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Après la déclaration du ministre Padayachy : CSG et paiement de la pension : l’inquiétude refait surface 

Les cotisations de la CSG pour 1er trimestre 2023 se chiffrent à Rs 2,74 milliards.
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L’état de néant du « fonds » de la Contribution sociale généralisée (CSG) a ravivé les inquiétudes des uns et des autres sur un dossier qui avait fait couler beaucoup d’encre. Pour autant, les actuaires sont loin d’être surpris de la situation, ayant même lancé des avertissements avant même l’introduction de la CSG. 

Il a fallu une question parlementaire liée notamment au montant total perçu par le fonds de la Contribution sociale généralisée (CSG) depuis son introduction pour raviver l’inquiétude autour d’un système très contesté. C’est la réponse du ministre des Finances, Renganaden Padayachy, qui a relancé les interrogations sur l’efficacité et la soutenabilité de la CSG. Il a dit ceci : « Le montant total déboursé pour le paiement des différentes prestations est d’environ Rs 25 milliards. Il ne reste donc rien par rapport aux contributions de la CSG. »

L’économiste Vinaye Ancharaz s’interroge sur la source pour financer la hausse de la pension.
L’économiste Vinaye Ancharaz s’interroge sur la source pour financer la hausse de la pension.  

Le fait que le « fonds » de la CSG soit à sec ne surprend pas certains actuaires. Parmi ceux qui ont été sollicités par Le Défi Quotidien, on s’accorde à dire que c’était prévisible. « Nous avions mis en garde sur le fait que la CSG est un ‘unfunded basis’. Le ministre des Finances a tout simplement confirmé qu’il s’agit d’une taxe car le montant récolté va dans le Consolidated Fund, d’où est puisé l’argent destiné à financer les dépenses de l’État », fait-on comprendre.  

Le Grand argentier a voulu afficher la sérénité à propos du financement de la pension et il s’est voulu rassurant en affirmant ceci : « Bien sûr qu’après moi, il n’y aura pas de déluge. » Mais l’économiste Vinaye Ancharaz ne cache pas son inquiétude. Il estime que Renganaden Padayachy prend un risque en tenant une telle affirmation. En sa qualité d’économiste, il s’interroge néanmoins sur la source pour financer la hausse de la pension.  

Dès lors, les options qui se présentent au ministre des Finances amplifient l’angoisse des professionnels. Un actuaire qualifie le stratagème du gouvernement de ruse pour induire la population en erreur. Il explique que lorsque la promesse électorale sur la pension a été faite en roupies et qu’on dévalue la valeur de notre monnaie, cela n’est pas sans conséquence. 

« Le coût de la vie augmente. Les recettes fiscales, c’est-à-dire les revenus de l’État en roupies, grimperont également, mais de manière artificielle. Rs 13 500 en termes réels aujourd’hui équivalent peut-être moins à ce que valait Rs 9 000 dans le passé », souligne l’actuaire.  

Quelle approche pourrait adopter le gouvernement afin d’atteindre le Basic Retirement Pension de Rs 13 500 vendu lors de sa campagne électorale ? Vinaye Ancharaz affirme qu’il ne sera pas surpris face à une éventuelle annonce de la hausse des cotisations pour la CSG. 

Or, avec le problème démographique que connaît Maurice, l’économiste voit mal comment le gouvernement résoudra l’équation d’une population vieillissante grandissante face au nombre de contribuables qui n’enregistrent pas la même tendance. « Il faudra une réforme complète du système de pension qui requiert une véritable volonté politique », argue Vinaye Ancharaz.

Solutions préconisées par des actuaires pour financer la hausse de la pension 

  • Revoir à la hausse les taxes ou la cotisation de la CSG  
  • Réduire le budget des ministères 
  • Réduire les dépenses de l’État 
  • Emprunter à d’autres États, agences ou institutions 

Business Mauritius : Limiter la CSG qu’aux pensions de retraite 

Selon Kevin Ramkaloan, le dernier Budget Memorandum de Business Mauritius inclut une proposition pour ne limiter la CSG qu’aux retraites.
Selon Kevin Ramkaloan, le dernier Budget Memorandum de Business Mauritius inclut une proposition pour ne limiter la CSG qu’aux retraites. 

Du côté de Business Mauritius – qui avait déposé une affaire en justice concernant la CSG –, on estime qu’il serait bon de faire ressortir que dans le Judicial Review de décembre 2020, la Cour avait statué que le gouvernement devait s’assurer que les contributions CSG sont placées sous un item spécifique : l’Employee Contribution under Pension Scheme. 

