Analyse : le point sur la campagne (2)

Nous avons ici même fait le point sur la campagne électorale – texte qui a été publié dans Le Dimanche\L’Hebdo dernier. Voici le point une semaine après et à 12 jours du scrutin.

Les temps forts de la semaine écoulée sont, sur la toile, le clip Navingate, la publication de la liste des candidats de l’Alliance Nationale, le Nomination Day et la publication des programmes gouvernementaux de Lalians Morisien (LM) et de 100 % Citoyens. L’Alliance Nationale annonce son programme pour le samedi 26 octobre et le programme du MMM - après les 20 mesures prioritaires - est « in the pipeline ».

Navingate 1 n’a pas eu les résultats escomptés avec la violation du principe du secret bancaire. Tous ceux « concernées » ont dû s’en dissocier, y compris le gouvernement. C’était du réchauffé sur les frasques de Navin Ramgoolam quand il était Premier ministre. En réponse, Navin Ramgoolam demande de rendre publics les comptes du Sun Trust. Ces vidéos et clips faisant partie de l’artillerie de guerre des protagonistes vont se multiplier, et porteront souvent le label « Fake ». On annonce dans le volet scandalegate une vidéo « avec des preuves irréfutables » sur la fameuse tractopelle bourrée de drogue. Attendons voir car la drogue et sa mafia constituent une préoccupation de toute la population.

L’Alliance Nationale, plus précisément le Parti Travailliste (PTr) n’a pas tenu ses promesses de renouvellement et de rupture. Ce qui a provoqué de la frustration, voire de la colère, chez une partie des partisans rouges. Navin Ramgoolam a constitué sa liste partant d’une lecture classique – et les paramètres associés – de différentes composantes de l’électorat. Il a d’abord joué la carte de la prudence en s’alliant au PMSD, contrairement à ce qu’il n’avait cessé d’annoncer. Il accommode Jean Claude Barbier et Atma Bhuma de même qu’Ashok Jugnauth. Navin Ramgoolam assumera l’entière responsabilité de ses choix le 8 novembre.

Le Nomination Day a vu la mobilisation des partisans dans les différentes circonscriptions. La money politics était bien présente pour monnayer auprès de résidents leur présence/participation dans les défilés du jour. Il en est de même ces jours-ci pour la présence dans des congrès et meetings. Rien de bien nouveau sous le soleil. Les principaux protagonistes ont organisé des réunions nocturnes ce même jour. L’image pris d’en haut du meeting de L’Alliance Nationale à Vacoas largement diffusée sur la toile a frappé les esprits. Un joli coup de com dans la guerre psychologique.

La remontée du MMM est un fait indéniable – au point où certains observateurs avertis parlaient de 12 à 15 élus là où il y a un mois ils lui donnaient entre 8 et 10, voire moins, de sièges. Jocelyn Chan Low a été le premier à parler de MMM jouant le rôle de King Maker. Paul Bérenger se sentant pousser des ailes et pour doper la confiance de sa troupe a parlé le jour du Nomination Day de King tout court avec une victoire lui permettant de gouverner seul. En tout cas, Paul Bérenger et le MMM s’installent au centre de la campagne. Navin Ramgoolam commence à se méfier et déclare qu’après les élections Paul Bérenger va demander un partage du pouvoir autour du poste de Premier ministre. Navin Ramgoolam craint ce scenario et le fait savoir en brandissant l’épouvantail d’un Paul Bérenger Premier ministre en s’adressant à l’électorat vase-communiquant MSM-PTr.

Dans le cas d’une lutte à trois, le koupé-transé risque d’être décisif et à son détriment avec le rejet des transfuges»

Lalians Morisien, ayant pour devise la continuité, continue sa campagne ; il arrive difficilement à sortir de la défensive. Le feedback sur le terrain au-delà des fan zones n’est pas aussi bon que ses dirigeants pouvaient le penser. Dans le cas d’une lutte à trois, le koupé-transé risque d’être décisif et à son détriment avec le rejet des transfuges.

Il faut aussi compter avec les nouveaux partis : Reform Party (avec Roshi Bhadain comme asset et liability) et 100% Citoyens. Il y a des indications que ça commence à mordre pour 100% Citoyens qui est objectivement la 4ème force sur l’échiquier dans ces élections même si le Reform Party avance que c’est lui.

100% Citoyens c’est le vrai renouveau avec un programme réfléchi et sérieux, une campagne moderne, innovante et percutante sur la toile. Il y a là le fruit d’un travail sur le terrain, une histoire et des réalisations concrètes à travers Smart Citizens. Nous saurons le 8 novembre à quel point ce potentiel va se réaliser.

