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Arouna Rughooputh, une Mauricienne à l’assaut de l’Himalaya

Arouna Rughooputh, aujourd'hui a Maurice, se souvient encore du grand trek himalayen.
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Durant une dizaine de jours, en 2013, Arouna Rughooputh, partie de Londres avec des collègues, a escaladé un flanc de l’Himalaya à près de 5 000 mètres d’altitude. Elle a ramené des images inédites de cette expérience de trekking et surtout un journal de bord où elle a consigné ses observations et ses émotions, ses inquiétudes et ses petits moments de bonheur.

C’est un petit calepin, un peu à l’ancienne où l’écriture est parfois claire parfois proche du gribouillage. Un parfait reflet de ces journées passées à grimper l’Himalaya, qui alternaient entre les moments de joie, les appréhensions, les réelles inquiétudes. « Tout ne s’était pas passé comme prévu. À Londres, j’avais beau m’entrainer, sur la montagne, ça a été une autre paire de manches. Mais c’était bien ainsi », avoue Arouna Rughooputh, 35 ans au moment de cette aventure organisée chaque année par son employeur, Santander, la première banque d’Espagne et l’une des principales en Europe. 

« C’était une activité annuelle parmi d’autres pour recueillir des fonds en faveur des ONG. J’avais choisi d’aider l’association CLIC Sargent, engagée auprès des enfants et de jeunes personnes souffrant de cancer. Il y avait la possibilité de partir au Pérou, en Afrique du Sud ou en Inde. Moi, c’est l’Himalaya qui m’a intéressée, car il y avait d’autres collègues qui s’étaient inscrits eux aussi. Je le voyais comme un défi, un peu différent loin des cartes postales », se souvient-elle encore.

Arouna, en compagnie des sherpas.
Arouna, en compagnie des sherpas.

L’entrainement et les équipements

Mais pour être prête, il fallait à la fois l’entrainement et les équipements. La banque y avait pourvu, mais la jeune Mauricienne y était aussi allée de sa poche en formation pour consolider son mental. « Il fallait apprendre comment marcher et respirer en haute altitude et quel type d’alimentation apporter et s’assurer du poids approprié des bagages », raconte-t-elle. 

En 2013, lors d’un séjour à Maurice, elle tentera une première expérience d’escalade de montagne à Le Morne, accompagnée d’un guide local. Plus tard, en Angleterre, elle ira également  en randonnée au mont Snowdon, le plus haut sommet du Pays de Galles.  « Ces deux trekkings m’avaient mis en jambes pour la grande aventure qui m’attendait en octobre de la même année », dit-elle. Ce mois-là, elle prend l’avion à Heathrow avec 26 collègues, parmi un guide anglais, pour se rendre au Népal.

Arouna Rughooputh, au loin derriere elle, l'Everest.
Arouna Rughooputh, au loin derriere elle, l'Everest.

Au pied du Katmandou

Une fois dans ce pays de plus quelque 30 500 000 habitants, un deuxième avion de 28 places les emmène au village de Lukla au pied du Katmandou, où les attend un groupe de cinq Sherpas accrédités et conduit par Mingmar, le plus expérimenté d’entre eux. Chaque membre de l’expédition a aussi son propre budget, dont une partie servira à payer les Sherpas. Le premier jour se passe dans un hôtel où les premiers conseils sont donnés et plus tard dans une « tea-house ». « Là j’ai retrouvé les repas mauriciens, avec du riz, du dhal, des brèdes et des boulettes, des frites », se souvient encore Arouna Rughooputh. Équipés de bottes, gants, cannes de neige et autres vêtements imperméables, les membres du groupe peuvent alors se lancer dans cette expédition préparée depuis plus d’un an.

