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Anabelle Savabaddy, députée de la majorité : «Je ne suis pas un mouton»

Élue en tête de liste au n° 4, Anabelle Savabaddy estime qu’il est mieux pour elle, en tant que novice en politique, d’être « backbencher » et aider ses collègues ministres en leur apportant son expertise du terrain. Pour elle, le rôle de députée lui permet de mieux servir ses concitoyens.

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Vous avez commencé votre carrière en tant que journaliste et animatrice, que ce soit à 5-Plus, Top FM, à Radio Plus. Pourquoi ce besoin ?
J’ai toujours voulu faire ce métier de journaliste et d’animatrice. J’ai effectivement fait le tour de différentes rédactions, que ce soit à Top FM, à Radio Plus, et Radio One en tant qu’assistante de production. J’aimais regarder l’émission Enfants du Soleil animée par Marjorie Lenette à la MBC. J’ai toujours voulu faire comme elle, elle m’a inspirée, car elle avait tellement de tendresse envers les enfants.

De la presse écrite et radiophonique, vous sautez dans le wagon politique. Deux mondes différents ?
Pas du tout. Les radios privées ont permis à la population de s’exprimer, de crier leurs doléances, leurs misères au quotidien et, à mon niveau, j’essayais de leur trouver des solutions en intervenant auprès des responsables, qu’ils soient ministres ou hauts cadres de divers ministères et d’organismes parapublics. En fait, à la radio, je faisais le travail des politiciens.

Est-ce vous qui êtes allée vers la politique ou c’est la politique qui est venue toquer à votre porte ?
C’est la politique qui est venue vers moi, et cela venant de différents partis. Que ce soit le Parti travailliste (PTr), le Reform Party et surtout le MSM, qui me harcelait.

Contrairement à l’une de vos anciennes consœurs qui s’est fait battre, vous avez choisi le bon cheval…
Ce n’était pas calculé de ma part de me joindre au PTr. On m’a promis une investiture, puis on me l’a retirée. Je n’ai pas démissionné du PTr pour autant. Il y avait un fort lobby au sein du parti pour que je n’obtienne pas de ticket pour les législatives et pour que j’abandonne le navire rouge. J’ai persévéré.

La circonscription n° 4 (Port-Louis Nord/Montagne-Longue) comprend des villages comme Congomah, Crève-Cœur, Les Mariannes, Montagne Longue, Notre-Dame, Terre Rouge, Riche-Terre, entre autres. Toutes sont des régions à forte densité de Mauriciens de la communauté hindoue. D’aucuns avancent que l’on vous envoyait à l’abattoir…
Je ne me suis pas sentie esseulée ou brimée au sein de cette circonscription à forte densité de votants hindous. Sauf qu’il y a eu une campagne communale malsaine menée principalement par une candidate connue contre moi et aussi contre Ashok Subron. Nous étions les candidats à battre, alors cette dame et aussi ses colistiers ont inventé toutes sortes de choses sur nous.

Il y avait un fort lobby au sein du parti pour que je n’obtienne pas de ticket pour les législatives et pour que j’abandonne le navire rouge»

Vous vous êtes battue avec quelles armes ?
Les gens voulaient un changement de régime, il y avait un vote massif contre le MSM et ses alliés, principalement contre Pravind Jugnauth. Les gens ont une grande attente envers l’Alliance du Changement. En dix ans, rien n’a été fait au n° 4. Quand je vous dis rien de rien, je n’exagère pas.

D’où votre question adressée au ministre Patrick Assirvaden sur un problème d’eau au village de Ti Rodrigues et aussi à Crève-Cœur ?
J’ai soulevé la question pour ces deux villages qui souffrent d’un problème de distribution d’eau potable. Le ministre vient de s’installer et j’ai voulu que le nouveau ministre, qui ne connaît pas la circonscription, jette un œil sur la question. Je n’étais pas là pour lui faire la leçon. Au contraire, à travers ma question, j’ai voulu l’aider dans son travail, car moi, je suis sur le terrain, lui, il ne peut être partout, il a d’autres obligations ministérielles. 
On en a discuté après et il y a d’autres problèmes que je vais discuter avec lui hors caméra. Patrick Assirvaden a l’oreille et c’est à son crédit.

