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Ameenah Gurib-Fakim : «J’ai utilisé la Platinum Card 58 fois par erreur»

Ameenah Gurib-Fakim

L’ex-présidente de la République, Ameenah Gurib-Fakim, forcée à la démission en mars 2018, a été soumise, deux heures durant, le mardi 6 août, à un interrogatoire serré devant la commission d’enquête Caunhye. Elle a réaffirmé, en réponse aux questions du Senior Puisne Judge Ashraf Caunhye, qu’elle n’a jamais été avisée par ses hommes de loi que l’institution de la commission Moolan était illégale. Elle a mis en cause son avocat, Me Yousouf Mohamed. Nous vous proposons l’essentiel de cette audience.

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Ashraf Caunhye: Madame Fakim, nous sommes en présence de preuves que vous avez obtenu un avis légal qui vous déconseille d’aller de l’avant avec la mise sur pied  de votre commission d’enquête. Mes Yousouf Mohamed et Gilbert Noël ont tous deux expliqué qu’ils vous avaient fait comprendre que cette décision était illégale. Êtes-vous d’accord ?
Ameenah Gurib-Fakim :
L’avis légal que j’avais obtenu de Me Mohamed, le Senior Counsel, est venu après une série de discussions. L’idée d’instituer une commission d’enquête est venue de Me Gilbert Noël. La seule manière de laver mon honneur était d’instituer cette commission d’enquête. Me Mohamed ne m’a jamais rien dit. S’il m’avait dit que j’étais dans l’illégalité, je n’aurais pas institué la commission. Me Mohamed a même délégué son junior pour rédiger une ébauche des attributions de la commission d’enquête proposée. À cette époque, j’étais persuadée que je faisais une bonne chose. Ils ont tous participé à l’élaboration des quinze attributions de la commission d’enquête Moolan. 

Me Noël a expliqué que c’est vous qui avez soulevé l’idée d’une commission d’enquête. Il a soutenu de vous avoir conseillé de rechercher un autre avis, car il n’était pas expert en affaires constitutionnelles. Qu’avez-vous à dire ?
C’est lui qui a proposé l’idée d’une commission.

Me Mohamed a soutenu, lui, qu’il vous avait prévenu que vous ne pouviez faire cela. Je le cite : « Soyez prudente Mme Fakim. Vous devez passer par le cabinet des ministres. Vous ne pouvez pas le faire vous-même ». Cela s’est passé le 14 mars 2018. Qu’avez-vous à répondre ?
Il n’a pas dit cela ce jour-là.

Me Mohamed vous a même appelé le 16 mars 2018 pour vous demander de ne pas aller de l’avant avec cette idée de commission d’enquête. Devant cette commission, il a affirmé vous avoir dit : « Madame, il y a un souci légal, n’allez pas de l’avant avec cette commission ». C’est alors que vous lui aurez dit :  « I’m doing it for tactical reason ». Est-ce vrai ?
J’ai attendu le feu vert de mes hommes de loi pour instituer cette commission. Je n’oublierai jamais les paroles de Me Mohamed. Il a affirmé ceci : « Tactically you can, legally you can’t, but tactically you can » J’ai des témoins de cette conversation. C’est l’avis légal que j’ai obtenu ce jour-là.

Dans l’état d’esprit dans lequel j’étais, je voulais une commission d’enquête pour laver mon honneur.»

Donc il vous a bien dit que légalement vous ne pouviez pas instituer cette commission, n’est-ce pas ?
Oui, mais il m’a dit : « Tactically you can »

Me Mohamed a démenti avoir tenu ces propos que vous lui prêtez.
Il a dit cela, je sais qu’il a dit cela, il dément mais je maintiens qu’il a dit cela.

Donc, est-ce faux ?
Je maintiens qu’il a dit cela. Et dans l’état d’esprit dans lequel j’étais, je voulais une commission d’enquête pour laver mon honneur. Je voulais que la population soit au courant des événements.

Le samedi 17 mars 2018, Me Mohamed ne vous a-t-il pas dit que vous avez violé la loi ?
Me Mohamed m’a appelée et il m’a demandé de démissionner comme présidente de la République. Il ne m’a pas dit que j’avais violé la loi.