Sur la toile, le post avec photo montrant supposément une réunion d’Israéliens - de la MOSSAD – faisant un briefing de campagne avec des membres du PMO n’a pas paru crédible. Le clip vidéo des pronostics d’Olivier Précieux mérite d’être signalé, ne serait-ce en raison de la phase actuelle de guerre psychologique. Dans une représentation de la réalité du terrain dans le cadre de « bruits de la campagne » il est question de rapports de la NSS - fake ? - n’attribuant au MSM que 11 élus et de « sondages » bidons avec des intérêts partisans. Il est aussi toujours question d’une lutte serrée entre L’Alliance Nationale et L’Alliance Morisien dans certaines circonscriptions essentiellement rurales et on parle des villes comme si c’était une entité homogène alors que ça ne l’est pas.

Sur le plan global, du côté des pronostiqueurs, on entend de tout : tantôt donnant L’Alliance Nationale gagnante avec une plus ou moins courte majorité voir même plus, tantôt L’Alliance Morisien gagnante. Certains au MMM commencent aussi à croire à beaucoup d’élus dans leur rang. Le MSM, avec la continuité comme devise, parle de l’adhésion de la masse silencieuse et persiste dans la diabolisation de Navin Ramgoolam. Une chose qui remonte : l’électorat est très remonté contre les transfuges. L’Alliance Morisien risque d’en faire les frais avec ces derniers sur sa plateforme. Les promesses commencent à être traitées de jokes : dilo lor brède songe ?

Le Vot-blok par tradition/transmission familiale semble se fissurer. Il est question de voter selon son appréciation des candidats. Certains citoyens n’ont que faire de l’endettement ou autres problématiques nationales, laissant voir que les préoccupations chez eux c’est le quotidien, les préoccupations individuelles - voire individualistes - et l’absence du sens collectif. Cela va s’ajouter au ‘Koupé-Transé’ où le choix se fait selon des critères de compétence, d’intégrité, quand ce n’est pas le look-image « selfiste ». Est-ce que le Reform Party ou 100% Citoyens va bénéficier en partie du ‘Koupé-Transé’ ? Des deux, 100% Citoyens a plus de chance d’être sur le radar, d’autant plus s’il obtient le soutien de R&A, jouant ainsi au trouble-fête dans le jeu à trois dans certaines circonscriptions.

Nous ferons une appréciation critique quand tous seront publics. Ce ne sont pas les programmes, dit-on, qui vont faire voter les citoyens. Déjà, nous avons eu un aperçu de l’insoutenable légèreté (20 mesures prioritaires du MMM), à un manque de fond et de fonds (programme de L’Alliance Morisien) des autres. Ici encore, saluons comme il se doit le programme de 100% Citoyens. L’Alliance Nationale a annoncé son programme pour le samedi 26 octobre. De manière globale, vivement que l’aveuglement partisan ne vienne cautionner la médiocrité intellectuelle.

En conclusion de notre point du 17 octobre nous écrivions : « Toutefois, une observation clinique et des remontées d’information venant de toutes les régions et de beaucoup de milieux plus ou moins bien informés donnent à penser que depuis le 7 octobre les tendances commencent à se dessiner en pointillés avec l’effet sur la guerre psychologique. C’est connu que le camp qui est perçu comme le gagnant attire de plus en plus d’adhésion… Même si une semaine, voire un jour, is a long time in politics, la grande question est qu’est-ce qui peut bien arriver pour inverser les tendances ? »

Nous ne pensons pas que depuis le 17 octobre les lignes ont beaucoup bougé, même s’il y a certaines dynamiques et micro-dynamiques dont on n’arrive pas encore à bien cerner l’importance et la portée. C’est le cas du vote des indécis et des jeunes. Nous ne cèderons pas à la tentation de faire des pronostics à ce stade. Nous continuerons d’être à l’écoute, de faire la part des choses, de distinguer le bon grain de l’ivraie des remontées d’informations, et décoder les signes afin de confirmer les tendances et les dynamiques d’ici une semaine. Mais déjà on peut dire qu’il n’y aura pas de rupture mais des fissures plus ou moins importantes qui laissent entrevoir de l’espoir pour un assainissement et une refondation de la politique dont notre société a grand besoin pour relever les défis de l’avenir. Et ce sera pour 2024 !

Analyse publiée sur la page Facebook de Malenn Oodiah le 25 octobre 2019.

Malenn Oodiah
Citoyen, observateur- analyste