Interview

Anil Gayan, ministre du Tourisme : «À un moment, Air Asia X a braconné sur le terrain d’Air Mauritius»

Le nouveau ministre du Tourisme considère que les campagnes de promotion en direction de ces deux pays ne doivent pas se limiter aux seules mégapoles. Il estime également que le créneau d’horaire pour les arrivées et les départs à Mumbai doit être revu par Air Mauritius.

Publicité

De la Santé au Tourisme, vous venez d’amorcer un virage à 180 degrés. Ce maroquin vous a-t-il été imposé après le tollé soulevé par les médecins spécialistes ?
La nomination d’un ministre est la prérogative du chef du gouvernement. Ce maroquin était occupé par l’ex-n°2 du gouvernement et c’est son remplaçant qui en assurait la suppléance. Le Tourisme est l’un des piliers importants de notre économie. Le Premier ministre a voulu faire confiance à quelqu’un de rodé.

Est-ce une promotion ?
J’ai été ministre du Tourisme dans les années 80, ainsi qu’entre 2003 et 2005. Je ne suis pas en territoire inconnu, ni suis-je en train de prendre le train en marche.

Les médecins spécialistes sont très contents de votre départ. Les organisations non gouvernementales (Ong) engagées dans la lutte contre la toxicomanie aussi. Pourquoi étiez-vous si mal-aimé à la Santé ?
J’ignore si j’étais mal-aimé… Je reçois beaucoup d’appels de personnes qui regrettent mon départ du ministère de la Santé. Elles considèrent que la plupart des réformes enclenchées auraient dû être poursuivies.

J’ai lu dans la presse les déclarations des médecins spécialistes comme quoi le dialogue est ouvert avec le nouveau ministre. Pourtant, j’ai organisé un colloque pour discuter avec eux. Ils ont opté pour un « walk-out ».

En ce qu’il s’agit des Ong, il était de mon devoir d’avoir une vue d’ensemble sur les aides financées par l’argent des contribuables. Chacun a défendu sa paroisse : la mienne, c’est l’intérêt national.

Votre remplaçant, Anwar Husnoo, est membre du Muvman Liberater (ML). Est-ce qu’il va poursuivre votre réforme ?
Nous sommes également dans le même gouvernement. Je ne prends aucune décision de mon propre chef. Celle de revoir le traitement des toxicomanes à la méthadone, par exemple, a été avalisée par le Conseil des ministres. Les Ong avaient fait tout un ramdam autour de cette décision. Où sont les problèmes qu’elles avaient prédits ?

Votre camarade semble bien parti pour enterrer la réforme des spécialistes…
Il n’y a eu aucune interdiction faite aux spécialistes de pratiquer dans le privé. La réforme vise à mettre un terme aux abus. Ce sera la priorité de tout ministre. Un spécialiste ne peut pratiquer dans une clinique privée aux heures où il doit se trouver à l’hôpital ! Il est rémunéré grâce aux fonds publics. Qu’il dispense des soins au public en priorité…

Xavier-Luc Duval rappelle que la croissance dans le Tourisme a baissé lorsque vous étiez ministre entre 2003 et 2005. Qu’en est-il exactement ?
Il devrait aussi faire preuve d’honnêteté intellectuelle. Sans doute a-t-il oublié que le secteur a souffert au niveau mondial à cause des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis.

L’un de ses objectifs était de dépasser la barre d’un million de touristes. Et vous, qu’elle est votre défi et quel marché retient votre attention ?
Nous tablons sur une croissance de 10 %. L’Europe demeure notre marché principal. Il ne faut pas négliger pour autant l’Inde et la Chine qui sont des marchés porteurs.

Les arrivées de l’Inde doivent être revues à la hausse. Encore faut-il que les vols à l’arrivée comme au départ ne soient pas programmés à des heures indues. Un vol au départ de Mumbai décolle à 6 heures et atterrit à 5 heures. J’ai évoqué la question avec Air Mauritius afin qu’elle trouve un autre créneau d’horaire.

Nos campagnes publicitaires sont concentrées sur Mumbai, New Delhi et Chennai. C’est la même chose en Chine. Nous devons démarcher à l’intérieur de ces pays.

