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Amédée Darga, Managing Director de StraConsult : «Le pays est en panne sur la question de création de richesse»

« Maurice peut-il vraiment devenir le Singapour de l’océan Indien ? »  Oui, car le potentiel est là, affirme Amédée Darga, Managing Director de StraConsult. Mais avant tout, il faut créer de la richesse réelle, et cela peut commencer dès maintenant en misant sur quatre axes stratégiques : l’investissement industriel, la logistique, l’agriculture, et l’économie bleue. 

«Un des gros problèmes que nous avons à Maurice, c’est que nous n’avons plus d’ambition », déplore Amédée Darga, Managing Director de StraConsult. Il s’exprimait lors de l’émission « Au Cœur de l’Info », présentée par Prem Sewpaul le jeudi 4 décembre, dont le thème était « Maurice peut-il vraiment devenir le Singapour de l’océan Indien ? » 

Selon lui, il n’est donc pas étonnant que la société, le gouvernement et tous les acteurs trouvent aujourd’hui « illusoire » l’idée que Maurice puisse devenir comme Singapour. « Cependant, nous avons encore la capacité d’y parvenir. Maurice possède de nombreux atouts qui lui permettraient de faire bien mieux que ce qu’il réalise actuellement », fait-il ressortir.

Comment s’y prendre ? Pour Amédée Darga, il n’y a pas trente-six solutions : il faut miser sur la gouvernance économique, « soit la manière de créer une richesse croissante pour le pays ». « Je prends l’exemple concret d’une grande famille qui possède 900 arpents de terre mais qui n’en fait rien. Chaque année, elle vend 3 ou 4 arpents et vit de cette vente. Maurice est dans cette situation. Si l’on ne crée pas plus de richesse, on tourne en rond avec le même argent », souligne-t-il.

Or, ajoute Amédée Darga, Maurice pèche à ce niveau depuis plusieurs années. « Le pays est en panne sur la question de la création de richesse. Quand je regarde les différents programmes gouvernementaux, je constate beaucoup de cafouillage, un manque d’objectifs clairs et précis, et surtout un gros problème d’implémentation. On n’arrive pas à transformer les idées en réalité », relève-t-il, citant l’exemple de l’économie bleue, pensée depuis 2012 mais sans réelle concrétisation 13 ans plus tard.

Le Managing Director de StraConsult ne cache pas ses craintes. « Aujourd’hui, notre PIB repose essentiellement sur la consommation et sur deux secteurs très volatils : le secteur financier et le tourisme. Il suffit d’un choc géopolitique pour déstabiliser notre secteur financier. D’ailleurs, la COVID-19 nous a clairement montré à quel point le tourisme est fragile », fait-il ressortir. 

Autre constat d’Amédée Darga : le problème de Maurice, ce n’est pas le marché, mais la production. « Nous avons un immense marché africain à portée de main. Maurice a signé des accords qui nous permettent d’exporter vers l’Afrique presque sans droits de douane. Mais la vraie question est : qu’avons‑nous à envoyer si nous ne produisons rien ? Le problème n’est pas l’absence de marché, qui représente des centaines de millions de consommateurs avec un accès préférentiel, mais bien le manque de production », soutient-il.

Il compare ensuite la situation à Singapour, où l’industrie de production réelle représente environ 20 % à 25 % de l’économie, alors qu’à Maurice, cette part a reculé de 22 % à seulement 13 % aujourd’hui.

Ses recommandations … 

… pour accroître la richesse nationale 

« On parle souvent de Singapour comme modèle. Mais encore faut-il avoir la volonté de faire le premier pas dans la bonne direction. Il y a au moins quatre mesures concrètes que nous pourrions prendre dès maintenant, qui, dans les années à venir, contribueraient à accroître la richesse nationale », indique Amédée Darga. 

