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Aménagement du territoire : comment faire respirer les espaces de vie  

La 13e édition du forum-débat organisée par Radio Plus et Malenn Oodiah a mis le doigt mercredi sur la pertinente thématique de l’aménagement du territoire. À l’école de la photographie de Bambous, les invités de l’émission, les architectes Jean-François Adam, Nivel Mauree et Reshma Kholeegan ainsi que Sabeera Abdullakhan, Urban Planner, ont abordé les problématiques liées à l’aménagement du territoire.

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Mercredi, il était entendu que cette thématique, allait surtout égratigner tous les gouvernements, avec l’autoroute de Verdun et le Metro Express. Mais il fallait avant tout reconnaître la complexité des enjeux liés à l’environnement et poser la question en termes de développement soutenu, afin de dépasser les clichés usuels. « Il s’agit de savoir comment organiser notre espace physique et naturel, nos ressources afin de satisfaire nos besoins quotidiens» dira ainsi prosaïquement Sabeera Abdullakhan. Pour Nawaz Noorbux, de Radio Plus, la question nécessité une approche ‘holistique’.

Au départ, il y a pourtant un document presque ‘fondateur’, la National Development Strategy (NDS) datant de 2003, qui a pour mission d’élaborer des stratégies de développement affectant tous les secteurs d’activités de Maurice, mais à l’arrivée en 2019, la NDS n’a jamais été réactualisée ou obtenu la participation du public. « Des centres commerciaux, des malls et RES sont apparus sans oublier la question de la sécurité alimentaire, l’indépendance énergétique ou encore les effets du changement climatique. Mais on n’écoute pas le public et on embauche des consultants étrangers qui plaquent leurs modèles sur nos projets », renchérit Malenn Oodiah. 

Développement inclusif

La thématique du développement inclusif, centré autour de l’être humain, est souvent revenue dans les propos des intervenants, amenant Sabeera Abdullakhan à se demander pourquoi la NDS est inconnue du public alors que «  c’est la population qui doit porter les projets ». Pour comprendre pourquoi certains gros projets immobiliers font craindre la menace de ghettoïsation, il faut remonter aux années de conversion dans l’industrie sucrière, lorsque des larges portions de terre ont cédé la place aux IRS. Mais assez rapidement ces villas sont devenues des modèles qui ont inspiré d’autres sucreries, où l’accent est mis sur la recherche d’étrangers très fortunés qui, fait ressortir Malenn Oodiah «ne restent que 3 à 4 mois à Maurice ». Si certaines terres non-agricoles font exception, le triangle d’Ébène reste l’exemple le plus flagrant pour montrer comment des terres hautement fertiles ont été livrées à un développement sans planification. Ce qui fait poser la question suivante à Reshma Kholeegan : « Sommes-nous conscients de nos ressources, les avons-nous identifiées ? Quelles sont les zones qui peuvent être développées ? »

Aux yeux de Sabeera Abdullakhan, les IRS développés par les grands groupes financiers, ont totalement exclu ceux-là mêmes qui ont contribué à la richesse de l’industrie sucrière. Le développement foncier, tel qu’il a été mis en œuvre à Maurice, poursuit-elle, ne permet pas à des personnes de sa génération d’acquérir un terrain à bâtir. Réagissant à son propos, Jean-François Adam a cité l’exemple positif de Bel-Ombre, qui abrite un IRS, pour faire valoir le souci de certains développeurs de dynamiser les localités où vivent des pauvres. « Ces gars-là sont très conscients de leurs terres », fait-il observer avant que Malenn Oodiah ne mette en garde contre toute tentation de ‘démagogie’ ou de ‘diabolisation’. 

‘Poumon vert’

Au registre des ressources naturelles, Malenn Oodiah a plaidé pour la préservation de nos terres, ce ‘poumon vert’, cette ‘richesse qui est à la base de tout’. Mais pour y réussir, il faut stopper la déforestation et ‘refaire les fôrets’. « Le plus grand défi, c’est le réchauffement de la planète. Mais la planète restera, c’est l’humanité qui souffrira, s’inquiète-t-il, avant de renchérir sur la fonction des arbres : « Un arbre c’est plus qu’un climatiseur, sans oublier ses racines. Le vert doit être central dans toutes nos stratégies de développement. »  Plus qu’une masse verte, l’arbre abrite un écosystème, ajoute Nivel Mauree qui s’alarme des séquelles mortifères des pesticides sur les abeilles.

Qualité de l’air

Abordant la question de la qualité de vie, Malenn Oodiah place la qualité de l’air, les espaces de loisirs au centre des plans d’aménagement, incluant des petits producteurs agricoles sur ‘le principe d’économie de proximité’.  À ses yeux, le terme ‘bétonner’ est trop réducteur, car on continuera encore à construire des maisons, mais l’espace des bâtiments devra accommoder des parcs de loisirs pour éviter de sombrer dans une logique binaire. Commentant la construction des grandes infrastructures publiques, il cite la bêtise qui a prévalu à la création de la route Verdun, qui a été bâtie ‘très vite’ pour ‘des raisons qu’on connaît’. Le Metro Express  a, lui, obtenu une dérogation à l’Environmental Impact Assessment (EIA) et a été conçu dans une opacité totale, poursuit-il avec force.  Mais l’efficacité de l’EIA est loin de convaincre Nivel Mauree, qui lui préfère le Strategic Environmental Assessment (SEA), car à  l’étranger, dit-il, l’EIA est assimilé à un ‘gimmick’.

L’aménagement du littoral a  aussi été au centre des débats, Malenn Oodiah appelant  à faire preuve de responsabilité et non à la démagogie dans une industrie qui emploie quelque 100 000 familles. « Si on continue à bétonner, les touristes cesseront de venir à Maurice et on tuera cette industrie », prévient-il.

Les organisateurs ont indiqué que le prochain forum-débat sera axé sur la thématique de la démocratie participative et se tiendra à Résidence Mère Teresa, à Triolet.

 

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