Vous vous êtes fait rabrouer, pour dire le moins, par Madame la Speaker, qui vous a dit : “Please, don’t shout”, car vous brailliez au lieu de vous exprimer. Est-ce la passion de votre ancien boulot d’animatrice d’interpeller sans crier gare ?
Quand j’ai entendu la réponse sincère que le ministre a lue et qui lui a été donnée par ses officiers, je n’étais pas d’accord. Le ministre, comme je l’ai dit, se fie à ses officiers qui ne veulent pas connaître la réalité du terrain. J’ai effectivement parlé à voix haute, c’était impulsif de ma part. Je suis novice et je m’en suis excusée auprès de Madame la Speaker.

Vous n’étiez pas sur un camion lors d’un congrès au n° 4, on tient à vous le rappeler...
Je le répète, je suis nouvelle en politique. Je ne suis pas un mouton, je défends avec mes tripes les intérêts du petit peuple. C’est peut-être un défaut, mais pas méchant de ma part. Puis, j’ai discuté en privé avec le ministre, que j’apprécie, et qui est à l’écoute.

La façon dont vous êtes intervenue au Parlement en a étonné plus d’un. peut-on s’attendre à ce que ce soit les backbenchers du gouvernement qui jouent le rôle d’opposition à l’intérieur de l’hémicycle, car vis-à-vis, il n’y a que deux élus de l’Alliance Lepep ?
Les backbenchers ne seront pas une opposition au sein du gouvernement. La population a voté pour nous, pour que nous travaillions pour elle. Comme je suis une femme de terrain, je me suis toujours battue pour les petites gens à la radio, me querellant avec les institutions, je gueulais au micro avec raison.

Donc, votre rôle au Parlement serait d’être une liaison entre vos mandants et les différents ministres de votre camp, quitte à les titiller quand il le faudra ?
Je suis une femme de terrain. Je serai le pont entre mes mandants et les ministres. Quand le travail sera fait, le crédit leur reviendra et mes mandants seront satisfaits et, moi, j’aurais fait un travail pour lequel je suis payée par les deniers publics. 

Nous devons tous nous retrousser les manches. C’est à nous, les députés, de faire remonter les informations au Parlement pour que les ministres le sachent. J’ai ma manière toute particulière de le faire, mais je suis comme cela. J’ai mon caractère.

Je suis heureuse de ne pas être Junior Minister»

Venons-en à la campagne dite « communale » menée par cette candidate battue. Votre appartenance religieuse vous a-t-elle posé problème ?
Effectivement, il y a eu une campagne malsaine et infecte. Je suis pentecôtiste chrétienne, soit Mission, et je l’assume. Je suis ce que je suis.

Navin Ramgoolam le savait avant de vous offrir un ticket ?
Le leader du PTr savait, car je le lui avais dit. Quand il m’a offert une investiture, il m’a dit : « Au n° 4, ce sera difficile », et si j’étais sûre de pouvoir aller vers un tel électorat avec mes convictions religieuses. Je lui ai dit que j’allais affronter cet électorat dit conservateur, malgré mes convictions religieuses. Je lui ai dit que j’allais être élue et en première position. C’est ce qui est arrivé.

L’écart est effectivement énorme entre vous et vos deux colistiers, et les candidats de L’Alliance Lepep…
Voyons les chiffres : j’ai eu 27 718 voix ; et Joe Lesjongard, ministre sortant, en a eu 13 834 ; Subashni Luchmun-Roy 14 234 voix ; et Adrien Duval 14 639. Il n’y a pas photo. Je suis sortie en tête de liste, battant un Duval, une Subashni qui n’a pas mené une campagne correcte contre Ashok et moi, et aussi Joe Lesjongard.