Ne vous a-t-il pas dit que seriez sur le gril ?
Il n’a pas dit cela.

Donc, il ment ?
Il ne m’a pas dit cela le samedi 17 mars.

Le matin du 16 mars, vous avez appelé Me Hervé Duval Jr. Il était contre l’idée d’une commission d’enquête.
Je ne l’ai pas appelé.

Avez-vous appelé sir Hamid Moolan?
C’est Gilbert Noël qui a appelé sir Hamid Moolan. Il lui a expliqué l’idée derrière cette commission. J’ai seulement demandé à sir Hamid Moolan s’il était intéressé pour présider la commission.

Ainsi, vous n’êtes pas d’accord avec les propos que vos anciens hommes de loi ont tenus devant cette commission ?
Non, ils ont travaillé sur les ‘Terms of Reference’ de la commission, sans hésitation.

Aviez-vous obtenu un avis légal disant que vous pouviez aller de l’avant avec votre commission ?
Le fait que Me Gilbert Noël et Me Yousouf Mohamed préparaient les attributions…

Madame Fakim, vous êtes brillante, nous savons que vous avez du discernement, la question est simple : Aviez-vous reçu un avis légal ?
Me Mohamed était mon homme de loi…

La réponse est-elle oui ou non ?
Cela n’a pas été explicitement mentionné.

Vous ont-ils dit que vous pouviez instituer votre commission ?
Ils n’ont rien dit à ce sujet.

Aviez-vous pris contact avec l’Attorney General ou le Sollicitor General ?
Non. J’avais en face de moi un conseil des ministres hostile. Ils ont seulement approuvé un tribunal pour me destituer. J’étais complètement isolée.

Rien ne vous empêchait de contacter le Sollicitor General qui n’est pas un politicien.
Le contexte était spécial. J’étais sous une énorme pression qui a modifié ma manière de penser.

Vous êtes au courant des procédures pour l’institution d’une commission d’enquête. Vous avez eu de l’expérience avec la mise sur pied de celle sur la drogue…
Je ne suis pas au courant. J’étais en poste depuis quatre semaines quand j’ai approuvé la commission d’enquête sur la drogue.

N’étiez-vous pas au courant ?
Non, on m’a seulement demandé de signer. 

Le juge Ashraf Caunhye : «L’inadvertance est difficile à prouver et ne tient pas la route»

Le deuxième volet de l’interrogatoire d’Ameenah Gurib-Fakim par le Senior Judge Ashraf Caunhye porte sur l’utilisation de la Platinum Card de Planet Earth Institute (PEI). Ashraf Caunhye a été dur dans ses propos contre Ameenah Gurib-Fakim. Surtout par rapport à l’explication donnée par l’ancienne présidente à l’effet qu’elle a utilisé la carte par inadvertance.

Venons-en à la Platinum Card utilisée à 58 reprises pendant 7 mois. Vous avez expliqué avoir utilisé cette carte par inadvertance, n’est-ce pas ?
Oui.

Comment se fait-il qu’on utilise une carte par inadvertance ? Nous connaissons votre capacité de persuasion. Quand on dit par inadvertance, c’est une erreur je présume.
Oui

Avez-vous utilisé cette carte pour faire du shopping en connaissance de cause ? 
Bien sûr que non ! 

Cependant, pendant six mois, de septembre 2016 à mars 2017, vous avez utilisé cette carte en 58 occasions.
Oui

Toujours par inadvertance ?
Oui, ma carte personnelle est identique à celle de Planet Earth Institute. Vous n’avez pas besoin d’entrer le code à chaque fois dans les magasins.

Vous avez utilisé cette carte en 11 occasions pour une somme dépassant Rs 1 million. Votre carte personnelle a un plafond de Rs 500 000 seulement. Est-ce exact ?
J’ai un arrangement avec ma banque pour qu’elle transfère des fonds sur ma carte automatiquement chaque mois.