Le ministère des Finances avait maintenu que le Consolidated Fund représentait déjà cela. Kevin Ramkaloan, Chief Executive Officer de Business Mauritius, souligne que le dernier Budget Memorandum de l’association représentant le secteur privé soumis en avril cette année inclut une proposition pour ne limiter la CSG qu’aux pensions de retraite, tout en reconnaissant que la situation occasionnée par la pandémie était difficile et demandait des mesures ponctuelles spéciales. 

« Pour nous, il est nécessaire que la CSG ne soit rattachée qu’aux pensions de retraite et d’industrie. Si nous nous en tenons au jugement de décembre 2020, qui statue que les fonds du CSG seront ainsi limités, nous n’avons pas raison de nous attendre à une augmentation de la cotisation des employeurs », conclut-il. 

Les dates clés

  • 1er septembre 2021 : mise en application des dispositions de la loi de 2021 sur les cotisations sociales et les prestations sociales 
  • Août 2020 : le dernier mois pour lequel la cotisation au National Pension Fund (NPF) était applicable 

Quelques chiffres Cotisation

Salaire de base mensuel inférieur à Rs 50 000 

  • Employé : 1,5 %
  • Employeur : 3 %

Salaire de base mensuel supérieur à Rs 50 000 

  • Employé : 3 %
  • Employeur : 6 %

Recettes de la CSG 

  • 2020-2023 : Rs 25,8 milliards (montant total)
  • 2020-21 : Rs 5,25 milliards 
  • 2021-22 : Rs 8,35 milliards 
  • 2022-23 : Rs 9,51 milliards 
  • 1er trimestre 2023 : Rs 2,74 milliards

Financement puisé de la CSG 

CSG Income Allowance : 
Rs 6,5 milliards 

CSG Retirement Benefit : 
Rs 2,8 milliards 

CSG Child Allowance : 
Rs 285 millions 

Independence Scheme : 
Rs 285 millions 

Victimes d’accident de travail : 
Rs 38 millions 

CSG Disability Allowance : 
Rs 4,7 millions 

Hausses des pensions : 
Rs 9 milliards 

Special Allowance National Minimum Wage :
Rs 1,6 milliard

Compensation salariale dans certains secteurs :
Rs 126 millions

Prime à l’emploi :
Rs 301 millions 

Housing Loan Relief Scheme : 
Rs 100 millions 

Home Ownership Scheme : 
Rs 2,7 milliards 

Home Ownership Scheme : 
Rs 560 millions 
 

Bernard Yen, actuaire : « Je ne suis pas étonné que le fonds soit à sec » 

Bernard YenSelon les chiffres dévoilés par le ministre des Finances, Rs 25,8 milliards ont été récoltées en un peu plus de trois ans sous la CSG. Cette somme s’aligne-t-elle avec les attentes ? 
À vrai dire, le montant récolté a dépassé ce que les actuaires prévoyaient au moment de l’introduction de la CSG. Nous pensions que celle-ci permettrait d’obtenir Rs 6 milliards par an. En réalité, ce sont Rs 8 milliards qui ont été collectées annuellement. 

Considérez-vous que la manière dont le fonds de la CSG est utilisé se dévie de son objectif initial ? 
Il est clair que l’utilisation de la CSG diffère de ce qui avait été mis en avant lors de son introduction. L’idée au départ était de financer l’augmentation de Rs 4 500 du Basic Retirement Pension (BRP). Entre-temps, les dépenses du gouvernement ont changé. 

Par contre, je ne comprends pas comment on en est arrivé à la somme indiquée pour les dépenses, soit Rs 25,8 milliards. J’ai vu les chiffres liés aux dépenses de l’État qui ont été relayés par les journaux. Il se peut que nous ignorions certains aspects. 

La hausse de Rs 4 500 du BRP qui avait été annoncée à l’époque est seulement de Rs 1 000. La pension de vieillesse a augmenté de Rs 2 000. L’intention initiale était que le BRP reste à Rs 9 000 et que toute augmentation soit faite à partir de la CSG. On ne sait pas si le ministre des Finances a inclus la hausse de Rs 2 000 de la pension de vieillesse dans les chiffres qu’il a révélés à l’Assemblée nationale. 

Êtes-vous surpris du fait que le fonds soit à sec après seulement trois ans ? 
Je ne suis pas du tout étonné. À vrai dire, même si le montant récolté par la CSG n’avait pas été dépensé sur la pension et d’autres items mentionnés par le ministre des Finances à l’Assemblée nationale récemment, l’argent aurait été redirigé vers le Consolidated Fund. 

À partir de là, il aurait été utilisé chaque année. Ce qui n’est pas surprenant, c’est le néant de la caisse de la CSG. C’est pour cela que les actuaires disaient en 2020 qu’il est dommage d’abolir le NPF, qui était une caisse et un fonds d’investissement. 

