Arjoon Suddhoo : «Une compagnie d’aviation déficitaire est un obstacle à la croissance»

L’industrie est encore plus compétitive qu’avant. Le transporteur national n’a pas droit à l’erreur dans sa stratégie d’investissement. Arjoon Suddhoo, de retour au poste de président du conseil d’administration depuis le 9 mars 2015, est confiant que ces investissements sont valables.

Comment se porte Air Mauritius à la fin de l’année financière 2016-2017 ?
Le bilan annuel sera publié le 19 juin. Nous espérons atteindre nos objectifs de performance. Déjà, après les neuf premiers mois de l’année financière, les résultats ont été très encourageants avec des profits de Rs 1,1 milliard. C’est l’aboutissement d’une série de réformes initiées au début de l’année financière 2015-2016. Nous nous sommes engagés dans une trajectoire de développement, nous avons mis l’accent sur une discipline stricte en matière de coûts. En même temps, nous avons poursuivi avec l’investissement dans nos produits et services. Les premières retombées de ces mesures ont été visibles dans la période 2015-2016 avec une profitabilité de Rs 675 millions. Nous nous attendons à ce que cette trajectoire se maintienne.

Quels sont les grands chantiers dans le moyen terme ?
Air Mauritius se trouve dans une meilleure position sur le plan financier. Cela nous permet d’investir dans l’avenir de la société. L’environnement dans le monde de l’aviation est encore plus compétitif. Les compagnies sont en train d’innover et cherchent toujours à mieux faire pour offrir de meilleurs produits à des prix compétitifs. Nous devons en faire de même si nous voulons nous assurer de la viabilité à long terme du groupe. Cette année, Air Mauritius a annoncé des investissements majeurs en termes de produits, notamment, une commande pour huit nouveaux avions. Les deux premiers A350-900 intègrent notre flotte en fin d’année. En 2018, Air Mauritius accueillera deux nouveaux A330Neo. Après, ce sera au tour de quatre A350-900 additionnels. En parallèle, nous démarrerons un projet de réaménagement d’intérieur de cabine dans les six avions existants, qui feront toujours partie de notre flotte. Ce faisant, à partir de juillet 2018, nous offrirons un produit valorisé à nos clients : des fauteuils inclinables à 100 % en catégorie Business, des cabines plus spacieuses et confortables en classe Économie, connexion WI-FI, et le meilleur de musique et vidéo sur demande.

Est-ce que l’acquisition de nouveaux avions pèseront lourds dans les finances d’Air Mauritius et comment y remédier ?
La compagnie entreprend des investissements sans précédent dans son avenir. L’impact financier a été pris en considération dans nos flux de trésorerie. Quand on consent à investir, on planifie déjà le retour sur l’investissement. Nous sommes satisfaits du fait que les investissements sont valables. Si nous n’effectuons pas ces investissements, l’impact aurait été très néfaste sur les finances à long terme de la société, mais en particulier sur la qualité de nos produits et services.

Avec du recul, quelle est la différence entre Air Mauritius de ses débuts et aujourd’hui?
Tout au long de son existence, Air Mauritius est passée à travers beaucoup de phases et d’approche, ce afin de mener à bien sa mission en tant que compagnie d’aviation nationale et en tant qu’entreprise.

À l’issu de son incorporation en 1967, Air Mauritius a commencé en tant qu’opérateur au sol. Nous possédions des escaliers. Mais nous n’avons jamais perdu de vue notre ambition de devenir une compagnie d’aviation à part entière. (…)

La différence principale dans notre modèle d’exploitation est que désormais nous opérons selon un modèle de réseau nodal. Aujourd’hui, c’est mieux d’offrir des choix et flexibilité aux passagers sur un aéroport principal au lieu de proposer beaucoup de destinations, mais qui ne sont desservies qu’une fois par semaine. Parce que l’industrie de l’aviation ne fonctionne plus selon ce modèle. Aujourd’hui, par exemple, Air Mauritius offre des vols quotidiens sur Paris. De l’aéroport Charles de Gaulle, ce sont des connexions fluides à plus de 40 destinations à travers l’Europe que nous mettons à la disposition des clients.

Avec l’ouverture de l’espace aérien, il y a plus de compétition. Les rendements sont faibles. Les marges de profitabilité sont plus minces qu’avant. Le prix du fioul et le taux de change euro/dollar est plus volatil. Cela peut avoir un impact décisif sur la rentabilité d’une compagnie d’aviation. En 2008, nous avons constaté à quel point cette volatilité a eu un impact désastreux sur l’industrie, poussant tant de compagnies aériennes vers la banqueroute.

Air Mauritius a fait preuve de résilience. Au cours des deux dernières années, nous sommes devenus un transporteur axé sur l’avenir. Nous avons réalisé tout ça avec des fonds générés en interne.

Est-ce que le groupe d’aviation est une entité dont l’objectif est de générer des profits ou bien fait-il partie d’une politique plus nationale ?
De par le monde, les compagnies nationales d’aviation sont confrontées à cette dichotomie. Comment réconcilier leur mission de transporteur national tout en protégeant l’intérêt des actionnaires en tant qu’une société listée en Bourse. Pour nous, la réponse est claire. Nous devons être profitables. Une compagnie d’aviation nationale essuyant des pertes, au lieu de contribuer au développement du pays, pourrait devenir un obstacle à la croissance nationale. Des fois, les choix sont difficiles (à faire). Mais ils doivent être faits dans l’intérêt à long terme de la compagnie et du pays.

Quelles sont les nouvelles destinations en vue et les destinations existantes qu’Air Mauritius cherche à consolider ?
Depuis le mois d’avril, Air Mauritius offre deux vols sur Pierrefonds, à La Réunion, avec l’intention d’accéder au marché dans le Sud de l’île. En 2017, nous démarrons des vols saisonniers sur Genève, en Suisse. Et en novembre, nous commençons les opérations vers Amsterdam avec notre partenaire KLM. L’aéroport de Schiphol est une plateforme importante en Europe, nous donnant un meilleur accès aux marchés de l’Est et du Nord du continent.