« Chacun avait son binôme, moi j’avais Gaby Galvez qui, malheureusement décèdera plus tard dans un accident en Grèce. Elle était très sportive. Un jour, durant la marche, elle avait été rappelée à l’ordre pour être sortie du groupe et on l’avait perdue. Seuls les Sherpas ouvraient et fermaient le cortège », explique Arouna Rughooputh. Celle-ci avait déjà commencé à tenir son journal de bord. Elle y a noté une escale à Namche Bazaar à 3 340 mètres d’altitude, où le groupe a pu se payer une douche chaude dans une de ces ‘tea-houses’ qui émaillent le parcours. « Au 4e jour, ce sera le commencement de l’acclimatation à 3 880 mètres d’altitude où on a une vue sur l’Everest, puis on a croisé d’autres groupes et individus sur la route du retour. La route est ‘safe’, en tout cas plus safe que Maurice. Notre objectif fixe est le Base Camp, à 5 500 mètres d’altitude et qui est le point de départ pour l’ascension de l’Everest », confie-t-elle.

Saignements de nez et maux de tête

L’acclimatation est pénible, avec l’apparition des saignements de nez, les maux de tête et les premières difficultés pour respirer. « L’altitude commence à se faire sentir, on peine à marcher, il faut aller doucement pour ne pas épuiser toutes nos forces », confie Arouna Rughooputh. Bientôt, le groupe atteint un monastère bouddhiste à côté d’un village niché dans la montagne comme des dizaines d’autres. « J’ai vu des gens humbles et simples, accueillants et heureux. Pour la première fois, je me sentais vraiment loin de la vie londonienne », se rappelle encore Arouna Rughooputh qui, ce jour-là, a dû prendre des comprimés pour dormir, puis pour rester éveillée durant l’escalade. 

Pour ne pas sentir le froid, le groupe reste ensemble dans une seule pièce. Quant aux lieux d’aisances, ils sont parfois rudimentaires, les latrines étant dehors et tout le monde faisant la queue. « Un jour, la latrine était tellement horrible que j’ai préféré aller faire pipi dans les buissons. Cela m’a rappelé mes années d’enfance chez mes grands-parents, mais les latrines étaient mieux entretenues », confie-t-elle. Certains membres sont au bout de la rupture, exténués et sans douche depuis deux jours. « Je vois une fille pleurer de fatigue alors qu’il fallait qu’on s’acclimate à nouveau à 4 800 mètres d’altitude », écrit encore Arouna Rughooputh, avant de préciser : « Nous avons eu une très rude journée et nous sommes essoufflés. J’ai le nez qui coule, j’ai des maux de tête. J’ai le vertige, je dois prendre des comprimés et personne ne veut parler. Je vais dans le Sun Room pour être au chaud. Il faut que je reprenne des forces avec des gâteaux, des barres chocolatées au glucose, achetées en Angleterre. On se recharge pour le plus dur ». 

Un sanctuaire

Toujours plus haut, le groupe tombe sur un sanctuaire dédié à une centaine de disparus dans la neige, parmi quelques Sherpas. « Je ne peux retenir mes larmes. Ces personnes-la sont venues de loin pour perdre la vie ici, dans des avalanches ou malades, privées d’oxygène ou encore les corps gelés… ». Au 7e jour de l’escalade, la neige commence à tomber, puis à fondre, il faut se couvrir, sans oublier les bagages. Le sentier est plus laborieux, recouvert de pierres et de neige. « Arrivée à une certaine altitude, j’arrête de consommer de la viande, je me méfie de la qualité à cause de la conservation, car les yaks ne montent plus aussi haut pour apporter de la viande fraiche ». 

À 500 mètres du Base Camp, le groupe croise un Coréen du Sud qui prévient que le temps se gâte en haut, une tempête se préparant. « Il y avait 4 mètres de neige là-bas et des personnes ont été évacuées par hélicoptère. Alors, il a fallu prendre une décision. Notre chef nous a alors indiqué la route du retour. En descendant, on s’est arrêté dans une ‘tea-house’ où j’ai planté le drapeau mauricien ».  

Depuis, Arouna Rughooputh a posé ses valises dans le sud de Maurice, où elle mène une vie simple sans artifices, loin des pressions de son métier dans une banque de Londres. « Je pense souvent à ce trek. À chaque fois où j’étais au bord de la rupture, j’ai pensé à mon dada et mon chacha », dit-elle. Peut-elle se lancer à nouveau dans une telle aventure ? « Je n’ai plus l’âge pour refaire cela, ça peut être autre chose. Aujourd’hui, ma priorité c’est mon engagement en politique et mon projet de petite entreprise », indique-t-elle.

 

  • defimoteur

     

 

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