S’agissant de la CSG, il n’y a pas de fonds qui conserve l’argent récolté. Tant que les dépenses seront supérieures aux revenus, la CSG connaîtra le même sort. Par contre, je ne comprends pas comment on en est arrivé à la somme indiquée pour les dépenses. C’est une des raisons pour lesquelles la Société des actuaires à Maurice avait qualifié la CSG « d’unfunded ». 

Tenant compte du fait que le fonds n’a récolté que Rs 2,47 milliards durant le premier trimestre de cette année, combien de temps faudra-t-il pour qu’il soit convenablement reconstitué ? 
Avec la reprise économique, la CSG pourrait permettre de récolter Rs 10 milliards cette année. Cependant, le financement des diverses allocations épuisera ce montant. Il ne restera pas grand-chose de la CSG pour financer l’augmentation de Rs 1 000 de la pension de vieillesse. 

Quelles sont les options qui s’offrent au Grand argentier pour honorer la promesse électorale touchant à la pension ?
Dans l’éventualité où le gouvernement annoncera une hausse de la pension d‘ici l’année prochaine, il faudra augmenter les autres taxes. Je pense qu’il reverra la pension à la hausse par Rs 1 500 pour atteindre le montant qui a été promis, soit Rs 13 500. 

La pension des plus de 65 ans est de Rs 12 000, soit Rs 11 000 pour le BRP et Rs 1 000 sous forme de la CSG. N’ayant pas de fonds pour ces Rs 1 500 supplémentaires, le gouvernement devra en trouver. 

Cela fait plus de trois ans que la CSG a été introduite. Diriez-vous que c’était une erreur d’abolir le NPF ? 
On aurait pu continuer d’alimenter le NPF. La pension était d’environ Rs 6 000. Je n’étais pas contre une augmentation du BRP. Toutefois, on aurait pu voir comment faire pour atteindre les Rs 13 500. Mon point de vue était que le NPF était plus solide que la CSG. 

La population vieillissante pèsera sans aucun doute dans la balance concernant le financement de la pension et le nombre de contribuables. Vos commentaires ? 
Il faut encourager les gens à investir dans une pension privée, mais aussi les employeurs dans un fonds de pension pour leurs employés. Il est important d’inciter la population à se prendre en charge. 

La retraite est coûteuse et c’est assez personnel. Je pense que ce n’est pas le rôle du gouvernement de payer l’intégralité de la pension. Il est clair qu’aujourd’hui même Rs 13 500 ne seront pas suffisantes. 
Nous devons encourager les gens à épargner. Il serait également intéressant de revoir le Portable Retirement Gratuity Fund (PRGF). Il aurait pu être reconverti en un fonds de pension.  

Le CSG au cœur des débats 

Mardi dernier, le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, a annoncé à l’Assemblée nationale que Rs 25 milliards ont été collectées à travers la Contribution Sociale Généralisée (CSG). Ce fonds, qui était destiné à financer l’augmentation des pensions, est désormais épuisé. C’était le sujet de l’émission « Au Cœur de l’Info » animée par Prem Sewpaul, jeudi. 

L’ancienne parlementaire et observatrice économique, Nita Deerpalsingh, a expliqué la différence entre le National Pension Fund (NPF) et la Contribution Sociale Généralisée (CSG). « Aucun politicien ne pouvait mettre la main dans les fonds du NPF contrairement à la CSG qui est dangereuse, car on peut y puiser pour faire la ‘bouss dou’. C’est ainsi que Rs 25 milliards ont été ‘bilao’ (dilapidé) », s’est-elle indignée. 

Elle a ajouté que si le NPF était déficitaire, il y avait des moyens de le rééquilibrer. Le président du MMM, le député Reza Uteem, a abondé dans le même sens. « C’est vrai que la Banque mondiale a indiqué que le NPF serait déficitaire en 2050. Il aurait suffi d’augmenter le barème de contribution et il aurait été solvable », a-t-il soutenu. Selon lui, la CSG, « ce n’est pas une réforme, mais un moyen de taxer les gens pour financer leurs largesses. On a pris Rs 25 milliards des travailleurs. » 

Selon l’économiste Kugan Parapen, la CSG n’a rien à voir avec la contribution. « Le ministre des Finances a mené la population en bateau. Quand il a parlé de réforme de la pension pour justifier l’abolition du NPF, c’était un mensonge. Dès 2021, ils ont commencé à puiser dans ce fonds », a-t-il déploré. 

Comme les autres intervenants, il est d’avis qu’on aurait pu résoudre le problème du NPF. « Si le NPF n’a pas marché, c’est à cause de l’incompétence et d’une mauvaise gestion. Il y avait les wrong persons at the wrong place at the wrong time », a conclu Kugan Parapen. 


 

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