N’avez-vous pas reçu de relevés de comptes ?
J’ai reçu ces relevés, mais je n’ai pas consulté ces relevés. Ce n’est qu’en janvier 2017 que j’ai remarqué que mes dépenses personnelles ne s’affichaient pas. Et j’ai compris d’où venait l’erreur. J’ai par la suite demandé à Mauricio Fernandes de m’envoyer les dépenses de la carte du PEI pour rembourser mes achats.

En mars 2017, la presse a commencé à soulever l’affaire Alvaro Sobrinho et Planet Earth Institute. Les critiques de la presse mentionnaient aussi votre connexion avec cette affaire. Ce n’est pas une coïncidence qu’en mars 2017 toutes les inadvertances se sont dissipées et vous avez alors commencé à retracer les dépenses pour les rembourser.
Il y avait beaucoup d’allégations infondées contre moi…
Soyons clair sur le problème. Comme par hasard vous avez utilisé cette carte pour deux millions de roupies d’achats. Sur une longue période, tout était tranquille.
Non

Vous devez nous convaincre du contraire madame Fakim. L’inadvertance est difficile à prouver et ne tient pas la route quand on utilise une carte à 58 reprises.
Ce n’est pas vrai ! J’avais déjà demandé à rembourser avant les articles de presse. Des allégations gratuites ! J’insiste sur ce point.

Le remboursement ne guérit pas le mal. La question à laquelle vous devez répondre est :  si comme présidente de la République vous auriez dû accepter une telle carte. Ce n’est pas seulement votre nom personnel qui est en jeu ici. Les faits sont là, vous avez utilisé cette carte pour faire votre shopping pendant six mois.

 Ce n’est pas vrai !

Un exercice intense de lobbying par Ameenah Gurib-Fakim

Le troisième volet abordé pendant l’audition de l’ancienne présidente concerne le lobbying pour que la compagnie d’Alvaro Sobrinho obtienne une Investment Banking Licence. Le juge Ashraf Caunhye a confronté Ameenah Gurib-Fakim à une correspondance envoyée par elle au Premier ministre de l’époque, sir Anerood Jugnauth. Ashraf Caunhye a voulu savoir si Ameenah Gurib-Fakim a tenté d’influencer le Premier ministre.

Ashraf Caunhye: Avant d’obtenir la Platinum Card, vous étiez très occupée avec la promotion de Planet Earth Institute.
A.G.Fakim : Oui

Nous avons en notre présence un mail de Mauricio Fernandes qui parle de licence pour attirer des investisseurs avant l’arrivée d’Alvaro Sobrinho. Cela n’a aucun lien avec de la philanthropie mais plutôt avec le secteur financier. Avez-vous directement fait la promotion de l’Alvaro Sobrinho Africa Fund ?
Planet Earth Institute (PEI) est une Corporate Social Responsibility d’une compagnie privée. Afin d’obtenir des fonds, il doit y avoir des investisseurs. On me tenait au courant des événements, mais je n’ai jamais influencé les institutions pour accélérer les procédures.

Nous avons une autre correspondance, une lettre envoyée au Premier ministre. Était-ce pour l’influencer ? Comme présidente de la République, avez-vous utilisé votre lien direct avec le Premier ministre pour faire le lobbying d’Alvaro Sobrinho ?
Oui, parce que le bureau du Premier ministre est responsable de toutes les institutions qui ont les outils pour faire la ‘due diligence’. Quand je vois un investissement qui peut contribuer à l’économie du pays, j’informe le gouvernement. Je l’ai fait pour l’ASA, comme je l’ai fait pour beaucoup d’autres hommes d’affaires.

Pouvez-vous nous donner une liste de ces compagnies ?
Oui.

Ashraf Caunhye: C’est une coïncidence que le mois d’octobre 2016 a été le mois de toute cette saga. Il y a eu cette lettre au Premier ministre, le 27 octobre 2019. Le lendemain, vous achetez pour plus de Rs 500 000 de bijoux avec la carte du PEI. C’est pendant ce mois d’octobre que vous demandez l’accès au VIP Lounge de l’aéroport pour Alvaro Sobrinho. Est-ce une pure coïncidence ?
C’est une coïncidence.
Les travaux ont été ajournés à une date ultérieure. 

 

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