Interview

Armoogum Parsuramen: «Certains fonctionnaires rendent difficile la vie des handicapés»

Le Pr. Armoogum Parsuramen estime que le gouvernement gagnerait plus à se ressaisir et revoir sa politique  en faveur des handicapés à Maurice plutôt que d’adopter une posture défensive. Le dernier rapport du comité des Nations Unies sur les Droits de la Personne Handicapée est très critique sur la situation à Maurice. êtes-vous d’accord avec les remarques faites dans ce rapport ? Il faut prendre toute la mesure d’un tel rapport. Un organisme tel que les Nations Unies commande le respect en raison du sérieux de son travail. En tant qu’ancien fonctionnaire des Nations Unies, je peux vous assurer qu’avant que ce rapport n’ait été rendu public, il y a eu tout un travail de vérification et de contre-vérification qui a été fait. Le gouvernement a eu l’occasion de répondre aux  interrogations, d’expliquer les lacunes et  même d’objecter à certaines critiques s’il les estime non fondées. Ce n’est pas, comme on dit en langue Kreol, enn rapor ninport. Pour moi, c’est un rapport qui a toute sa valeur, qu’il ne faut pas prendre à la légère et qui mérite toute notre attention.
Comment justifiez-vous les critiques si, comme vous le dites, le gouvernement a eu l’occasion de s’expliquer avant la publication  du rapport final? J’ai été ministre et par la suite haut fonctionnaire des Nations Unies. De là-bas, j’ai pu témoigner de la manière de faire de certains fonctionnaires. C’est-à-dire ? Dans bien des cas il y a un manque de conscience professionnelle. Je dois toutefois avouer que cette attitude ne se limite pas qu’à Maurice. Plusieurs autres pays font la même erreur. On prend les choses for granted  comme si les autres nous doivent quelque chose.
[blockquote]« Les autorités font preuve d’une insensibilité criante à l’égard des enfants à besoins spéciaux. »[/blockquote]
Doit-on avoir peur du jugement des Nations Unies ? Les Nations unies ne sont pas une police suprême. Elles ne peuvent dicter ou donner des instructions à un gouvernement. Mais elles peuvent condamner et blâmer un pays en infraction avec les conventions qu’il a signées. Cela se ressent aussi sur les indices internationaux. Maurice est une démocratie reconnue, on aimerait bien être parmi les premiers sur d’autres indicateurs. Mais c’est triste de constater qu’en ce qu’il s’agit des handicapés nous avons un long retard. Que doit faire le ministère de tutelle pour se rattraper ? Il ne doit pas prendre une posture défensive et prendre ces critiques comme un blâme. Le gouvernement mauricien doit se ressaisir et accueillir ces critiques d’une manière honnête et rectifier le tir. Honnête? Ce que je veux dire c’est que l’état reconnaisse les manquements soulignés dans ce rapport et enclenchent les initiatives appropriées pour les corriger. Le gouvernement doit se montrer  humble et reconnaître ses erreurs. Ce problème ne se limite pas qu’à Maurice. De nombreux pays, consciemment ou inconsciemment, ‘oublient’ souvent cette catégorie de citoyen. L’erreur est humaine. La corriger est preuve d’humilité. Maurice est signataire de la convention sur les droits des handicapés. Elle n’a d’autre choix que de se remettre sur les rails et jouer la transparence. Quid de la responsabilité de la société civile ? Justement, le ministère doit reconnaitre l’existence et l’importance des ONG et accepter de travailler en étroite collaboration avec elles. Certains sont réfractaires à cette notion. Vous parlez par expérience? Quand j’ai décidé de m’engager dans cette voie, c’était de manière très désintéressée. Dieu m’a tout donné. Et en retour j’ai voulu faire quelque chose pour mon pays et mes concitoyens. Ce n’est pas facile de se faire comprendre quand on s’engage de cette façon. Ce n’est pas que du bla-bla-bla. I walk the talk. En tant que fondateur de la Global Rainbow Foundation, j’ai dû me battre. Des communications  signées par moi sont restées sans réponses. Je ne demandais pas des faveurs. Il est question-là de justice, de fairness.  J’ai dû faire appel à l’Equal Opportunities Commission. C’est pathétique.  De tels cas sont légions. La faute à qui ? Il y a certains fonctionnaires qui rendent la vie des handicapés difficiles. Et c’est le gouvernement qui est blâmé à cause d’eux.  C’est la responsabilité du ministre concerné de mettre de l’ordre dans son département. Est-ce aux radios privées d’intervenir pour que des cas soient pris en considération et réglés au plus vite ? Où est la notion de service public ? Comment est-ce que le Disability Bill, annoncé depuis quelque temps maintenant, pourrait aider à améliorer la situation des personnes handicapées ? On en a entendu parler depuis plus d’une année. J’ai personnellement rencontré la ministre de tutelle et je lui ai dit qu’il fallait circuler le draft Bill. D’ailleurs le rapport des Nations unies souligne aussi ce fait. Le but est de permettre à toutes les parties concernées d’y apporter leur contribution. On attend  toujours malgré nos maintes sollicitations. En l’absence du, tant attendu, Disability Bill, il y a quand même celles sur l’égalité des chances et l’emploi des personnes handicapées... Parlons de ces lois ! Il y a des contradictions entre les deux. Elles existent certes, mais sont-elles appliquées ? Seulement 20% des entreprises respectent le quota de 3% imposé par la loi. Il y a un manque de bonne volonté. Certaines compagnies sont réfractaires à investir pour accommoder les personnes handicapées. Les employeurs ne jouent pas le jeu. Dans d’autres pays, des sanctions sont prises à l’encontre des contrevenants. Quid du plus gros employeur à Maurice, l’Etat ? Même le gouvernement n’applique pas ce principe.  En Inde, ce n’est pas le secteur privé qui est tenu d’employer au moins 3% de personnes handicapées. C’est le gouvernement qui doit le faire. Il faudra que Maurice revoie sa politique dans ce sens. Le rapport parle aussi de ‘ségrégation’ dans le secteur éducatif. qu’en pense l’ancien ministre de l’Education ? Je suis au courant de certains cas où les autorités font preuve d’une insensibilité criante à l’égard des enfants à besoins spéciaux.  La tendance est actuellement à l’inclusion de tous dans la mesure du possible. Il faut que les autorités fassent preuve de plus d’initiative. J’ai approché le gouvernement pour proposer ma collaboration mais mon offre est tombée dans l’oreille des sourds. J’y ai vu un manque de volonté. Ma démarche n’est pas politique. Vous avez des solutions à proposer au gouvernement ? Que le ministère de la Sécurité sociale réunisse tous les partenaires concernés (stakeholders), circule les rapports et les analyse en toute transparence.  Il ne faut pas rester sur la défensive. Des propositions, il y en a mais pour qu’elles soient entendues, il faut que les autorités acceptent le dialogue.  
 

Une vie dédiée au social

Armoogum Parasuramen, 65 ans,  n’est pas prêt de prendre sa retraite. L’ancien ministre de l’éducation, ex-haut cadre à l’UNESCO, est le fondateur de la  Global Rainbow Foundation  et de l’Université du Troisième Age.
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