
La situation semble plus grave que ce que l’on aurait pu croire. Les fonds de la contribution sociale généralisée (CSG) ont été dépensés en totalité. Et en plus, à la fin d’avril, il était dans le rouge à hauteur de Rs 122 millions. Il avait enregistré un déficit de Rs 7,77 milliards pour l’année financière 2024/25 (jusqu’au 25 avril 2025).
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Le modèle financier de la CSG, pierre angulaire du nouveau système de la protection sociale à Maurice depuis 2020, parait bel et bien au bord de la rupture. Un document déposé à l’Assemblée nationale durant la semaine écoulée en réponse à une question écrite adressée au Premier ministre et ministre des Finances, Navin Ramgoolam, lors de la dernière séance parlementaire dresse un tableau inquiétant. Les dépenses explosent, les déficits s’accumulent et l’équilibre promis du système s’est effondré.

D’un excédent confortable à un gouffre financier
Lors de son lancement en 2020/21, la CSG affichait un excédent de Rs 3,85 milliards. L’année suivante, ce surplus grimpe à Rs 6,40 milliards. Mais dès 2022/23, l’alarme retentit : l’excédent fond à seulement Rs 596 millions. Puis, en 2023/24, c’est la bascule : le déficit atteint Rs 3,21 milliards.
Le plus préoccupant est sans doute la tendance observée pour l’exercice en cours (jusqu’au 25 avril 2025) : le déficit bondit à Rs 7,77 milliards. Au total, la balance globale des cinq années affiche désormais un solde négatif de Rs 122 millions, malgré les excédents engrangés au début du programme. En d’autres termes, tout ce qui avait été accumulé a déjà été consommé… et au-delà.
Ce renversement interpelle : en moins de deux ans, le système a englouti l’intégralité des excédents précédents. Au rythme actuel, le déficit sera de plusieurs milliards d’ici à la fin de 2026.
Des dépenses sociales en forte croissance, sans contrepartie suffisante
Ce déséquilibre est essentiellement dû à une hausse rapide et continue des prestations sociales. Alors que les recettes cumulées de la CSG s’élèvent à Rs 44,58 milliards, les dépenses au titre de la Social Contribution and Social Benefits Act atteignent Rs 34,04 milliards. De plus, il y a Rs 10,66 milliards de « paiements annexes », principalement les cotisations versées par l’État pour ses propres employés (Rs 9,22 milliards).
L’allocation la plus coûteuse est sans conteste la CSG Income Allowance, qui représente à elle seule Rs 20,77 milliards, soit plus de 60 % des prestations totales. D’autres postes ont vu le jour récemment : la « CSG Retirement Benefit » (Rs 8,38 milliards), les allocations pour enfants et écoliers (Rs 3,650 milliards au total), et de nouvelles prestations ciblées comme l’« Equal Chance Allowance », l’« Independence Allowance », ou encore la « Maternity Allowance ».
Si ces mesures ont sans doute contribué à atténuer les effets sociaux de la hausse du coût de la vie, leur multiplication et leur coût croissant interrogent la capacité de la CSG à les soutenir durablement.
Un modèle de financement insoutenable
Le tableau présenté montre clairement une anomalie structurelle : les revenus stagnent, tandis que les dépenses s’envolent. Le système repose essentiellement sur les cotisations du secteur privé, qui a versé à lui seul plus de Rs 32 milliards en cinq ans. Les employés du public, eux, n’ont contribué qu’à hauteur de Rs 1,7 milliard, et l’État a dû prendre à sa charge la part patronale des fonctionnaires.
Ainsi, non seulement le secteur public ne finance pas sa propre protection sociale, mais il pèse lourdement sur les finances du système. La contribution directe de l’État via ses cotisations et les allocations spéciales versées aux fonctionnaires pour régler leur part de la CSG représente près d’un quart des dépenses totales du système.
Avenir budgétaire incertain
À ce rythme, le système CSG pourrait bientôt ne plus être en mesure d’honorer ses engagements. L’absence de mécanisme indépendant de gestion – contrairement à l’ancien NPF – aggrave la perception de fragilité du système. Les fonds collectés ne sont pas mis en réserve, mais utilisés en flux tendu à partir du budget de l’État.
L’absence d’un fonds indépendant de gestion de la CSG, comme c’était le cas pour le NPF, a déjà suscité de nombreuses critiques de la part du Parti travailliste et du Mouvement militant mauricien aujourd’hui au pouvoir. Les montants collectés et dépensés sont aujourd’hui intégrés au Budget consolidé de l’État, ce qui rend difficile tout contrôle indépendant et favorise les risques d’utilisation à des fins électoralistes ou conjoncturelles.

À propos de la CSG
La contribution sociale généralisée (CSG) a été introduite en septembre 2020, marquant un tournant majeur dans le financement de la protection sociale à Maurice. Sa mise en place s’est accompagnée de l’abolition des contributions au National Pensions Fund (NPF), système jusque-là en vigueur.
Initialement instaurée par voie de règlement, la CSG a ensuite été formalisée par le vote de la Social Contribution and Social Benefits Act en 2021. Cette législation encadre à la fois le prélèvement des contributions et le versement des prestations sociales.
Le taux de contribution varie selon le niveau de rémunération des salariés. Pour les employés gagnant jusqu’à Rs 50 000 par mois, la cotisation est fixée à 1,5 % pour le salarié et 3 % pour l’employeur. Pour ceux dont le salaire dépasse ce seuil, les taux passent à 3 % pour le salarié et 6 % pour l’employeur.
Ce dispositif vise à élargir la base de la protection sociale, mais suscite depuis plusieurs mois des interrogations quant à sa viabilité financière, comme le montre l’évolution des déficits enregistrés depuis 2023.
Réforme de la CSG
Une réforme de la contribution sociale généralisée (CSG) pourrait être annoncée par le Premier ministre et ministre des Finances, Navin Ramgoolam, lors du Budget 2025/26, le jeudi 5 juin. Cette perspective a été évoquée de manière explicite lors de la séance parlementaire du 13 mai. Répondant à une question du député de la majorité, Khushal Lobine, le chef du gouvernement a déclaré qu’il examinait la question.
Constats clés
- Le point de bascule survient dès 2022/23, où le solde passe de Rs +6,4 milliards à +596 millions.
- En deux ans, le système a généré un déficit cumulé de Rs 10,970 millions.
- Les prestations sociales ont quadruplé en deux ans (de Rs 6,5 Mds à près de Rs 16 Mds).
- L’État assume la quasi-totalité des cotisations des fonctionnaires, pesant lourdement sur le budget.

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