Donc, vous aviez affiché sans honte votre appartenance religieuse…
Ce n’est pas la religion qui détermine la vie, le mérite. Je n’ai eu aucun problème à dire ma croyance. Je ne fais rien de mal, ni Ashok Subron, qui ne s’affiche pas au niveau de la religion. C’est notre choix de vie, mais nous sommes sincères dans notre approche. 

Nous ne faisons pas semblant dans nos actions, ni lui, ni moi. Nous sommes des gens simples. Nous sommes à l’écoute des petites gens, nous connaissons leurs problèmes et les gens le savent, sentent cela au plus profond d’eux-mêmes. Le « communalisme » ne fonctionne plus, cela le MSM et ses candidats doivent l’avoir compris après la débâcle du 11 novembre 2024.

Votre passage à la radio pour des émissions dites populaires vous a-t-il aidée dans la campagne au point de sortir en tête de liste ?
Mon passage dans les différentes radios libres et mes émissions en faveur du petit peuple m’ont certainement aidée. Cependant, dans certains villages du n° 4, il y avait des gens qui ne me connaissaient pas, ils ne savaient même pas que j’étais animatrice. Mais ils avaient besoin d’un changement, et l’électorat du n° 4 a voté massivement pour nous.

Des regrets de n’avoir pas été nommée Junior Minister ?
Je dis un grand « pas du tout ». Heureuse de n’avoir pas été nommée Junior Minister !

Pourquoi ?
Quand j’ai été élue en tête de liste au n° 4, je n’ai pas bougé le petit doigt, pas de lobby pour un poste. Le Dr Navin Ramgoolam, le secrétaire général et aussi le président du parti le savent. Je suis nouvelle, je vis une belle expérience. En tant que Junior Minister, je n’aurais pas pu poser des questions, alors qu’en tant que simple parlementaire, je peux interpeller les ministres dans le cadre strict de la bonne manière et du respect.

Dans le cocon d’une « grande gueule »

C’est à sa demeure, située dans un morcellement huppé à Cascavelle, que nous avons rencontré Anabelle Savabaddy en ce samedi 14 décembre. C’est une belle bâtisse avec un sous-sol comprenant trois chambres et d’autres aménagements qu’elle n’utilise pas, sauf pour les invités. « Je n’aime pas qu’on me dérange dans mon quotidien et qu’on fasse du désordre. Donc, dans le sous-sol, ils peuvent le faire », nous dit-elle avec un large sourire.

Puis, il y a la maison joliment architecturée avec un étage. Il faut dire que son époux, Gérard, est un professionnel du métier. Les grandes baies vitrées permettent à la lumière naturelle du soleil couchant, venant de l’ouest de l’île, d’inonder les pièces.

À l’extérieur, des terrasses accueillent de jolis et confortables canapés de jardin. À côté de ce petit coin charmant se trouve la piscine, un véritable bijou. Anabelle Savabaddy a, selon ses dires, pris le bureau de son mari pour en faire le sien. À première vue, le mur semble être tapissé de marbre jusqu’au plafond. En réalité, c’est le travail d’un peintre-artisan qui a façonné les pans avec une truelle et une peinture spéciale, donnant ainsi une impression marbrée.

Celle que certaines mauvaises langues qualifient de « grande gueule devant l’Éternel », préfère garder sa vie de famille et de couple privée. Elle a quatre enfants : Crystal, Chelsea, Raphael et Ezra. L’aînée Crystal, qui vient d’obtenir son permis, ouvre la portière automatique et prend la voiture de maman pour conduire Ezra, le plus jeune, à son entraînement de football. Les autres dégustent des crêpes que maman a préparées et boivent du lait en brique pour le petit-déjeuner.

Anabelle Savabaddy, qui a fréquenté l’école primaire Vel Govinden à Beau-Bassin, le collège Medco jusqu’à la Form V, puis fait le HSC au Renganaden Seeneevassen SSS, et a suivi des cours à l’Alliance française, se décrit comme une femme simple qui aime se battre pour les plus démunis. C’est sans doute pour cela qu’elle a franchi les étapes difficiles pour être élue en tête de liste dans la circonscription n° 4. Elle a surpris tout le monde, y compris son leader.

 

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