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Amendements au Dangerous Drugs Act-Registre des médicaments en ligne : le secret médical en péril

Me Joy Beeharry. Me Richard Rault.

Un patient affirme que les amendements au Dangerous Drugs Act, introduits par le Finance Act de 2023, portent atteinte à son droit à la vie privée, entre autres. Deux juristes se penchent sur la question.

Les amendements au Dangerous Drugs Act (DDA), introduits à travers le Finance Act 2023, le 20 juillet 2023, font l’objet d’une contestation devant la Cour suprême (voir plus loin). Il est question d’un registre en ligne des détails de chaque transaction de médicaments listés comme « Dangerous Drugs ». Informations qui seront accessibles au chef de cabinet de la santé, à la police ou encore à la douane. 

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« L’article 23 du DDA a créé un nouveau registre électronique des médicaments. Essentiellement, les pharmaciens, les médecins, les fabricants, les importateurs, les exportateurs et les grossistes de médicaments listés comme drogues dangereuses devraient tenir un registre. Un document contenant les détails de chaque transaction de ces produits », explique Me Joy Beeharry.

Ce registre électronique des médicaments contient, entre autres, le nom du médecin qui a prescrit l’ordonnance, le nom de l’acheteur, ainsi que le nom et la quantité des médicaments vendus et listés comme dangereux. Tout pharmacien est tenu, selon l’article 23 du DDA, de fournir au secrétaire permanent de la Santé une déclaration contenant toutes les informations relatives aux médicaments dangereux qui lui ont été livrés ou qu’il a délivrés aux patients. De plus, l’article 24 accorde au secrétaire permanent un accès illimité et sans restriction à tous les registres électroniques des médicaments. 

Le même article lui permet également d’autoriser tout agent de police ou des douanes, quel que soit son grade, à avoir un accès libre à tous les registres électroniques des médicaments du pays. 
Or, soutient Me Joy Beeharry, l’accès illimité au registre électronique des médicaments porte « atteinte au droit à la vie privée, droit garanti par l’article 9 de la Constitution. 

Une telle ingérence est injustifiée et disproportionnée dans une société démocratique ». « Il est absurde que des données aussi sensibles soient accessibles sans aucun obstacle ni exigence. Les agents de police et des douanes peuvent abuser de l’autorité qui leur est conférée par le secrétaire permanent », souligne l’avocat. Pour lui, ce pouvoir discrétionnaire du secrétaire permanent « est inquiétant ».

Me Joy Beeharry s’interroge également sur les implications de l’article 300 du Code pénal. Article qui criminalise la divulgation d’informations confidentielles et secrètes telles que les ordonnances de médicaments détenues par un pharmacien, entre autres. Il se demande donc si en obtenant accès au registre conformément à l’article 24 du DDA, le secrétaire permanent et les agents de police et douaniers autorisés n’enfreindraient pas, indirectement, l’article 300 du Code pénal.

Pour Me Richard Rault, cette situation crée un sentiment de « malaise ». Sous le prétexte de vouloir contrôler le stock de ces produits dits dangereux dans certaines circonstances, tout le public passe à la trappe, explique l’avocat. « Les patients qui vont à la pharmacie et achètent des produits psychotropes ne sont pas tous dans l’usage abusif de ces médicaments. Certains ont des maladies. Ces produits servent aussi à désintoxiquer des patients. Or ce qui va se passer, c’est que leurs noms vont se retrouver sur une liste en ligne. Et les pharmacies seront dans l’obligation de remplir les données personnelles de ces patients. 

Absurde que des données aussi sensibles soient accessibles sans aucun obstacle ni exigence."

Une fois ces données à la portée du secrétaire permanent du ministère de la Santé, de la police ou encore de la douane, le patient n’est pas en mesure de savoir, ni de consentir ou pas à la démarche. Les patients ont-ils le choix ? Va-t-on leur demander leur avis avant que leur nom se mette à circuler ? » s’interroge l’avocat.

Me Richard Rault se pose la question de savoir en quoi c’est le problème du secrétaire permanent de la Santé de savoir qui souffre de quoi. « Est-ce une façon démocratique de procéder ? Cela, sachant que tout citoyen bénéficie, par la Constitution, de la protection de sa vie privée. »
Quant à la confidentialité des données personnelles, Me Richard Rault se demande quelle garantie a le citoyen que ses données seront utilisées à bon escient, sachant le nombre de ripoux parmi la police et la douane. « Je me demande pourquoi le Pharmacy Board n’est pas en mesure de contrôler le stock de ces produits sur le marché. On a renversé la charge de surveillance de ces médicaments sur les opérateurs que sont les pharmacies », avance-t-il.  

Il ne reste qu’une seule option : un recours constitutionnel du plaignant. L’avocat dit espérer que la Cour suprême va sanctionner cet état de fait.

Contestation 

La première contestation des amendements au Dangerous Drugs Act (DDA) a été portée devant la Cour suprême par un patient qui dit avoir besoin régulièrement d’anxiolytiques. Il a déposé une plainte contre l’État et le ministère de la Santé, avec la Pharmaceutical Association of Mauritius et l’Attorney General comme codéfendeurs. Le patient affirme que les amendements au DDA, introduits par le Finance Act de 2023, portent atteinte à son droit à la vie privée, entre autres.

Le patient exprime des inquiétudes quant à la confidentialité des informations médicales sensibles des citoyens, qui pourraient être accessibles sans contrôle adéquat. Il soutient que cela viole ses droits à la vie privée et à la protection de la loi, garantis par la Constitution. Il estime que cette intrusion dans sa vie privée est disproportionnée et non justifiée dans une société démocratique. Il demande donc à la Cour de déclarer que l’accès par la police et la douane aux données confidentielles du registre électronique des médicaments est illégal.

Droits fondamentaux 

Ce texte de loi soulève des inquiétudes sur les droits fondamentaux des citoyens, selon les deux avocats. Ils évoquent notamment l’article 9 de la Constitution, qui accorde à chaque citoyen de la République de Maurice le droit à la vie privée et à l’intimité de son domicile. Ils mentionnent aussi l’article 3(a) de la Constitution, qui garantit le droit à la liberté et à la protection de la loi, entre autres.

Ce que dit le code pénal sur le secret professionnel

Les médecins, les chirurgiens, les pharmaciens, les sages-femmes et toutes les autres personnes dépositaires, par état ou profession, des secrets qu’on leur confie, qui, sauf dans les cas où la loi les oblige à se porter dénonciateurs, auront révélé ces secrets, seront punis d’un emprisonnement n’excédant pas 2 ans et d’une amende n’excédant pas Rs 100 000.

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