Les quatre axes à privilégier 

  1. L’investissement industriel, essentiellement étranger : « Au lieu de chercher des investisseurs uniquement pour acheter des terres à Maurice, il faut attirer ceux qui sont prêts à investir dans l’industrie productive. Le secteur privé local, bien qu’il ait un rôle à jouer, a des limites pour relancer l’industrie à lui seul. Il nous faut un afflux massif d’investissements étrangers capables de relancer ce secteur stratégique », soutient Amédée Darga. Il livre deux pistes vers lesquelles on peut se tourner : (i) la production de fil et de tissu qui peut attirer des investisseurs en Turquie, au Pakistan ou ailleurs. Maurice peut aussi en produire pour les écouler en Afrique ; (ii) la production de petits équipements pour le marché africain
  2. Le développement de la logistique  
  3. La relance de l’agriculture  
  4. L’économie bleue
     

…pour miser sur cinq ministères clés 

« Il n’y a que cinq ministères principalement concernés par l’économie : Industrie et PME, Finances, Agriculture, Services financiers et Tourisme. Je ne vois pas où est la difficulté pour que le chef du gouvernement définisse des objectifs clairs et concrets à ces ministères. Cela peut se faire en une ou deux semaines de travail ciblé, à condition d’éviter les comités. Le Management by Committee est une catastrophe terrible. Il faut une équipe resserrée, autour de ces cinq ministres, composée de professionnels compétents qui fixent des objectifs précis et veillent à leur exécution », suggère Amédée Darga. 
 

Amit Bakhirta : « Chaque Mauricien devrait porter ce flambeau pour faire de Maurice le Singapour de l’océan Indien »

«Depuis mon enfance, j’entends dire que Maurice pourrait devenir comme Singapour. Pourquoi pas ? Chaque Mauricien devrait porter ce rêve, ce flambeau, pour faire de Maurice le Singapour de l’océan Indien.

Mais il faut être réaliste : il y a encore beaucoup de travail », avance Amit Bakhirta. Pour le Fondateur et CEO de la société ANNEAU, le succès de Singapour est lié à sa gouvernance, à un leadership fort, mais surtout à sa proximité stratégique avec la Chine et la région Asie-Pacifique, qui absorbe 73 % de ses exportations. « Nous, à Maurice, restons tournés vers l’Europe pour diverses raisons, alors que notre ‘grosse baleine’ à nous, c’est l’Afrique », observe Amit Bakhirta. Pour l’économiste, Maurice n’a pas besoin de réinventer la roue. Il suffit de s’inspirer des modèles qui ont fonctionné - Singapour, Dubaï - et de les adapter à notre réalité. Il faut notamment miser sur la stratégie commerciale, le développement portuaire, l’économie bleue et un système fiscal attractif.

Ces données avancées par Amit Bakhirta

• 9 fois : Singapour a un PIB neuf fois supérieur à Maurice : il produit environ 550 milliards de dollars contre 10 à 12 milliards de dollars pour notre pays.

• 4 % : Maurice revient à une moyenne de croissance similaire à celle des 10 ou 20 dernières années, sans réussir à dépasser les 4 %. Pour Amit Bakhirta, les deux à trois années à venir s’annoncent encore plus complexes, notamment en raison de deux facteurs : d’une part, la difficulté de l’exécutif à définir de nouvelles politiques économiques, et d’autre part, les lenteurs dans leur mise en œuvre.

• Top 25 : La majorité des revenus du Top 25 de plus grandes entreprises mauriciennes provient de l’étranger, principalement d’Afrique.

Il A DIT

Dr Drishtysingh Ramdenee, Secrétaire général de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Maurice (MCCI) : « J’ai eu l’occasion de visiter Singapour et de rencontrer le président de l’Economic Development Board de Singapour Corporate Enterprise. Il nous a transmis un message fondamental : chaque pays doit tracer sa propre route. Il faut une philosophie et un plan qui soient propres à Maurice. L’accent doit être mis sur la productivité. Il ne s’agit pas de copier ce que fait Singapour, mais de comprendre notre positionnement et de construire en fonction de nos réalités. Ce dont Maurice a besoin, c’est de la qualité de sa main-d’œuvre, qu’elle soit locale ou étrangère, et que cette main-d’œuvre soit en adéquation avec nos secteurs industriels. À Singapour, chaque formation est précisément alignée avec les besoins de son économie. Par ailleurs, chez eux, planification et exécution vont de pair. » 

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