues de synthèse qui retiennent l’attention. « Le nombre d’arrestations concernant les drogues de synthèse a connu une hausse de 106.97%, alors que l’on note une baisse d’arrestations concernant les cas liés au cannabis », fait ressortir ce haut gradé de la police. La quantité de cannabis déraciné par les policiers est aussi en chute libre. Il y a eu
102 015 plantes de gandia déracinées en 2014, contre 42 278 en 2017, ce qui constitue une baisse de 41.35%.
L’on observe aussi la même tendance au niveau des saisies. La quantité de cannabis saisie entre 2014 et 2017 est passée de 118 à 81 kilos entre 2014 et 2017. La quantité de drogue de synthèse a en revanche connue une importante hausse. 253 grammes en 2014 contre 8 kilos en 2017.
Cannabis contre synthèse : les explications de la police
La montée en puissance des différentes drogues de synthèse, au profit du cannabis, n’a évidemment pas échappé à la force policière. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette situation. Selon une source, ceux qui sont généralement proches du réseau du cannabis prennent de moins en moins de risque. « Du coup, cela complique les arrestations. »
Un inspecteur de police explique que les cultures de cannabis sont moins répandues. Par ailleurs, l’émergence drastique des diverses drogues de synthèse peuvent s’expliquer par le fait qu’elles se fabriquent facilement. « Cela implique l’utilisation de peu de matières premières, sans compter que c’est extrêmement aisé de s’en procurer. » Un constable affirme que de plus en plus de Mauriciens préfèrent dorénavant se tourner vers « enn nissa syntetik » en raison de son prix. A Rs 100 la dose, une personne peut facilement en avoir pour son compte tandis que le cannabis est de plus en plus cher, soit au moins Rs 1 000 le gramme. »
Cannabis médical : Arvin Boolell veut proposer une motion au Parlement
Arvin Boolell, du Parti Travailliste, est en faveur de la régularisation du cannabis uniquement à des "fins thérapeutiques". D’ailleurs, il n’écarte pas une motion en ce sens à l’Assemblée nationale lors de la prochaine rentrée. Selon lui, la situation est grave et nous ne devons pas parcourir un marathon mais un sprint. « L’heure est à l’action, car la situation est grave. La drogue synthétique ne cesse de se propager dans toutes les régions de l’île. Il faut trouver une solution et c’est le devoir de tout un chacun d’y contribuer. Tout le monde doit assumer ses responsabilités » indique-t-il. Ce dernier se dit pour la régularisation du cannabis à des fins thérapeutiques.
Le nouvel élu de la circonscription no. 18 (Belle-Rose/Quatre-Bornes), compte s’attaquer au fléau dès la rentrée parlementaire. Il compte poser des questions sur le problème de la drogue au pays. Une motion n’est pas à écarter, mais il faut avoir une concertation entre les membres de l’opposition. « Il faut faire des efforts pour freiner le trafic de la drogue à Maurice. Je ne suis pas de ceux qui disent qu’il faut attendre les recommandations de la Commission d’enquête sur la drogue pour trouver des solutions. Nous devons agir rapidement. Ce n’est pas seulement le devoir des politiciensmais, mais de tous », affirme Arvin Boolell.
Dépénalisation du cannabis - Bobby Hurreeram : «Nous ne pouvons remplacer un poison par un autre»
Le Chief Whip du gouvernement, Bobby Hurreeram, est farouchement contre la dépénalisation du cannabis. « Ce n’est pas parce que les jeunes consomment de la drogue de synthèse que la solution doit nécessairement être la dépénalisation du cannabis », martèle-t-il. La dépénalisation du cannabis, ajoute-t-il, sera un mauvais message pour la jeunesse mauricienne. Il dit préférer voir les jeunes se tourner vers le sport. « La vie est plus belle quand on pratique le sport », assure-t-il. Le député du Mouvement Socialiste Militant prône aussi une approche pédagogique afin de mieux sensibiliser les jeunes contre les méfaits du cannabis.
Imran Dhannoo : «Les gens continueront à consommer le cannabis»
Imran Dhannoo, responsable du Centre Dr Idrice-Goomany, indique que le cannabis et la drogue synthétique sont deux choses différentes. « Même si le gouvernent décide de légaliser le cannabis, certains vont continuer à prendre de la drogue synthétique », affirme-t-il. Il est conscient que la drogue synthètique est un gros problème au pays.
Il se dit en faveur de la décriminalisation du cannabis. «Quand quelqu’un est en possession du cannabis, il ne doit pas être arrêté et il ne faut pas incarcérer les consommateurs, ajoute Imran Dhannoo. Il faut venir avec un grand débat sur ces drogues mais, ces derniers temps, on ne voit que des arrestations, dont la moitié est due à la drogue synthétique. C’est grave. Cette drogue est disponible dans tous les coins du pays. » Ces derniers temps, souligne Imran Dhannoo, les consommateurs du gandia, qui se font rares, se tournent désormais vers la drogue synthétique.
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