Pourquoi un Indien viendrait-il à Maurice quand il peut se rendre sur les plages de Goa ?
Maurice demeure une destination de rêve. Des Mauriciens n’ont-ils pas une préférence pour la Malaisie ? Ils ont été nombreux à se rendre là-bas grâce à AirAsia X.

C’était davantage pour le shopping, non ?
On trouve également de tout à Maurice.

Du biscuit fait maison, entre autres ?
Il y a de tout… Et tout le monde aspire à faire de nouvelles découvertes. Nombre de films de Bollywood ont popularisé la destination. L’Office du Tourisme travaille avec la Mauritius Film Development Corporation pour inciter des producteurs indiens et chinois à tourner à Maurice. Ce sera un plus pour la destination.

Vous rentrez d’une mission à Beijing ? Etait-ce pour encourager Air Mauritius à maintenir son vol sur la capitale chinoise ou pour que les tour-opérateurs remplissent davantage son avion ?
Les deux. Il faut pérenniser la présence de la compagnie nationale d’aviation là-bas. Pour y arriver, les tour-opérateurs chinois doivent revoir leur mode de fonctionnement. Air Mauritius a été très accommodant quant aux nouvelles possibilités de coopération avec ces derniers.

Pourquoi le marché de Beijing tarde à décoller ?
Il y a plusieurs facteurs. À un moment, AirAsia X a braconné sur le terrain d’Air Mauritius. Il y a aussi un manque de visibilité. Une campagne de promotion doit être menée conjointement avec les hôteliers dans les villes autour de Beijing.

Qu’en est-il des arguments des tour-opérateurs chinois qui disent que leurs clients n’arrivent pas à trouver des chambres d’hôtels à la haute saison ?
Le problème se pose entre novembre et janvier. Les tour-opérateurs européens réservent à l’avance alors leurs confrères chinois s’y prennent à la dernière minute.

Les Chinois devraient-ils être plus prévoyants ?
Nous avons longtemps fonctionné selon le modèle européen. En 2004, j’ai moi-même demandé à ce que les Chinois et les Indiens n’aient pas à réclamer des visas pour visiter Maurice. L’Inde et la Chine sont des marchés immenses. Il ne faut pas les négliger.

Pourquoi les Chinois les plus fortunés ont-ils une préférence pour les Maldives ?
Il y a davantage de vols charters aux Maldives. Ce n’est pas un modèle que nous souhaitons calquer. Air Mauritius envisageait une filiale low-cost à un moment donné. Peut-être que cela pourrait fonctionner durant la basse saison.

Quelles sont les raisons exactes derrière le départ d’AirAsia X ? Y a-t-il eu un lobby pour protéger Air Mauritius ?
C’est une décision purement commerciale. Aussi longtemps que le prix du carburant sur le marché mondial était à la baisse, AirAsia X pouvait soutenir ses tarifs sur Maurice.

La construction de nouveaux hôtels va-t-elle reprendre après le veto imposé à l’arrivée au pouvoir de l’Alliance Lepep ?
La restriction a été enlevée cette année. J’étudie actuellement un dossier pour la construction d’un hôtel dans le Sud. Vingt-cinq sites ont été alloués à des promoteurs, il faut qu’ils les exploitent. Après ma mission à Beijing, je me demande s’il ne faut pas que des Chinois construisent des établissements à Maurice.

Des Ong telles « Arret Kokin Nu Laplaz » doivent cesser d’avoir une vision réduite du développement. L’un des atouts de Maurice, c’est sa beauté. Bloquer le projet d’hôtel du groupe Currimjee au Chaland équivaut à un manque de patriotisme…

Vous avez vous-même été un révolutionnaire qui a protesté contre de nombreux projets dans votre jeunesse… 
L’on peut être révolutionnaire tout en étant pragmatique. Arrêtons d’adopter des concepts étrangers. Comment faire reculer le chômage s’il n’y a pas de développement ? Les plages appartiennent à tous les Mauriciens et les développer est dans l’intérêt national.

Avez-vous entendu le cri de cœur des artistes? Comment les aider à travers le secteur touristique ?
Les manifestations organisées à Port-Louis doivent être étendues à d’autres régions du pays. Les touristes doivent être encouragés à découvrir le pays. Que ce soit au niveau de la gastronomie, la culture et religieux. Des tournois sportifs seront organisés dans l’île, comme le cricket et le kabbady, un mélange de rugby et de lutte.

Related Article
 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !