Quelles sont les perspectives de développement pour les PME, après la présentation du Budget 2017-2018 ? Est-ce que les mesures annoncées permettront-elles de relancer ce secteur ? Amar Deerpalsing, président de la Fédération des Petites et Moyennes Entreprises, fait le point.
Dans le discours Vision 2030, on prévoit la création de 9 000 emplois dans le secteur des PME.
Plus d’un mois après la présentation du Budget 2017-2018, quelle est votre première lecture de la suivie des mesures concernant les PME ?
C’est un Budget qui a encore apporté plus de confusions concernant les mesures qui sont censées apporter un nouveau souffle aux PME, car ces mesures successives manquent de sérieux et de constance. L’année dernière, on avait vu des mesures destinées à des institutions pour qu’elles apportent du soutien aux PME, tels que la Smeda, Enterprise Mauritius et NWEC.
C’était une bonne idée, car pour la première fois, une mesure allait apporter plus d’efficacité et diminuer les confusions créées par une multitude d’institutions dispersées et une meilleure utilisation des deniers publics. Dans le dernier Budget, on annonce qu’Entreprise Mauritius allait fusionner, la Smeda changera d’appellation pour devenir SMI Mauritius.
Quant au NWEC, on n’en sait rien. Au final, depuis l’avènement de ce gouvernement, beaucoup de mesures ont été annoncées sans jamais se concrétiser, et c’est une situation qui est néfaste à la communauté des petits entrepreneurs. La confiance n’est pas revenue et la situation ne s’est guère améliorée. Nos fondamentaux économiques se détériorent encore plus.
Les PME étaient destinées, selon le vœu de ce gouvernement, à devenir un pilier de développement. Où en sommes-nous ?
Mais les PME étaient déjà un pilier de notre pays, étant le plus gros employeur de Maurice. C’est un secteur qui, d’année en année, crée deux fois plus d’emplois que les grosses entreprises. Dans le discours Vision 2030, on a projeté la création de 9 000 emplois dans le secteur des PME durant les cinq prochaines années. On est en train de le faire.
Alors, quels sont les problèmes dans ce secteur ?
Il y a trop de confusion pour les entreprises, surtout pour les PME qui sont des entités fragiles caractérisées par l’absence de moyens, mais qui ont de gros potentiels de croissance. Les PME manquent toujours de ressources en interne et cette lacune ne leur permet pas d’envisager l’avenir avec beaucoup de confiance et de sérénité parce qu’il leur manque des compétences pointues pour leur encadrement : elles ne possèdent pas de départements légal, de marketing, de ressources humaines, et il leur faut chercher ailleurs ces compétences, mais elles sont trop onéreuses. Ce sont ces services qu’elles attendaient des institutions que j’ai citées plus tôt. Il incombait au gouvernement de combler ces lacunes.
Le gouvernement donne plutôt le sentiment de travailler à des mesures afin de soutenir financièrement les PME…
Je vous donne un exemple de l’incompétence du ministre de tutelle. Au départ, on avait créé Mybiz pour servir comme un one-stop-shop, puis on a travaillé au 10-Year Master Plan, enfin, il y a eu le projet de fusion de la Smeda, d’Enterprise Mauritius et du NWEC. Avec le rapport du 10-Year Master Plan, on a abandonné la fusion et la Smeda est devenue SMI Mauritius. Un High Powered Committee a été mis sur pied par le ministre Nando Bodha pour la mise en œuvre du 10-Year Master Plan, qui a été rendu public. Je me demande où on va.
Que reprochez-vous au gouvernement ?
Son absence de clairvoyance et de consistance. La plupart du temps, les mesures ne se sont pas concrétisées et les décisions ne font pas l’unanimité par la communauté des PME, quand elles ne vont pas à l’encontre de leurs intérêts.
Donnez-nous un exemple ?
Le dernier Budget permet d’importer des meubles duty-free. Or, les PME n’ont pas autant de moyens que les conglomérats qui, nous le savons, sont également engagés dans les smart cities. Tout a été fait pour faciliter les conglomérats, en termes de taxation, de Registration Duty, de Land Conversion Tax, de Tax Holiday. Les meubles seront détaxés seulement dans les smart cities. Les opérateurs du secteur s’attendaient à avoir du travail dans ces smart cities, ils sont tombés des nues. Pas qu’eux, mais toute la population. Tout le monde sait que ceux qui feront acquisition des biens immobiliers dans ces villes sont des personnes à hauts revenus. On ne comprend pas pourquoi le gouvernement offre tellement de concessions à ces personnes très riches aux dépens du reste de la population.
Est-ce que les banques jouent-elles le jeu dans la promotion des PME ?
C’est tout le monde des affaires qui connaît la problématique de l’accès aux finances. Il y a déjà un excès de liquidités sur le marché et qui restent dans les coffres des banques.
Qu’est-ce qui explique la frilosité des banques à prêter aux entreprises ?
Les banques ne prennent pas de risques. C’est le seul business dans ce pays qui ne prend pas de risques.
Ont-elles raison ?
Dans ce cas, personne ne devrait prendre de risques. Les banquiers sont une race un peu spéciale dans le monde de l’entrepreneuriat, elle ne prend pas de risques et elle réalise des profits presque indécents.
On met toujours l’accent sur l’étroitesse de notre marché, ce qui est un handicap pour le développement de nos PME. Est-ce que le salut viendrait de l’exportation ?
Je pense que nous n’avons aucune stratégie régionale ou africaine pour les PME. Il y a déjà une institution, Enterprise Mauritius, qui assure le gate-way vers l’exportation, mais elle n’exporte que des entreprises ready-made. Mais force est de constater qu’il n’existe aucune institution qui offre l’encadrement nécessaire pour qu’une entreprise qui possède des potentiels d’exportation arrive à exporter.
Est-ce que les foires commerciales internationales ne permettent-elles pas aux PME d’avoir une visibilité à l’étranger ?
Ces foires ne concernent que des entreprises export-ready. Qui sont ces entreprises ? Ce sont de grosses entreprises qui sont présentes sur le board d’Enterprise Mauritius et qui définissent le politique de celui-ci. Donc, on sait quels sont les marchés qu’ils vont cibler, ceux qui servent leurs intérêts, pas ceux des PME.
Est-ce que le gouvernement assisterait-il, impuissant, à ce fait ?
Le gouvernement doit mobiliser les moyens afin de soutenir les PME. Il ne le fait pas. Je vous donne un exemple des plus concrets. Dans le premier Budget de ce gouvernement, on avait annoncé la création de neuf parcs industriels. Le 2e Budget, lui, réduit cette annonce à deux parcs. Après presque trois ans de prise de pouvoir de ce gouvernement, autant que je sache, aucun parc industriel n’a encore vu le jour.
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