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Anerood Jugnauth: de Palma à l’Hôtel du gouvernement

C’est une biographie à double tranchant. D’abord, elle a été vue, lue et corrigée par sir Anerood Jugnauth, qui est le personnage biographié par Anand Mulloo, l’auteur du livre « Sir Anerood Jugnauth, His Life & Times. » Ce qui nous vaut quelques paragraphes subjectifs. Mais, en même temps, ce dernier livre une description minutieuse de l’actuel Premier ministre, avec des détails qui révèlent un homme, certes, animé de convictions profondes, au caractère trempé, mais également un bon sens rural, imprégné d’un pragmatisme qui trouve tout son accomplissement dans l’action et ses résultats. Bref, un parcours fléché. [[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"15543","attributes":{"class":"media-image alignright wp-image-26138","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"400","height":"501","alt":"Anerood Jugnauth"}}]]Un ouvrage de complaisance et louangeur, l’œuvre d’un panégyriste patenté ? Anand Mulloo s’en défend : « C’est un livre qui m’a d’abord pris au dépourvu, parce que l’idée est venue de mon fils, lors d’une rencontre avec sir Anerood Jugnauth, à Reduit. Puis, je me suis dit : ‘Pourquoi pas ? Car SAJ était en fin de parcours politique. J’ai ressenti un privilège, d’autant que je le connaissais très bien. Deux conditions s’imposaient à moi : un travail de recherche et de documentation, puis l’identification de ceux qui connaissaient SAJ dans différents domaines ». Nous sommes alors  en 2009 et SAJ assume la présidence de la République depuis 2003. Tout laisse croire que sa carrière politique est loin derrière lui. « Lorsque je relève ce défi d’écrire sa biographie, c’est cette idée qui est dans un coin de ma tête », explique Anand Mulloo. Ce qui explique la présence de témoins aussi variés politiquement : Amédée Darga, Jean-Claude Bibi, ou encore sir Satcam Boolell. « Leurs témoignages sont tous contextualisés », fait valoir l’auteur du livre. Quant aux détails de la vie familiale de SAJ, il les a recueillis auprès de SAJ et de son épouse durant leurs nombreux entretiens à Réduit. « J’y allais toutes les semaines et on parlait autour d’une tasse de thé ». Pour la documentation historique, Anand Mulloo se fie à la presse, aux archives, à la bibliothèque de l’Assemblée nationale et sa bibliothèque personnelle. Après la rédaction de chaque chapitre, il le fait lire par SAJ, lequel y apportera des modifications qui lui semblent nécessaires, ainsi que des détails qui avaient échappé à l’auteur. « Un exemple, je ne connaissais pas bien l’épisode concernant la fermeture de l’ambassade libyenne à Maurice. Il m’a instruit sur ce sujet, j’avais la latitude de lui poser toutes les questions et sur certaines choses, je n’étais pas d’accord avec lui. Mais il m’a confié que ce livre allait l’aider à dissiper certaines controverses. Il a été très honnête lorsqu’il a fallu aborder le chapitre sur son enfance et ses origines sociales ».

Observer et écouter

Lorsque le manuscrit est terminé en 2011, l’auteur l’apporte à SAJ pour les corrections finales. « Le gros du travail avait été fait, il fallait maintenant fixer une date pour la publication. Mais SAJ m’a demandé d’attendre, il n’était pas pressé, rien n’indiquait qu’il allait se jeter dans le bain politique ». Lorsque SAJ démissionne en 2012 pour s’allier au MMM, explique Anand Mulloo, certains chapitres relatifs à la crise gouvernementale de 1982-83 lui sont apparus ‘non pertinents’. « Je suis allé à La Caverne, où il rencontrait Paul Bérenger, moi, je n’étais pas d’accord avec cette alliance entre le MSM et le MMM. Je l’ai revu après la cassure de cette alliance et la formation de celle entre le PTr et le MMM, je lui ai fait remarquer qu’il allait affronter deux géants. Il m’a répondu que le MSM n’avait besoin que de deux ‘junior partners’ pour les battre. Il enchaînait les réunions et, lors du meeting à Rivière-du-Rempart, à la vue de la foule, il avait déjà senti que le vent  tournait. Il savait qu’il allait redevenir Premier ministre. Moi, je connaissais son parcours pour l’avoir vu créer le MSM ‘out of nothing’ ». Après les élections de décembre 2014 et la victoire massive l’Alliance Lepep, à connu une année tumultueuse née de l’affaire BAI. Ici, Anand Mulloo, fidèle à son engagement envers SAJ, dresse un inventaire des promesses du nouveau gouvernement, dont celle de rétablir la justice. « La panique soudain s’empara du pays, à cause des probables pertes d’emplois et d’investissements (…) mais le gouvernement a su démêler la conspiration grâce à la transparence et la bonne gouvernance à travers les négociations », écrit Anand Mulloo. Pour lui, le chapitre sur la vie et l’œuvre de SAJ n’est pas encore clos. « Je n’ai pas fermé le cycle, le plus gros reste entier, car il s’agit de voir comment SAJ va s’en sortir, au beau milieu de la guerre entre deux de ses ministres. Je pense qu’il en a les capacités. Il observe, écoute avant de trancher. C’est de cela qu’il en sera question dans le deuxième volet », confie l’écrivain.  
   

Un garçon solitaire, grandissant dans la discipline paternelle

Natif du village de Palma, le 29 mars 1930, Anerood, fils d’un certain Ramlochun, vit ses parents se séparer, avant même ses deux ans. Son père se remaria avec une certaine Dorothy Beeharry, qui avait sept garçons et deux filles, d’un précédent mariage. Le jeune Anerood grandit dans une discipline imposée par son père, il se rappela encore des soirs où il devrait se cacher sous le lit pour échapper aux coups de ceinture de son père, après que sa belle-mère ait rapporté quelque action déplaisante de son beau-fils. Privé de la figure maternelle, il grandit en restant un garçon solitaire, parfois insensible et manquant de tendresse. C’est sans doute, ici, qu’il faut rechercher son trait de caractère rude, prudent, ‘guettant ses ennemis’. Sa conviction dans l’idée qu’il doit se surpasser, se réaliser et réaliser une grande ambition trouve son origine dans son adhésion aux enseignements du pandit Basdeo Bissoondoyal et aux principes du ‘dharma’, qui affirment que l’individu est seul responsable de ses actes et qu’il est le seul à en subir les conséquences. À ce jour, il est resté un ‘bissoondoyaliste’ dans l’âme, et un adversaire du Labour. De l’Independant Forward Bloc (IFB), au MSM, en passant par l’éphémère All Hindu Congress, puis le MMM, l’itinéraire politique de SAJ s’est toujours éloigné des rouges.
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