
Rs 11,7 millions envolées via l’application Zoiper : une escroquerie qui met en lumière les dérives des cryptomonnaies et l’urgence, pour les investisseurs, d’être plus vigilants que jamais.
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Une arnaque à Rs 11,7 millions. Une application méconnue, Zoiper. Et un système bien rodé pour piéger les investisseurs. La récente escroquerie dont a été victime une ressortissante française via l’application Zoiper remet sur le tapis la question de la sécurité des investissements en cryptomonnaies à Maurice. Cette affaire rappelle avec force une réalité trop souvent sous-estimée : dans l’univers des actifs numériques, la vigilance n’est pas une option, mais une nécessité vitale.
Me Arvin Halkhoree, avocat spécialisé, partage ses conseils pour éviter de tomber dans les pièges tendus par des escrocs de plus en plus sophistiqués. « Avant d’investir, il faut vérifier que la plateforme est enregistrée auprès de la Financial Services Commission (FSC). C’est une information disponible sur son site web », conseille-t-il d’emblée. Cette vérification préliminaire permet d’écarter d’office les plateformes non régulées qui opèrent en marge du cadre légal mauricien.
L’avocat recommande également de prêter attention à plusieurs indicateurs de légitimité : la transparence sur l’identité des dirigeants, l’existence de conditions d’utilisation claires et de politiques de sécurité accessibles au public. Ces éléments constituent un premier filtre indispensable pour distinguer les acteurs fiables des opérateurs douteux.
Me Arvin Halkhoree attire aussi l’attention sur des signaux qui doivent immédiatement éveiller les soupçons : « Les promesses de rendements garantis, les sollicitations pressantes à investir, ou encore le flou autour des modalités de retrait des fonds sont autant de signaux d’alerte. Il faut éviter ces offres à tout prix. » De telles promesses, souvent trop belles pour être vraies, dissimulent fréquemment des mécanismes frauduleux ciblant les investisseurs mal informés.
Face à un secteur aussi complexe et volatil que celui des cryptomonnaies, l’éducation financière devient une nécessité absolue. « L’investisseur doit comprendre dans quoi il s’engage, savoir repérer les signes d’une fraude et, surtout, faire preuve d’esprit critique face aux offres trop alléchantes », insiste le juriste.
Il recommande systématiquement de prendre le temps de se renseigner, de vérifier la licence du prestataire et, en cas de doute, de consulter un avocat ou un conseiller financier. « La vigilance reste la meilleure protection », martèle-t-il, soulignant que cette précaution vaut largement le temps investi, surtout quand on considère les sommes en jeu.
Les limites du cadre réglementaire
Si Maurice s’est doté d’un cadre légal avec le Virtual Asset and Initial Token Offering Services Act 2021 (VAITOS), ce dernier comporte encore certaines limites que les investisseurs doivent garder à l’esprit. Cette loi, adoptée pour aligner la législation locale sur les normes du Financial Action Task Force (FATF), vise à encadrer juridiquement les services liés aux cryptomonnaies.
« Elle impose aux prestataires d’actifs virtuels (Virtual Asset Service Providers – VASP) des obligations strictes en matière de conformité, de transparence, de gouvernance et de lutte contre le blanchiment », précise Me Halkhoree. Parmi ces obligations figurent l’enregistrement auprès de la FSC, la mise en œuvre de procédures KYC (Know Your Customer) et l’adoption de dispositifs de cybersécurité robustes.
Cependant, la protection offerte aux investisseurs demeure limitée sur plusieurs plans. « Le VAITOS ne garantit pas les investissements. Le risque reste entièrement à la charge de l’investisseur », souligne l’avocat, ajoutant qu’« il n’existe actuellement à Maurice aucun fonds de garantie obligatoire pour les investisseurs ».
Même si certaines obligations, comme la séparation des fonds des clients, apportent un minimum de sécurité, elles ne prémunissent ni contre les fluctuations du marché, ni contre les faillites. La FSC peut retirer la licence d’un VASP en cas de manquement grave, mais cela n’implique pas automatiquement un dédommagement des investisseurs lésés.
Que faire en cas d’escroquerie ?
Si, malgré toutes les précautions, un investisseur devient la cible d’une arnaque, Me Halkhoree recommande une démarche rigoureuse. « La première étape est de porter plainte auprès de la police. Il est aussi essentiel d’informer la FSC si l’escroc se faisait passer pour un prestataire régulé », explique-t-il.
Si l’auteur est identifié, une action civile peut être intentée. Toutefois, l’avocat tempère les espoirs de récupération des fonds : « Les actifs numériques peuvent rapidement changer de mains, être convertis ou transférés sur des portefeuilles anonymes. Cela complique considérablement le recouvrement. »
De plus, la dimension souvent transfrontalière de ces fraudes ajoute une complexité supplémentaire. « Des démarches d’entraide judiciaire internationale sont alors nécessaires, ce qui peut prendre beaucoup de temps, voire échouer si les fonds sont dissimulés à l’étranger », déplore l’expert.
Implications fiscales à Maurice
Sur le plan fiscal, la situation mauricienne présente certaines spécificités que les investisseurs doivent connaître. « Maurice n’applique pas d’impôt sur les plus-values pour les particuliers. Les gains issus d’opérations ponctuelles ne sont donc généralement pas taxés », explique Me Halkhoree.
Cependant, cette fiscalité favorable évolue lorsque le trading devient une activité régulière. Dans ce cas, les revenus peuvent être requalifiés en revenus commerciaux, donc soumis à l’impôt. « Cette requalification dépend de plusieurs critères : fréquence des transactions, durée de détention, organisation mise en place, entre autres », précise l’avocat.
Pour les entreprises, la règle est plus simple : les revenus tirés de la cryptomonnaie sont intégrés dans le calcul des bénéfices imposables selon les règles classiques de l’impôt sur les sociétés.
L’affaire de fraude de Rs 11,7 millions via Zoiper agit ainsi comme un signal d’alarme : dans l’univers encore jeune et volatil des cryptomonnaies, prudence et information sont les meilleurs alliés des investisseurs. À Maurice comme ailleurs, le cadre légal évolue pour renforcer la protection des consommateurs, mais la vigilance personnelle reste irremplaçable face aux risques inhérents à ces nouveaux marchés financiers.

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