Le directeur du Mauritius Research Council (MRC) indique que l’éolienne et la marée motrice peuvent aider le pays à diminuer drastiquement sa dépendance sur des produits pétroliers. Il déplore aussi la baisse d’intérêt des jeunes pour les sciences.
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« L’anglais, le français et les mathématiques sont obligatoires jusqu’à la Form V dans les collèges. Pourquoi pas les sciences ? »
L’université de Maurice a organisé la 9e édition de sa « Research Week » la semaine dernière. Vous-êtes vous intéressé à la qualité des travaux soumis ?
L’initiative du campus de Réduit est très louable. C’est l’occasion pour de jeunes chercheurs de s’expliquer sur leurs travaux. Le temps où des recherches étaient menées en isolation est révolu.
Les jeunes doivent maintenant apprendre à mieux communiquer sur leurs recherches, à faire du networking, à travailler en équipe et à se concentrer sur des secteurs porteurs. Il faut convenir que Maurice est un petit pays qui ne peut investir aussi massivement dans la recherche que les états avancés.
Plusieurs travaux pluridisciplinaires ont été présentés lors de cette Research Week, notamment au niveau de la faculté des études océaniques. L’aspect sociétal est désormais pris en compte, toute recherche devant démontrer quel sera son impact sur les gens.
Je dois féliciter ces entreprises qui financent des recherches à l’université. Elles ont des idées portant sur la biotechnologie, le recyclage des déchets, entre autres.
Les jeunes sont-ils toujours aussi peu intéressés par les sciences ?
Malheureusement oui. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Seuls 25 % à 30 % des élèves choisissent les matières scientifiques jusqu’au School Certificate.
Est-ce le syndrome des honoraires à Rs 19 millions ?
Il y a un peu de cela. Il faut savoir que dans la majorité des cas, ce sont les parents qui font ce choix à la place de leurs enfants. Ils tiennent surtout compte de critères économiques, comme le fait de savoir quel métier rémunérateur il pourra décrocher à l’avenir. Ils considèrent que leur progéniture touchera davantage en tant qu’avocat ou comptable que comme ingénieur ou pharmacien.
Il faut aussi se poser la question de savoir si à cet âge un enfant est assez mûr pour décider quelle filière il préfère. Je peux sembler biased, car j’ai moi-même suivi la filière scientifique, celle-ci permettant un large éventail de choix au niveau professionnel.
L’enseignement des sciences doit être repensé. Permettre aux enfants de s’amuser en apprenant les sciences boostera la filière. La nanotechnologie, par exemple, est un secteur d’avenir. Au même titre qu’Internet of Things, car aujourd’hui, tout peut être connecté. Les jeunes doivent commencer à s’intéresser à ces deux secteurs.
Où en êtes-vous avec votre projet de rendre obligatoires les sciences jusqu’à la Form V ? Pouvez-vous forcer un élève à choisir cette filière ?
C’est toujours à l’ordre du jour. L’anglais, le français et les mathématiques sont obligatoires, n’est-ce pas ? Pourquoi pas les sciences ? Elles ne feront qu’étoffer les compétences des Mauriciens de demain.
Quel est le projet dont le MRC peut être le plus fier au cours de ses 24 années d’existence ?
Il y a en a plusieurs. Le MRC a su évoluer avec le temps et parler d’innovation plutôt que la recherche pure qui semblait rébarbative. L’innovation étant source de création d’emplois, un projet sous cette appellation est mieux digéré par un décideur politique.
De l’aspect purement académique, nous nous penchons sur les secteurs émergents. Maurice a beaucoup à gagner avec l’énergie verte. Nous avons beaucoup investi dans l’économie bleue, comme l’utilisation de l’eau de mer en grande profondeur pour l’air conditionné, la culture d’algues et la production d’énergie grâce à la marée motrice.
L’un des avantages du MRC, c’est qu’il peut étudier un concept que d’autres organismes ne voudront pas prendre le risque d’étudier. Personnellement, je pense que Maurice devrait produire 60 % à 70 % de son électricité à partir d’énergies renouvelables.
Tout le monde se concentre sur le soleil alors que nous sommes entourés de la mer. Nous venons d’obtenir une subvention du gouvernement australien pour créer le prototype d’une wave farm.
D’un autre côté, grâce à l’énergie que les fermes éoliennes basées au large peuvent produire, Maurice n’aura pas à utiliser une goutte de carburant d’après nos calculs. L’Écosse a adopté ce mode de production d’énergie, pourquoi pas Maurice ?
Combien coûterait un tel projet ?
Il est trop tôt pour le dire. Une étude de faisabilité est en cours. Mais je peux dire qu’un minimum de quatre turbines éoliennes offshore peut subvenir aux besoins énergétiques de Rodrigues. Certains posent des questions sur l’excédent d’énergie produite et qui ne peut être stockée.
Je n’aime pas l’attitude négative de certains. C’est comme si je vous offrais de l’argent supplémentaire et que vous me disiez que c’est trop. Pourquoi ne pas utiliser cet excédent d’énergie pour le dessalement de l’eau de mer ? Il faut commencer à penser autrement.
Cette mentalité d’insulaire m’agace. Profitons de la petitesse de notre territoire pour montrer au monde entier ce que l’on peut faire. Un projet réussi vaut bien les neuf autres qu’on n’a pas pu mener a bien. Au moins, on aura essayé.
Le manque de financement public pour la recherche et l’innovation ne pousse-t-il pas finalement nos meilleurs cerveaux à demeurer à l’étranger ?
J’ai moi-même fait partie de la diaspora. Après avoir été lauréat, j’ai fait mes études en Grande-Bretagne et j’ai choisi d’y rester pour travailler. Ce n’est que 18 ans plus tard que j’ai décidé de rentrer au pays. Personnellement, je pense que nos meilleurs cerveaux doivent avoir ce frottement international. Voir comment de grands projets sont réalisés.
Et vous, qu’est-ce qui vous a poussé à quitter Rolls-Royce pour rentrer au pays ?
Arrivé à une phase de votre vie, comme beaucoup de Mauriciens qui ont vécu à l’étranger, vous voulez laisser une empreinte dans le pays natal. J’aurais bien pu rester en Grande-Bretagne, mais l’appel de la patrie est plus fort. J’ai voulu contribuer à ma façon à l’avancement de Maurice.
La culture des algues pour les produits cosmétiques, la « Land-Based Oceanic Industry », le recours à l’huile de cuisson comme carburant… Où en est-on avec ces projets annoncés en fanfare ?
Il y a des projets qui auront du succès, d’autres pas. La recherche est un investissement. En retour, elle apporte des connaissances. La culture des algues, par exemple, fonctionne très bien à Rodrigues. Des investisseurs se sont montrés intéressés par ce secteur.
À vos yeux, les entreprises mauriciennes sont-elles suffisamment innovantes ?
Tout dépend de ce que l’on comprend par l’innovation. Certains pensent qu’il faut des brevets qui rapportent gros. L’innovation peut être n’importe quoi, du moment qu’elle peut améliorer un produit ou un service. L’innovation doit changer la vie des citoyens de manière positive.
Nos ancêtres ont été des innovateurs. D’une industrie sucrière, nous avons su nous diversifier dans le textile, le tourisme, le secteur bancaire, l’offshore, les technologies de l’information et de la communication et sans doute demain, la nanotechnologie.
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