Il ne fait pas de doute, pour Amédée Darga, que la victoire d'Arvin Boolell à la partielle du no. 18 va changer la donne sur l'échiquier politique. Avec les rouges se positionnant comme un sérieux adversaire pour le MSM.
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Votre première analyse des résultats de la partielle?
45 % d’abstention, 31 % des votants qui n’ont pas voté pour les trois partis traditionnels et Arvin Boolell, le candidat travailliste, qui a gagné avec un score sans appel de 35 %. Les cartes ont été rebattues. Le PMSD a été ramené à sa juste mesure, voire il s'est rapetissé, le MMM a fait un crash et le Parti travailliste a le vent en poupe.
Est-ce que les électeurs ont voté pour Arvin Boolell ou pour le PTr de Ramgoolam?
Cette question relève de la pure spéculation intellectuelle. Chacun des 35 % qui ont été voter Arvin Boolell savait très bien qu’il votait travailliste et, dans le contexte où certains des adversaires ont martelé que « voter Arvin, c’est voter Navin », le fait simple et clair est que le candidat Arvin Boolell, présenté sous la bannière du Parti travailliste, a gagné. Et le leader du Parti travailliste est toujours Navin Ramgoolam. Le PTr a remporté cette élection partielle haut la main. Point barre.
Est-ce que le pourcentage obtenu par Arvin Boolell peut être considéré comme un bon score, malgré le fort taux d'abstention ?
Arvin Boolell a fait un très bon score, d’autant plus, comme l’a confirmé Rama Sithanen, il est sorti en tête dans toutes les écoles de vote. Quand on a gagné comme ça, le score importe peu, mais pour être vainqueur de ligue dans deux ans, ces 35 % sont évidemment loin d’être suffisants. Il faudra aller chercher chez les abstentionnistes et les 31 % de ceux qui ont choisi de ne pas voter pour le PTr et savoir pourquoi.
La victoire du PTr est-elle un signal pour dire que ce parti pourrait espérer un retour en force sur l'échiquier politique ?
Le Parti travailliste a évidemment le vent en poupe avec sa victoire au no. 18. Avec l’effondrement du PMSD et du MMM, le Parti travailliste est aujourd’hui le principal challenger de l’Alliance Lepep. La victoire va galvaniser des supporters pour un retour vers le Parti travailliste, elle redonne un capital de bienveillance dans les circonscriptions traditionnellement fortes du PTr où ses réunions seront accueillies plus favorablement. Si, dès le début de 2018, le Parti travailliste surfe sur la victoire du no. 18, entame une grosse campagne de présence sur le terrain, présente une équipe rénovée, il s’affirmera très vite comme la prochaine alternance évidente.
Le MSM devrait-il considérer cette victoire des Rouges comme un signal de la population que l'alternance est là ?
C’est un sérieux coup de semonce pour le MSM. Si l’opinion est partagée sur l’appréciation de la performance de Pravind Jugnauth comme Premier ministre, en revanche il souffre d’un gros déficit de confiance. Il y a certes deux ans encore, mais à moins que la cascade de scandales s’arrête, que Pravind Jugnauth sacrifie certaines têtes trop brûlées, qu’il vide certains jouisseurs qui bloquent le bon fonctionnement des institutions, qu’il fasse que certaines institutions clés soient réellement performantes et que l’économie se porte mieux, l’alternance sera devant la porte du pouvoir en 2019.
Le MMM survivra, mais dans son état actuel, uniquement comme force d’appoint.»
Un fait ressort de cette partielle : les jeunes l'auraient boudée. Pourquoi, selon vous ?
Est-ce un fait ou une impression ? Avons-nous réellement une évidente mesure que les jeunes ont boudé plus que d’autres ?
Tout le monde parle de renouveau, il n'y en a pas eu, selon des observateurs politiques. Les raisons ?
Il y a quand même 32 % des électeurs qui ont voté autre que les trois partis traditionnels, sauf que c’est un vote éclaté sur plusieurs candidats. C’est un vote de rejet mais qui ne trouve pas encore une force crédible en termes d’aspirant au pouvoir. Il y a un potentiel pour un renouveau, mais ce n’est jusqu’ici qu’un potentiel. Il y a en évidence une demande mais il n’y a pas d’offre. Il faut pour cela un leader charismatique, rassembleur et ayant une carrure d’homme d’État, une équipe qui rayonne de compétences et qui est perçue comme pouvant constituer un gouvernement, un travail assidu sur le terrain dans tous les recoins du pays et un message qui galvanise et assure l’adhésion parce qu’il répond à une majorité de classes sociales du pays. Tout cela n’est pas encore là.
Le MMM est une nouvelle fois battu à plate couture. Débâcle annoncée ?
Dramatique ! Voilà une énième fois que le chef suprême du MMM mène ce parti dans le mur. Et certains disent encore « que sera le MMM sans Bérenger ». Évidemment, cette débâcle était annoncée, sauf pour les romantiques de ce parti et pour ceux qui croient que la réalité ne peut être autre que ce que le chef décrète. Après la catastrophe du 17 décembre et dans l’état actuel du parti, qui peut encore croire que le MMM ira seul aux élections? Certes, le MMM survivra, mais uniquement comme force d’appoint.
Le message de Roshi Bhadain aux électeurs n'est pas passé concernant le Metro Express. Est-ce à dire que ce projet est finalement accepté par les électeurs du no. 18 ?
C’est Roshi Bhadain qui n’est pas passé. Trop perçu comme un double jeu, trop perçu comme arrogant, trop perçu comme un himself show. Mais il a quand même réalisé un très bon score. Le temps nous dira s’il pourra construire sur ce premier essai, s’il a la volonté d’un stayer, s’il sait tirer les leçons et construire un vrai parti.
Comment traduire la défaite du candidat du PMSD?
Xavier-Luc Duval n’a pas su transformer le bon capital qui a été le sien ces deux dernières années en valeur gagnante, en une offre sérieuse d’aspirant au pouvoir autrement qu’en wagon. Il a eu pour lui sa jeunesse, une perception de compétence, ne traînant pas de casseroles évidentes. Son rayonnement paraissait même aller au-delà de son bassin ethnique. Il n’a pas su ou n’a pas voulu se doter d’une équipe forte, une équipe qui aurait donné une image de dirigeants d’un gouvernement. Le PMSD est resté le PMXD. On ne devient pas un parti national avec un dirigeant et sa cour.
Jack Bizlall a fait un score qualifié, même par ses adversaires, d'honorable. Le renouveau viendrait-il finalement de lui et d'une gauche réunifiée ?
Je salue la ténacité et la performance de Jack Bizlall. Le vote pour Bizlall fait partie de ces 31 % de vote de rejet des trois partis traditionnels. La gauche a trop souvent été minée par des egos exacerbés. Faut-il encore définir quelle gauche dans une île Maurice où la majorité de la population se définit comme classe moyenne ? Peut-être qu’une certaine gauche pourrait se faire une place si le système électoral était dépolarisé et se basait sur la proportionnelle.
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