Dans les vidéos montrant des actes de torture, les assaillants qui seraient des policiers infligent des impulsions électriques à des personnes à l’aide de Tasers. Or, il est interdit d’utiliser une telle arme au sein de la force policière. Certains, pour se les procurer, se tournent en général vers le marché noir.
Il leur est strictement interdit d’utiliser des armes à électrochocs, communément appelés « Taser Guns » ou plus simplement « Tasers ». Pourtant, des policiers, surtout ceux basés au sein des départements de l’Anti-Drug and Smuggling Unit (Adsu) et de la Criminal Investigation Division (CID), font couramment usage de cette arme classée dangereuse.
L’Independent Police Complaints Commission (IPCC) affirme qu’elle mènera une enquête. « Dans deux vidéos, les policiers utilisent des armes, à savoir des matraques électriques, qui sont interdites par la force policière », indique-t-on (voir encadré).
L’inspecteur Shiva Coothen est également catégorique : l’utilisation des armes à électrochocs ne figure pas dans les Standing Orders de la police. « ‘Nou pena sa. Nou pena Taser’. Cette arme ne fait pas partie de nos équipements. Nos policiers disposent plutôt de révolvers, de fusils, de ‘bâtons tonfa’ et de bombes de gaz lacrymogène », avance le responsable de la cellule de presse de la police dans une déclaration téléphonique faite au Défi Quotidien.
L’article 7 (sous-section (b)) de la Police Act de 1974 – qui parle des équipements que les policiers ont le droit d’utiliser dans l’exercice de leurs fonctions – ne fait aucune mention des armes à électrochocs. Autrement dit, leur utilisation est tout bonnement interdite au sein de la police.
« Leur usage est illégal », confirment des sources policières. Tout policier trouvé en possession d’une arme à électrochocs risque une peine d’emprisonnement minimale de 10 ans. L’article 25 de la Police Act stipule que les policiers utilisant les armes interdites enfreignent la loi.
Mais où se les procurent-ils ? « Les Tasers, dont les prix varient en fonction de leur puissance, sont vendus sur le marché noir à travers le pays. ‘Tou gard kone sa !’ Les policiers qui les utilisent sont ceux qui opèrent en civil, c’est-à-dire ceux de l’Adsu et de la CID. ‘Zot travay an kasiet. Difisil pou piblik al idantifie zot’ », fait-on comprendre. Le moins cher coûterait entre Rs 8 000 et Rs 10 000 au noir.
L’IPCC : «Les policiers pris en flagrant délit d’injustice»
L’Independent Police Complaints Commission (IPCC) demande aux trois présumées victimes de brutalité policière figurant dans les vidéos démontrant des scènes de torture de se tourner vers elle. Ce n’est qu’une fois une plainte déposée, fait-on comprendre, qu’une enquête sera ouverte. « Les policiers ont été pris en flagrant délit d’injustice. L’IPCC va définitivement enquêter dans cette affaire de torture présumée », assure-t-on.
« Les vidéos en circulation sur les réseaux sociaux depuis samedi démontrent qu’il y a des abus de la part de la police. ‘Zot pe fer dominer ar dimounn’. Cela se voit d’emblée sur les images. Les policiers ont été trahis par les images vidéo. Ils ne sont pas masqués », ajoute-t-on à l’IPCC. Le pire, poursuit-on, est que « dans deux vidéos, ils utilisent des armes qui sont interdites par la force policière, à savoir des matraques électriques ».
L’organisme donne l’assurance que l’enquête sera traitée avec sérieux. Les plaignants, explique-t-on, devront être confrontés aux policiers durant une parade d’identification. « Une fois l’enquête bouclée, le dossier sera envoyé au bureau du Directeur des poursuites publiques qui décidera de la marche à suivre. »
Selon des renseignements, l’IPCC a résolu environ 700 cas de brutalité policière présumée depuis sa création en 2016. Une dizaine de cas ont été transmis au bureau du DPP, quatre ont été logés en cour et une quinzaine ont été déposés à la Disciplined Forces Service Commission.
Pour vendre ou posséder un Taser : «Il faut avoir l’aval du CP»
Le mot Taser est sur toutes les lèvres depuis la publication de diverses vidéos de brutalité policière alléguée. Il a été utilisé à plusieurs reprises sur un habitant de Cité Sainte-Claire, à Goodlands, par des limiers de la Criminal Investigation Division (CID) de Terre-Rouge. Que dit notre législation sur la possession, la vente, l’achat et la fabrication d’un Taser ? Le point avec l’avocat Me Ekant Bhavish Budhoo.
Le pistolet à impulsion électrique (PIE), plus communément appelé Taser, est une arme de défense non létale. Il projette deux pointes métalliques reliées à l’arme par deux câbles fins qui conduisent le courant. Elles libèrent une décharge de plusieurs dizaines de milliers de volts au contact de la peau, ce qui paralyse et affaiblit le sujet pendant de longues secondes. Selon Me Ekant Bhavish Budhoo, la loi mauricienne ne donne pas d’explication claire quant à la définition d’un Taser ou d’un « pistolet paralysant » (« stun gun »). Il indique qu’un Taser ou un « stun gun » n’est pas considéré comme une arme à feu, mais comme une arme qui libère des substances nocives en vertu de l’article 24(1) de la « Firearms Act ».
Me Ekant Bhavish Budhoo précise qu’avant d’importer une arme à Maurice, il faut vérifier si cette celle-ci relève de la définition des « Prohibited Fireams », toujours en vertu de la « Firearms Act 2006 ». Normalement, fait-il ressortir, avant de détenir légalement une arme à feu à Maurice, il faut effectuer une demande d’un permis d’armes à feu (« Firearm Licence ») et d’un « certificat de compétence » (« Competency Certificate ») auprès du Commissaire de police. « Il appartient à ce dernier d’imposer des conditions quant à l’utilisation du Taser. Pour sa part, la personne en possession du pistolet à impulsion électrique doit informer les autorités concernées et indiquer les circonstances dans lesquelles il sera utilisé », soutient-il.
Concernant les ventes de Tasers, Me Ekant Bhavish Budhoo est catégorique. Ils ne peuvent pas être commercialisés sans avoir obtenu l’autorisation du Commissaire de police, au cas contraire c’est considéré comme une infraction aux articles 24(1) et 46 de la « Firearms Act ». En cas de condamnation, la personne trouvée coupable est passible d’une amende n’excédant pas Rs 200 000 et une peine d’emprisonnement ne dépassant pas 15 ans. Cette sanction est aussi applicable quand une personne est reconnue coupable d’être en possession, d’avoir acheté ou fabriqué un Taser sans avoir obtenu au préalable l’autorisation du Commissaire de police.
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